M. Guillaume Vuilletet appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention quant à la nécessité de systématiser la recherche et le bannissement des nanoparticules dans les produits du quotidien. Selon une étude publiée le 15 décembre 2022 par l'Association de veille et d'information civique sur les enjeux des nanosciences et nanotechnologies (AVICENN), qui a mené des tests sur 23 produits « vendus à grande échelle » et « utilisés par le grand public », 20 contenaient des particules d'une taille inférieure à 100 nanomètres, appelées nanoparticules. L'association cite les cas du lait infantile, des brosses à dents, des cosmétiques, des produits d'emballages alimentaire, etc. La règlementation européenne depuis 2013 et française depuis 2017, oblige les fabricants des produits cosmétiques, alimentaires ou biocides à fournir cette information sur l'emballage de leurs produits « dès que la teneur en nanoparticules est supérieure à 10 % ». Or les nanoparticules retrouvées par AVICENN dans 20 des 23 produits testés, par exemple le dioxyde de titane et l'oxyde de fer dans les produits cosmétiques, ou encore le nano-argent dans les produits d'hygiène et de santé étaient non-étiquetées et parfois tout simplement non-autorisées. Il a été prouvé que, de par leur taille infiniment petite, les « nanos » se diffusent très profondément dans l'organisme, jusqu'aux cellules où leur très forte réactivité peut provoquer des effets néfastes : inflammations, allergies, voire un risque de cancer. Le dioxyde de titane, dont les nanoparticules, capables de traverser le placenta, sont classées cancérogène possible pour l'homme par inhalation par le Centre international de recherche sur le cancer, a été suspendue en France le 1er janvier 2020 sous forme d'additif alimentaire (E171) en raison de son potentiel génotoxique. Le Gouvernement devra bientôt décider s'il prolonge ou non cette suspension. Il reste autorisé pour les cosmétiques (dentifrice, crèmes solaires, poudres, etc.) et les médicaments. La même substance entre également dans la composition de peintures industrielles et de matériaux de construction. Des nanoparticules de silice utilisées en tant qu'additif alimentaire (E551) pour leurs qualités antiagglomérantes qui permettent d'améliorer la texture des aliments, ont été identifiées par AVICENN dans six produits : du lait infantile en poudre, de la soupe déshydratée, de la pâte à tarte, du jambon, de la vitamine C et des croquettes pour chien. Or des études récentes (CNRS, INRAE) ont montré qu'elles pouvaient avoir des effets génotoxiques, entraîner des perturbations immunitaires ou encore accroître les intolérances alimentaires voire des allergies. Alors qu'elle était très courante ces dernières années, la mention E551 a disparu de l'étiquetage des ingrédients des produits alimentaires, a souligné AVICENN. Enfin, des nanoparticules d'argent ont été retrouvées dans quatre articles : une brosse à dents pour enfant, un masque FFP2, une culotte menstruelle et un caleçon. Le nanoargent est en cours de classification au niveau européen en raison de risques présumés d'effets graves sur le système nerveux et pour la fertilité. Depuis janvier 2022, il n'est plus autorisé à la vente. Le député estime qu'en ce qui concerne les nanoparticules, les risques sur la santé à moyen et long terme semblent largement sous-évalués, notamment en cas d'exposition chronique à des produits cumulant la présence de plusieurs nanoparticules en quantité importantes, comme certains produits cosmétiques. Alors que la réglementation européenne rend pourtant obligatoire l'étiquetage « nanomatériaux » pour les produits alimentaires et les cosmétiques depuis 2013, cela ne semble pas respecté en France, notamment en ce qui concerne les nanoparticules de silice. M. le député souligne que le principe de précaution s'impose : l'exposition des consommateurs aux nanomatériaux doit être clairement limitée tant que leur innocuité n'a pu être démontrée. Il interroge le ministre sur sa volonté d'intensifier les contrôles et sanctions pour les entreprises qui ne respectent pas l'obligation d'étiquetage et la pertinence de mettre en place la recommandation d'AVICENN, qui propose que les industriels participent au financement de recherches indépendantes pour mieux évaluer les risques liés aux nanomatériaux. Enfin, il demande à Mr le ministre si, pour toutes les raisons citées plus haut, la suspension du dioxyde de titane sous forme d'additif alimentaire (E171) peut être prolongée, voire sanctuarisée.
