Mme Marine Le Pen interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'application dans les juridictions de l'article 227-17 du code pénal. Alors que la délinquance de mineurs ne cesse de faire la une des médias, Mme la députée souhaite savoir si la responsabilité pénale de parents de mineurs délinquants est régulièrement engagée. Elle souhaite donc connaître le nombre de procédure qui ont abouti de ce chef depuis 10 ans et elle souhaite également savoir si les circulaires pénales de la chancellerie demandent aux procureurs de poursuivre sous ce chef.
Premiers responsables de leurs enfants, les parents exercent à l'égard de l'enfant mineur les prérogatives attachées à l'autorité parentale. Les difficultés constatées dans l'exercice de l'autorité parentale peuvent donner lieu à un accompagnement éducatif, dans un cadre contractualisé, ou sur décision du juge des enfants, saisi en assistance éducative au titre de la protection de l'enfance en danger, comme le prévoit l'article 375 du code civil. A côté de ces mesures d'accompagnement, le droit pénal appréhende certaines défaillances dans l'exercice de l'autorité parentale, qui lorsqu'elles sont caractérisées peuvent conduire à poursuivre pénalement des parents qui manquent à leurs obligations parentales. La responsabilité pénale des parents peut ainsi être recherchée lorsque la soustraction par un parent à ses obligations légales compromet la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant, comme le prévoit l'article 227-17 du code pénal. Cette infraction est définie comme « le fait par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant mineur ». Elle peut couvrir un champ large de comportements, voire de carences, telles que des carences éducatives graves, une absence de soins, le comportement d'une mère radicalisée ou bien encore de parents se désintéressant de la scolarisation de leurs enfants. La caractérisation de l'infraction exige de démontrer que la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de l'enfant mineur a été compromise. A défaut, l'infraction ne peut être retenue. En 2022, 328 personnes ont été condamnées du chef, notamment, de soustraction en qualité de parent à ses obligations légales compromettant la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant. 44 d'entre elles se sont vues infliger une obligation d'accomplir un stage de responsabilisation parentale. Parmi les 180 personnes condamnées pour une infraction principale de soustraction par un parent à ses obligations légales compromettant la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant, 13 ont été condamnées à une peine d'emprisonnement ferme ou en partie ferme et 127 à une peine d'emprisonnement avec sursis total. Il n'est en revanche pas possible d'isoler sur le plan statistique le nombre de condamnations à cette infraction concernant des parents de « mineurs délinquants ». D'une part, cela impliquerait d'isoler parmi le nombre de condamnés pour cette infraction, ceux qui auraient un ou plusieurs enfants dits « délinquants ». D'autre part, cela nécessiterait, en amont, une clarification de la notion de mineur « délinquant », cette notion pouvant désigner un mineur connu des services de police, ou de la justice, ou un mineur ayant déjà fait l'objet d'une condamnation pénale, ou encore d'une mesure alternative aux poursuites pénales ou d'un suivi éducatif. Par ailleurs, les parents peuvent être pénalement responsables en cas de refus d'inscrire un enfant d'âge scolaire dans un établissement d'enseignement malgré mise en demeure. En 2021, le taux de réponse pénale pour cette infraction était de 94 % alors qu'il était de 79,7 % en 2020. Ainsi, 24 personnes ont fait l'objet de poursuites et 86 ont fait l'objet d'alternatives aux poursuites. Il peut en outre être rappelé que le code de la justice pénale des mineurs a également entendu responsabiliser les représentants légaux des mineurs poursuivis devant les juridictions pour mineurs en leur imposant différentes obligations. Ils doivent répondre aux convocations à comparaître devant un magistrat ou une juridiction pour mineurs (article L. 311-5 du code de la justice pénale des mineurs). A défaut, ils peuvent être amenés à comparaître par la force publique et être condamnés à un stage de responsabilité parentale et une amende de 3750 euros. Les représentants légaux sont également tenus de payer les frais de stage que le mineur doit effectuer au titre d'une mesure alternative aux poursuites ou d'une composition pénale, fixés par décision du procureur de la République (art. L.422-2 al. 4 et L.422-4 al. 4 du code de la justice pénale des mineurs). Ils doivent enfin justifier de l'adresse du mineur inscrit au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et violentes et déclarer son changement d'adresse dans les conditions et suivant les modalités prévues à l'article 706-53-5 du code de procédure pénale. En cas de manquement à cette dernière obligation, ils encourent deux ans d'emprisonnement et 30. 000 euros d'amende (article R. 632-2 du code de la justice pénale des mineurs). L'arsenal législatif déployé vise ainsi à apporter une réponse équilibrée et graduée aux difficultés constatées dans l'exercice de l'autorité parentale. Le législateur veille ainsi à la fois à responsabiliser les parents qui commettent des infractions au préjudice des mineurs et ceux dont les enfants sont poursuivis par le ministère public. Dans le cadre des violences urbaines commises en juin et juillet 2023 sur l'ensemble du territoire national, le ministère de la Justice a diffusé deux circulaires permettant de répondre de manière efficiente et proportionnée aux infractions commises par des individus mineurs, tout en rappelant la responsabilité des parents. La circulaire du 30 juin 2023 rappelle ainsi que des poursuites du chef de soustraction par un parent à ses obligations légales peuvent être envisagées à l'égard des parents pour lesquels de graves manquements pourraient être constatés au point de compromettre gravement la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation du mineur. Elle souligne également que les infractions commises par les mineurs engagent, en principe, la responsabilité civile de leurs parents. La circulaire du 5 juillet 2023 relative au traitement des infractions commises par les mineurs dans le cadre des violences urbaines rappelle quant à elle les modalités d'engagement de la responsabilité civile et pénale individuelle des parents de mineurs auteurs d'infractions. Elle invite les parquets à apporter aux infractions commises dans le cadre des émeutes urbaines une réponse pénale ferme, rapide, et systématique, privilégiant le défèrement pour les infractions d'atteintes aux personnes ou d'atteintes graves aux biens publics et les mineurs réitérants.
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