Mme Christine Arrighi interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la mise en œuvre de l'instruction en famille (IEF) sur le territoire national depuis la loi « séparatisme » d'août 2021 dont l'application crée des situations injustes. En effet, depuis la promulgation de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, il ne peut être dérogé à l'obligation de scolarisation obligatoire dans un établissement scolaire public ou privé de l'ensemble des enfants soumis à l'obligation d'instruction (enfants âgés de trois à seize ans), que sur autorisation délivrée par les services académiques, pour des motifs tirés de la situation de l'enfant et limitativement définis par la loi dans son article 49. Depuis la rentrée 2022, le régime de déclaration d'instruction dans la famille a donc été remplacé par un régime d'autorisation préalable. Les motifs pour faire une demande d'autorisation d'instruction dans la famille sont l'état de santé de l'enfant ou son handicap, la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives, l'itinérance de la famille en France ou l'éloignement géographique de tout établissement scolaire public, l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif. Par ailleurs, la loi a prévu un régime transitoire pour les enfants déjà instruits dans la famille avant l'entrée en vigueur du nouveau dispositif. Pour les enfants régulièrement instruits dans la famille en 2021-2022, un régime dérogatoire est mis en œuvre à la rentrée 2022. Ainsi, une autorisation leur sera accordée de plein droit pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024 lorsque les résultats du contrôle pédagogique annuel au titre de l'année scolaire 2021-2022 auront été jugés suffisants. Par dérogation, seuls les enfants ayant fait l'objet en 2021-2022 d'un contrôle pédagogique dont les résultats ont été jugés suffisants peuvent bénéficier d'une autorisation d'instruction dans la famille de plein droit. L'autorisation est accordée pour la durée de l'année scolaire. En conséquence, il faut déposer chaque année une demande d'autorisation d'instruction dans la famille auprès de la DSDEN du lieu de résidence de l'enfant. Aujourd'hui, l'application du quatrième motif de demande d'autorisation d'instruction dans la famille (existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif) fait l'objet d'une interprétation différente selon les académies. Partout en France, des familles se sont vues refuser massivement le droit de choisir l'IEF. Depuis le mois de juillet 2022, celles-ci vont, pour la plupart d'entre elles, jusqu'au tribunal administratif en ayant déjà déployé beaucoup d'énergie dans la rédaction d'un projet éducatif et de recours qui, selon l'interprétation du recteur ou du juge sur l'article 49, autorise ou non à ces familles à pratiquer l'IEF. Celles-ci se retrouvent souvent démunies et sans solution. Les chiffres de l'académie de Toulouse sont éloquents : sur 314 demandes sur le motif 4, 283 familles ont essuyé un refus et 70 sont allées jusqu'au tribunal administratif. Par ailleurs, sur le territoire national, pour la rentrée 2022, 85 % des acceptations à la pratique de l'IEF concernait des situations déjà de plein droit. Il est donc à craindre que de très nombreux refus se développent d'ici 2 ans. Indépendamment du bien-fondé de cette loi du 24 août 2021, contestée par ailleurs, il y a une application manifestement inéquitable de celle-ci, avec une interprétation du quatrième motif différente selon les territoires, ce qui pose problème. Lors du déplacement de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse à Toulouse le 1er septembre 2022, Mme la députée l'avait interpelé à la préfecture sur cette problématique. Il lui avait alors indiqué avoir conscience de ce problème et qu'il envisageait une circulaire pour permettre aux académies d'avoir un cadre harmonisé de l'application de ce quatrième motif sur le territoire national. Aujourd'hui, cette circulaire n'est toujours pas là. Les familles concernées, dont beaucoup pratiquent l'instruction en famille depuis longtemps avec des contrôles positifs de l'inspection académique, se retrouvent démunies et sans solution. Les tensions augmentent. Certaines familles ont simplement refusé de scolariser leur plus jeune enfant tandis que les aînés ont le droit d'être instruits à la maison. D'autres ont décidé d'attendre le jugement du tribunal administratif, la réponse du recours gracieux adressé auprès de M. le ministre ou le résultat de leur pourvoi en cassation. D'autres encore avaient annoncé leur entrée en désobéissance civile. Dans tous les cas, il n'est pas possible de se satisfaire de cette situation et la laisser perdurer. C'est pourquoi elle interpelle le ministre pour savoir comment il entend rétablir l'égalité républicaine devant l'application de la loi concernant l'instruction en famille, soit par une circulaire claire soit par l'abrogation de l'article 49 de la loi d'août 2021, afin de permettre aux familles de bénéficier d'un cadre équitable d'exercice du droit à l'instruction en famille.
