Mme Christine Arrighi appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la situation des demandeurs d'asile ukrainiens déjà présents sur le territoire français avant la guerre débutée le 24 février 2022. Selon des informations obtenues par Mediapart, les demandeurs d'asile ukrainiens déjà présents sur le territoire français avant la guerre débutée le 24 février 2022 pâtiraient de l'accueil réservé à leurs compatriotes arrivés après cette date. C'est en tout cas ce que révèle un courriel interne à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), que le média en ligne a pu consulter. Selon ce document, la présidence de la CNDA aurait « recommandé » à des juges de repousser toutes les audiences prévues pour les ressortissants ukrainiens déjà en France. Les dossiers en cours de traitement mais dont la décision est en instance de rédaction seront, eux, gelés, selon ces recommandations. « La présidente a recommandé ce jour de ne pas juger les affaires de ressortissants ukrainiens, y compris lorsque l'affaire est déjà passée en audience à la seule exception portant sur une décision délibérée qui a octroyé une protection au titre de la convention de Genève », peut-on lire dans cette note datée du 8 mars, selon les informations rapportées par Mediapart. En d'autres termes, tous les dossiers sont reportés sine die, à l'exception de ceux de personnes qui sont sur le point de recevoir une décision positive sur l'octroi du statut de réfugié. C'est le cas d'une famille ukrainienne, hébergée dans la région toulousaine, ayant demandé l'asile en 2019. Après un premier refus d'asile en fin d'année dernière - après plus de 2 ans de traitement de dossier -, elle a déposé un recours à la CNDA. Or depuis le déclenchement de la guerre, la CNDA a cessé de traiter les dossiers des ukrainiens ayant fait leur demande d'asile avant le début du conflit. Le courrier reçu par la famille de la CNDA indique que la procédure était interrompue. Elle n'a reçu aucune nouvelle depuis. Tous ces ressortissants ukrainiens sont donc bloqués en CADA, parfois avec des enfants, évidemment scolarisés. Celui de cette famille a 4 ans, dont 3 ans et demi passés en France. Des dizaines de milliers d'Ukrainiens sont arrivés en France, 15000 dès les premières semaines du conflit, certains accueillis par le président Emmanuel Macron en personne. M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer a lui-même assuré que le pays était en capacité d'en accueillir jusqu'à 100 000 autres, voire davantage. Comme tous les États membres de l'Union européenne (UE), la France accorde à ces déplacés fuyant la guerre en Ukraine une « protection temporaire ». Ce dispositif exceptionnel leur permet de séjourner dans l'UE pendant un an renouvelable, d'y travailler ou encore d'accéder à un logement. Pour les ressortissants ukrainiens ainsi que leurs familles ayant fui l'Ukraine depuis le 24 février 2022, il est par ailleurs possible de déposer une demande d'asile dans un pays, le statut de réfugié conférant une protection de plus longue durée. En cas d'échec de sa demande, la « protection temporaire », si elle n'a pas expiré, reste effective. Les nouveaux arrivants bénéficient ainsi et c'est heureux, d'une protection automatique, certes temporaire. Or ceux qui sont déjà là, qui attendent déjà depuis un ou deux ans que leur dossier soit jugé à la Cour, se retrouvent confrontés à un gel des dossiers. La plupart des pays européens a décidé de d'accorder l'asile à ces ukrainiens, tandis que la France a décidé de bloquer ces dossiers. Compte tenu de cette situation, elle interpelle le ministre pour qu'il lui indique les mesures qu'il entend prendre pour faire cesser cette situation et que ces demandeurs d'asile ukrainiens déjà présents sur le territoire français avant la guerre débutée le 24 février 2022 puissent obtenir également des autorisations provisoires de séjour.
Concernant l'instruction des demandes d'asile présentées par des ressortissants ukrainiens n'entrant pas dans le champ de la protection temporaire À la suite de l'agression de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022, le Conseil de l'Union européenne, à l'initiative de la France et par une décision d'exécution du 4 mars 2022, a activé le dispositif exceptionnel de protection temporaire prévu à l'article 5 de la directive 2001/55/CE du 20 juillet 2001. Ce dispositif permet d'octroyer aux personnes déplacées d'Ukraine, à compter du 24 février 2022, une protection immédiate à laquelle sont associés certains droits, et en particulier le droit au séjour, l'accueil, l'hébergement, le droit de travailler et le versement de l'allocation pour demandeur d'asile. L'article 2 de la décision d'exécution du Conseil de l'Union européenne précise que cette décision s'applique aux personnes déplacées d'Ukraine le 24 février 2022 ou après cette date, et notamment aux ressortissants ukrainiens résidant en Ukraine avant le 24 février 2022. Par ailleurs, l'instruction INTV2208085J du 10 mars 2022, prise pour la mise en œuvre de la décision du Conseil, précise que cette catégorie comprend également les ressortissants ukrainiens présents à cette date sur le territoire d'un État membre l'Union européenne ou d'un État associé sous couvert d'une dispense de visa ou d'un visa Schengen, et établissant que leur résidence permanente à cette date se trouvait en Ukraine. En conséquence, les ressortissants ukrainiens qui étaient présents en France avant le 24 février 2022, sans avoir leur résidence permanente en Ukraine à cette date, ne peuvent effectivement pas bénéficier de la protection temporaire. Ces derniers ont toutefois la possibilité de déposer, à tout moment, une demande d'asile afin de solliciter la protection de la France, cette demande leur permettant de bénéficier, dans les conditions du droit commun et pendant l'instruction de leur demande, des conditions matérielles d'accueil (CMA) délivrées aux demandeurs d'asile (hébergement et versement de l'allocation pour demandeur d'asile). S'agissant de l'instruction des demandes d'asile déposées par des ressortissants ukrainiens avant le début de la guerre, elle s'est poursuivie normalement, selon la règlementation en vigueur. L'examen des demandes d'asile relevant de la seule compétence de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), qui prend ses décisions en toute indépendance sous le contrôle juridictionnel de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), aucune instruction n'a été donnée en la matière par le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer. Concernant le traitement, par la CNDA, des demandes d'asile présentées par des ressortissants ukrainiens n'entrant pas dans le champ de la protection temporaire Il n'appartient pas au ministère de l'Intérieur et des Outre-mer de commenter les informations mentionnées par Madame la députée concernant les recommandations qui auraient été faites par la présidence de la CNDA. En tout état de cause, les demandeurs d'asile ukrainiens ayant formé un recours devant la CNDA bénéficient, dans les conditions de droit commun, du droit de se maintenir sur le territoire national jusqu'à ce que la Cour ait statué. Il convient par ailleurs de noter que, par plusieurs décisions du 30 décembre 2022 (1), la Cour, saisie de demandes de protection internationale déposées avant le 24 février 2022 par des ressortissants ukrainiens, a accordé aux demandeurs le bénéfice de la protection subsidiaire qui permet de protéger les civils en cas de situation de conflit armé international. (1) Cnda, 30 décembre 2022, n° 21048216, C+ ; Cnda, 30 décembre 2022, n° 21060196, C+ ; Cnda, 30 décembre 2022, nos 21063903, 22002736, C+ et Cnda, 30 décembre 2022, n° 22001393, C+.
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