Les différents services ministériels, que ce soit la direction générale de la prévention des risques, la direction générale de la santé ou la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sont régulièrement en contact avec cette Association de veille et d'information civique sur les enjeux des nanosciences et nanotechnologies (AVICENN) dont les travaux contribuent d'ailleurs à alimenter le ciblage de certains contrôles de la DGCCRF. Les résultats des contrôles de la DGCCRF l'ont conduite à intensifier ses actions pour mieux protéger et informer les consommateurs quant à l'usage des nanoparticules. Ainsi, dans le secteur cosmétique, parmi les 13 produits solaires prélevés par la DGCCRF en 2021, 1 était conforme, 11 contenaient du dioxyde de titane sous forme de nanomatériau, autorisé comme filtre solaire, mais ne respectant pas la taille médiane minimale des particules fixée par la réglementation, et 1 contenait des filtres solaires non étiquetés [nano]. Parmi les 11 autres cosmétiques contrôlés, 5 étaient conformes, et 6 contenaient des nanomatériaux non autorisés ou de la silice [nano] non étiquetée. À la suite de ces contrôles, pour les défauts d'étiquetage et pour la présence de nanomatériaux non autorisés (oxydes de fer ou dioxyde de titane utilisés comme colorants), les sociétés ont été enjointes de se mettre en conformité. Plusieurs de ces produits étant mis sur le marché par des opérateurs d'autres pays européens, des demandes ont été transmises à ces opérateurs et les autorités nationales concernées en ont été informées, pour faire cesser ces pratiques. La DGCCRF a également demandé aux fédérations professionnelles de constituer les dossiers nécessaires pour régulariser l'utilisation de ces colorants sur la base d'une évaluation de leur sécurité. S'agissant des articles textiles, les contrôles ont eu pour objectifs de rechercher la présence éventuelle de nanomatériaux compte tenu des propriétés mises en avant et de vérifier le bon étiquetage de ces articles au titre du règlement relatif aux produits biocides. Quatre prélèvements ont été réalisés par la DGCCRF afin de mettre en évidence la présence éventuelle de nanoparticules d'argent. Deux produits étaient traités avec des nanoparticules d'argent sans que cette information ne soit portée à la connaissance des consommateurs, les deux opérateurs commercialisant ces deux produits les ont retirés du marché à la suite de l'enquête de la DGCCRF. À l'inverse, un des produits prélevés ne contenait pas de nanoparticules d'argent pourtant annoncées dans le descriptif du produit concerné. La règlementation n'oblige toutefois pas les fabricants des produits cosmétiques, alimentaires ou biocides à fournir sur l'emballage de leurs produits l'information sur la présence de nanomatériaux « dès que la teneur en nanoparticules est supérieure à 10 % ». En effet, les règlementations des produits cosmétiques et alimentaires ne prévoient pas de seuil (proportion de nanoparticules) à partir duquel un ingrédient doit être considéré comme nanomatériau. La règlementation des produits chimiques, notamment biocides, prévoit quant à elle un seuil de 50 %. Ces disparités font l'objet de controverses avec les professionnels, et ont récemment conduit la Commission européenne à prendre position en faveur d'un seuil harmonisé à 50 %. Les autorités françaises ont plaidé pour une absence de seuil, ou du moins pour sa révision à la baisse, en s'appuyant sur les conclusions d'une expertise de l'Anses selon laquelle le seuil de 50 % n'avait pas de fondement scientifique. À la différence des règlementations précitées, pour d'autres types de produits (comme les brosses à dents ou les articles textiles non traités biocides), il n'existe pas d'obligation d'étiquetage spécifique des nanomatériaux. Plus largement, l'idée de développer la recherche des nanomatériaux dans les produits du quotidien, et leur interdiction lorsque leur usage n'est pas autorisé par la règlementation, est tout à fait en phase avec les priorités du Gouvernement. En effet, le quatrième plan national santé-environnement (PNSE4), copiloté par les ministères chargés de la santé et de l'environnement, comprend plusieurs actions en ce sens. Elles visent à améliorer la connaissance sur l'usage des nanomatériaux, sur les risques sanitaires et environnementaux associés, à mieux respecter les obligations relatives à la présence de nanomatériaux dans les objets du quotidien, à étendre celles relatives à l'étiquetage à d'autres secteurs et à encadrer les nanomatériaux qui ne présentent pas une utilité forte et qui peuvent présenter des risques (actions 13.2 à 13.5). Le rapport d'avancement 2021-2022 de ce plan est disponible en ligne. S'agissant enfin de la suspension de mise sur le marché en France du dioxyde de titane utilisé comme additif alimentaire, celle-ci a bien été prolongée par l'arrêté du 23 décembre 2022 portant suspension de la mise sur le marché des denrées contenant l'additif E 171, afin de prévenir l'écoulement sur le territoire français des stocks mis sur le marché européen. Au niveau européen, cet additif a également été retiré de la liste des additifs autorisés par le règlement européen n° 2022/63 de la Commission européenne du 14 janvier 2022.
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