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Caroline Colombier
Question N° 4653 au Secrétariat d'état à l’écologie


Question soumise le 17 janvier 2023

Mme Caroline Colombier interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la prolifération des frelons asiatiques sur le territoire national. L'hiver 2021 et l'été 2022 particulièrement chauds au niveau national ont accentué la multiplication déjà exponentielle du frelon asiatique (Vespa Velutina), espèce invasive introduite en France il y a une quinzaine d'années. Désormais, aucun territoire n'est épargné et de plus en plus de départements, y compris en Charente, sont concernés et impactés avec plusieurs milliers de nids repérés tardivement et donc jamais détruits à temps. L'apiculture nationale est en grand danger, puisqu’une poignée de quelques frelons peuvent, à eux seuls, détruire en quelques jours un rucher complet d'abeilles domestiques productrices de miel et le bilan de fin la de saison apicole de 2022 est catastrophique avec la disparition de trop nombreuses colonies. Cette espèce animale invasive était, avant la loi de santé animale européenne de 2021 (LSAE), classée en catégorie « 2 » par les pouvoirs publics. Cela signifiait que les services publics n'intervenaient pas pour assurer la destruction des nombreux nids. Depuis 2021, cette espèce invasive n'est malheureusement pas cataloguée comme « obligation de prévention et d'éradication ». De fait, cela ne contraint pas les pouvoirs publics à obliger la destruction des nids répertoriés, contraignant chaque propriétaire ayant un nid de frelon sur sa propriété à en assurer la destruction sur ses propres deniers (le coût d'intervention par société agréée est d'environ 150 euros par nid). Pourtant, les chiffres sont sans appel, car un nid en automne abritera au minimum 50 fondatrices qui au printemps suivant installeront 50 autres nids supplémentaires, ce qui explique facilement le développement invasif et exponentiel car un nid abrite 3 000 à 5 000 frelons asiatiques, s'installe n'importe où et défend agressivement tout son territoire. Ce grave problème concerne non seulement le secteur apicole et plus généralement tous les insectes pollinisateurs, mais risque de constituer prochainement un problème de sécurité publique car ces insectes peuvent causer des décès chez les populations fragiles. Pour répondre à ces enjeux, elle lui demande si l'État compte faire évoluer la catégorisation de cette espèce invasive afin de prendre en charge leur destruction, ou a minima, instaurer un dispositif incitatif de prise en charge des interventions par les collectivités locales.

Réponse émise le 31 janvier 2023

La lutte contre le frelon asiatique (Vespa velutina nigrithorax), espèce ayant connu une expansion rapide dès son introduction accidentelle en Aquitaine en 2004, est encadrée par un corpus législatif et réglementaire complet et détaillé ci-après. Le plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation qui a été lancé conjointement par les ministères de la transition écologique et de l'agriculture en novembre 2021 est de nature à soutenir une bonne application des moyens de lutte (action 4.4.4 du plan, disponible ici : https://agriculture.gouv.fr/plan-national-en-faveur-des-insectes-pollinisateurs-et-de-la-pollinisation-2021-2026-DP). Depuis fin avril 2021, une seule réglementation concourt à la lutte contre cette espèce : celle portant sur les espèces exotiques envahissantes (EEE) pilotée par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Celle portant sur les organismes de quarantaine, pilotée par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA), a exclu le frelon asiatique au regard de la nouvelle législation européenne dite "loi de santé animale » (Cf ci-après). Concernant la réglementation spécifique sur les EEE, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a complété le code de l'environnement pour intégrer des dispositions législatives permettant d'agir contre les EEE (articles L. 411-5 et suivants). Au regard de l'intérêt de préservation du patrimoine biologique, des milieux naturels et des usages associés, l'article L.411-6 de du code de l'environnement interdit sur le territoire national, l'introduction, la détention, le transport, le colportage, l'utilisation, l'échange, la vente ou l'achat de tout spécimen vivant d'EEE, dont la liste est fixée par l'arrêté interministériel du 14 février 2018. Le frelon asiatique est inscrit sur cette liste. Les opérations de lutte sont définies à l'article L.411-8 du code de l'environnement. Ainsi, dès constat de la présence dans le milieu d'une EEE, le préfet de département peut « procéder ou faire procéder (…) à la capture, au prélèvement, à la garde ou à la destruction de spécimens » d'EEE. Un arrêté préfectoral précise alors les conditions de réalisation de ces opérations. Les préfets peuvent notamment ordonner la destruction de nids sur des propriétés privées. Le financement des opérations de lutte contre le frelon n'est pas pris en charge par l'État, au regard du degré très large d'envahissement du territoire métropolitain par l'espèce. La destruction des nids reste à la charge des particuliers et ses coûts peuvent être, le cas échéant, pris en charge en tout ou partie par des financements locaux émanant de collectivités territoriales. Parallèlement, la direction générale de l'alimentation du MASA accompagne financièrement l'Institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation (ITSAP – Institut de l'Abeille) et le MNHN (Muséum national d'Histoire naturelle) pour leurs actions techniques et scientifiques relatives à l'identification et à la validation des outils de lutte contre le frelon asiatique. Les actions financées comportent deux volets : une méthode concernant le piégeage des fondatrices au printemps et le développement d'un protocole pour la destruction de nids par appâts empoisonnés. Le premier volet des travaux concernant le piégeage est arrivé à son terme et a montré que le nombre de nids du frelon asiatique décroît significativement lorsque la méthode est conduite durant plusieurs printemps successifs, avec un maillage spatial fin et régulier (plus de 200 pièges répartis de façon homogène sur environ 10 km2 autour d'un rucher à protéger). Un complément d'étude est envisagé sur 2023, afin d'approfondir les résultats. Le second volet vise à vérifier l'efficacité d'appâts empoisonnés et leurs impacts sur l'environnement. Dans le cas où la méthode se montrerait efficace, il reviendra à la filière et/ou à un industriel de réaliser les démarches d'obtention des autorisations « substances biocides », puis « produits ». Ce projet devrait également permettre de proposer une méthode alternative au fipronil (hautement toxique) utilisé sans autorisation pour lutter contre les frelons. Enfin, il est à noter que le frelon asiatique n'est pas réglementé par le ministère de la santé et des solidarités au titre des espèces nuisibles pour la santé humaine car il s'avère, au regard des données des centres anti-poisons, que l'espèce ne présente pas de danger supérieur par rapport d'autres hyménoptères (frelon européen, guêpes, etc). Si cette situation venait à changer du fait de l'extension de l'espèce, la question de sa réglementation serait à réexaminer.

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