M. Arnaud Le Gall alerte Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le caractère systémique de la corruption des institutions européennes et partant la grande vulnérabilité des institutions européennes aux influences extérieures. Il lui demande dans quelle mesure la France œuvre à y mettre un terme. L'élément déclencheur de cette alerte est la récente révélation du scandale dit du « Qatargate ». À ce stade, celui-ci met en cause des eurodéputés socialistes de nationalité belge, italienne et grecque. Mais l'arbre des éléments conjoncturels de cette affaire ne doit pas dissimuler la forêt de la corruption structurelle des institutions européennes et notamment de son Parlement. Par exemple, avant le Qatar, les liens clientélistes de certains eurodéputés avec l'Azerbaïdjan avaient déjà été dévoilés. Dans ces deux cas, l'influence s'opère en monnaie sonnante et trébuchante. Mais cette corruption peut également emprunter des canaux plus indirects, mais tout aussi, voire plus, efficaces dès lors qu'ils n'attirent pas autant d'attention médiatique, donc ne créent pas de scandale lorsqu'ils sont découverts. Ainsi, en 2019, l'ONG EU DisinfoLab a révélé la plus importante opération de lobbying jamais mis sur pied depuis la naissance de l'Union européenne. Sous le nom de « Indian Chronicles » l'organisation a publié un rapport mettant au jour un réseau d'une dizaine d'ONG fantoches et d'au moins 265 faux sites de média mis en œuvre par le groupe indien Srivastava. Vraisemblablement piloté en sous-main par les renseignements indiens, cet aréopage mensonger a pour seul but de faire une propagande active en faveur du gouvernement de Narendra Modi auprès des eurodéputés. Et cela fonctionne. Plusieurs parlementaires européens d'extrême-droite ont envoyé des messages de soutien actifs au Premier ministre voire - à l'instar de Thierry Mariani - se sont déplacés au Cachemire indien juste après la dégradation de son statut constitutionnel, afin de vanter la démocratie indienne. Or sous la férule de Narendra Modi, c'est au contraire l'autoritarisme et la violence ethnoreligieuse qui ont le vent en poupe et les institutions démocratiques sont brutalisées. La question de la nécessité d'entretenir des relations officielles avec un pays comme l'Inde n'est pas en cause. Pour de nombreuses raisons, la caractéristique des régimes n'est pas la seule dimension à prendre en compte dans la diplomatie, qu'elle soit nationale ou européenne. Ce serait une erreur de refuser de travailler sur la scène internationale avec un maximum d'États pour faire face aux nombreux défis communs à l'humanité, par exemple le réchauffement climatique. Il est en revanche inacceptable que des opérations de propagande et de lobbying visant à travestir la nature réelle d'un régime restent sans réponse. On ne peut établir de politique sérieuse sur la base de données mensongères circulant massivement dans les instances décisionnelles. Et l'on ne peut accepter que des millions de citoyens de par l'Europe se voit délivrer une information propagandesque en pensant de bonne foi s'informer sur tel ou tel pays. Par conséquent, il est indispensable que l'Union se dote de moyens humains et financiers concrets pour lutter contre toutes les formes de corruption, y compris les plus insidieuses. Depuis le début de leur mandat, les eurodéputés du mouvement politique auquel il appartient réclament notamment la création d'une autorité éthique indépendante européenne, la révision des règles d'accès d'anciens membres du Parlement à l'institution ou encore la traçabilité des processus législatifs et des activités parlementaires. La France va-t-elle appuyer ce type de demandes ? Il lui demande que compte faire Paris pour qu'il ne puisse plus y avoir de soupçons quant à la neutralité des décisions politiques prises par les élus européens.
Le Gouvernement rappelle qu'il ne peut commenter une enquête judiciaire en cours. Les éléments rendus publics à ce stade sont particulièrement préoccupants, et les soupçons de corruption d'une particulière gravité. Il est essentiel que toute la vérité soit faite dans cette affaire, car il s'agit d'une atteinte directe portée au fonctionnement de la démocratie européenne, et ce même si les soupçons ne pèsent que sur les agissements de quelques personnes. Tout ce qui peut affecter la confiance des citoyens européens dans leurs institutions, et par-delà dans l'Union européenne (UE), est une source de préoccupation. La lutte contre la corruption est un pilier de l'Etat de droit, que l'UE reconnait comme l'une de ses valeurs fondamentales. Le Gouvernement, avec ses partenaires européens, continuera de tout mettre en œuvre afin de garantir que ces principes sont respectés dans les États membres comme dans nos institutions, car il en va de la légitimité de notre action collective. Le Parlement européen a une réaction forte et a commencé à faire des propositions pour améliorer les dispositions existantes. La Présidente Roberta Metsola a ainsi publié un plan d'action qui met l'accent sur la lutte contre la corruption et les influences extérieures ; le renforcement de la transparence des activités des parlementaires, la lutte contre les conflits d'intérêts et l'encadrement de l'action des représentants d'intérêts ; le durcissement des conditions d'accès aux bâtiments du Parlement européen ainsi que des mouvements entre le secteur public et le secteur privé pour les anciens parlementaires. Les exigences d'éthique, de transparence et de vigilance sur les ingérences étrangères doivent être renforcées dans les institutions européennes comme dans les États membres. Le Gouvernement, avec ses partenaires européens, continuera de travailler à un renforcement des règles dans ce domaine, car il s'agit d'un impératif vis-à-vis des citoyens européens et une condition indispensable pour renforcer notre souveraineté.
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