La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (dite loi CRPR) vise à garantir une plus grande protection des enfants et des jeunes, d'une part, en posant le principe de la scolarisation obligatoire dans un établissement scolaire public ou privé de l'ensemble des enfants soumis à l'obligation d'instruction (i.e. âgés de trois à seize ans) et, d'autre part, en substituant au régime de déclaration d'instruction dans la famille un régime d'autorisation. Ainsi, depuis la rentrée scolaire 2022, il ne peut être dérogé à cette obligation de scolarisation que sur autorisation préalable délivrée par les services académiques, pour des motifs tirés de la situation de l'enfant et limitativement définis par la loi, au nombre desquels figure l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif. Le Conseil d'État, dans sa décision n° 467550 du 13 décembre 2022, a indiqué que l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation d'instruction dans la famille fondée sur l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif « contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à cet enfant motivant, dans son intérêt, le projet d'instruction dans la famille et qu'il est justifié, d'une part, que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de cet enfant, d'autre part, de la capacité des personnes chargées de l'instruction de l'enfant à lui permettre d'acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire. » Il en résulte que les responsables légaux sollicitant une autorisation d'instruction dans la famille doivent justifier que le projet éducatif est conçu en fonction de la situation propre de leur enfant, laquelle doit être étayée, et adaptée à celle-ci, de telle manière que l'enfant puisse bénéficier d'un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire. Ainsi, il ne s'agit pas d'interdire sans discernement tous les dispositifs d'instruction dans la famille et de porter atteinte aux pratiques positives. La notion d'intérêt supérieur de l'enfant et le respect des droits de l'enfant, en particulier à une éducation complète, sont les critères principaux qui gouvernent l'ensemble du dispositif. S'agissant des données chiffrées relatives au nombre de refus d'autorisation, sur les 59 019 demandes d'autorisation instruites au 1er décembre 2022, 53 014 ont donné lieu à une autorisation, soit 89,8 % des demandes. Sur les 5 211 demandes instruites d'autorisation d'instruction dans la famille, effectuées au titre du motif 4°, 3 196 ont donné lieu à une autorisation, soit 61,3 % des demandes. En tout état de cause, en cas de décision de refus d'autorisation d'instruction dans la famille, les personnes responsables de l'enfant ont la possibilité de former un recours administratif préalable obligatoire devant une commission présidée par le recteur d'académie, laquelle est composée d'une équipe pluridisciplinaire qui pourra se prononcer aussi bien sur des aspects pédagogiques que médicaux dans l'intérêt de l'enfant. Ainsi, au 1er décembre 2022, sur les 2 775 recours administratifs préalables obligatoires instruits, 1 407 ont donné lieu à une autorisation d'instruction dans la famille, soit 50,7 % des demandes. Par conséquent, les recours administratifs préalables obligatoires représentent un levier d'harmonisation au niveau académique des décisions nées de l'instruction des demandes d'autorisation d'instruction dans la famille par les services départementaux de l'éducation nationale. Le Gouvernement entend bien garantir l'application de la loi CRPR dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant et de ses droits, notamment son droit à l'instruction. À cet égard, les services du ministère chargé de l'éducation nationale accompagnent les services académiques dans la mise en œuvre du nouveau régime d'autorisation d'instruction dans la famille.
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