Mme Emmanuelle Ménard appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le nombre inquiétant d'agents des forces de l'ordre qui mettent fin à leurs jours. Selon l'association PEPS-SOS - Policiers en détresse, 44 policiers ont mis fin à leur jour depuis le début de l'année 2022. Déjà, en 2018, un rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'état des forces de sécurité intérieure révélait que le taux de suicide dans la police était supérieur de 36 % à celui de la population générale. Des chiffres alarmants qui en disent long sur le malaise qui règne dans les rangs des forces de l'ordre éprouvées par des conditions de travail parfois très difficiles. Dans la nuit du 30 août 2022, un jeune policier de 29 ans a mis fin à ses jours. Selon l'entourage de ce jeune homme, il serait judicieux de revoir et d'améliorer, pour tous les agents, le module psychologique mis en place pour lutter contre les suicides de fonctionnaires de la police nationale. Si le déploiement d'une vingtaine de psychologues dans les zones les plus difficiles de la police nationale ou encore le numéro vert qui permet aux policiers de bénéficier anonymement de l'écoute d'un psychologue sont des avancées, c'est malheureusement encore trop peu. Il serait également pertinent de renforcer la formation des officiers et notamment le module « management et encadrement des officiers ». Une nécessité absolue au regard des articles de presse publiés ces derniers jours et qui révèlent parfois des abus inadmissibles. Soucieux d'épargner aux forces de l'ordre comme à leurs familles le poids de nouveaux drames, toutes les pistes et solutions doivent être étudiées et notamment, la possibilité de faire un point régulier avec les équipages, en groupe ou individuellement, avec un objectif simple, détecter le plus tôt possible d'éventuels problèmes ou encore favoriser, dans la mesure du possible, les logements collectifs pour que les forces de l'ordre se sentent moins isolées et que leur équilibre moral soit préservé. Ces propositions sont simples ; elles sont aussi celles de familles éprouvées par le deuil. Connaissant la préoccupation de M. le ministre quant au bien-être des forces de l'ordre, elle lui demande de prêter attention à ces demandes afin d'éviter, autant que possible, de nouveaux drames et lui demande les perspectives à ce sujet.
Le suicide endeuille trop souvent la communauté policière. Ces actes dramatiques sont une préoccupation majeure pour le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer, qui conduit de longue date une politique de prévention (dès 1996, la direction générale de la police nationale s'est dotée d'un service de soutien psychologique opérationnel - SSPO, qui a été régulièrement renforcé et compte à ce jour 122 psychologues cliniciens répartis sur tout le territoire) tout en veillant à renforcer ses dispositifs d'aide et d'accompagnement médico-psychosociaux. Le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer a réuni le 4 février 2022 les organisations syndicales et les associations de la police nationale pour échanger sur la poursuite de l'amélioration des dispositifs de prévention. Plusieurs décisions ont été prises : création de 22 postes supplémentaires de psychologues ; mission confiée à l'Inspection générale de l'administration sur la bonne articulation entre la médecine de prévention et le réseau de psychologues de la police nationale ; rappel aux préfets sur l'importance de réunir régulièrement les comités sociaux d'administration ; rappel aux services sur la nécessité d'élaborer un plan d'action de prévention du suicide ; réalisation d'une comparaison internationale afin de hisser la police nationale aux meilleurs standards internationaux. Tout est donc mis en œuvre pour améliorer la prévention. À cet égard, un « programme de mobilisation contre le suicide » a été lancé en mai 2018. Il vise une meilleure prise en charge des agents et une amélioration de la qualité de vie au travail. Pour porter ce programme, a été créée en avril 2019 une « cellule alerte prévention suicide » (CAPS), à laquelle est rattaché un professeur de psychiatrie. Afin de faciliter sa déclinaison dans les services, la CAPS a diffusé, à partir de mars 2022, un guide opérationnel de prévention. 15 réservistes ont été recrutés pour amplifier la diffusion au niveau local de la culture de prévention : ils animent depuis avril 2022 des sessions de sensibilisation des encadrants. Parce que la détection des situations à risque est une priorité, une formation à distance intitulée « Agir pour prévenir le suicide et ses conséquences » est proposée depuis 2020 à l'ensemble des agents de la police nationale, afin de permettre à chacun d'être acteur de la détection et de favoriser la prise en charge des personnes en « crise suicidaire ». Cette e-formation « dé-stigmatise » également le désarmement et sensibilise l'encadrement à cet enjeu. Au 31 décembre 2022, plus de 81 000 agents ont suivi cette formation. La sensibilisation à la prévention du suicide en formation initiale et continue a par ailleurs été renforcée. Afin d'améliorer la détection des personnes en difficulté, la Direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) a également lancé en 2021, avec l'appui du Groupement d'études et de prévention du suicide (GEPS), le dispositif « Sentinelles », généralisé en 2022 dans l'ensemble des services de police. Les « sentinelles » – dûment identifiées dans leur service (intranet, affichage…) – sont des policiers volontaires, pairs éclairés, spécifiquement formés pour détecter les personnes en détresse et jouer le rôle de personnes-relais. 1 078 personnes ont été formées au 31 décembre 2022, l'objectif étant d'en former 1 950 à terme. Compte tenu de leur position professionnelle ou de leurs qualités d'aidants, elles ont un rôle déterminant dans le repérage des agents en situation de fragilité. Les « sentinelles » n'ont pas vocation à accompagner elles-mêmes les agents, mais à identifier les signes de détresse, à prendre contact avec les agents en difficulté et à les orienter vers les professionnels (psychologues, numéro vert du SSPO, médecine de prévention, médecine statutaire, service social, etc.). En matière d'accompagnement psychologique, le service de soutien psychologique opérationnel organise les mesures d'accompagnement psychologique post-événementielles (suite à un événement professionnel à risque sur le plan psychologique) et le suivi individuel pour tout agent qui en fait la demande. L'ensemble de ces mesures d'accompagnement sont organisées dans le respect du secret professionnel. En 2022, les psychologues du SSPO ont organisé 2 271 interventions post-événementielles (collectives ou individuelles) et plus de 42 500 entretiens. Cette même année 2022, plus de 10 600 agents ont bénéficié d'un accompagnement psychologique individuel par le SSPO. En lien avec la médecine de prévention, le service de médecine statutaire, le SSPO et le Centre national de ressources et de résilience, un plan d'action sur le psycho-trauma va également être mis en œuvre afin de mieux dépister et prendre en charge les troubles post-traumatiques auxquels peuvent être confrontés les policiers. Enfin, afin d'accompagner les policiers qui rencontrent des difficultés familiales, une réserviste spécialiste du sujet a été recrutée en mars 2022 afin de développer une offre d'accompagnement par des professionnels externes (d'abord en Isère, département pilote). D'autres dispositifs d'accompagnement sont mis en œuvre par la police nationale et contribuent à la prévention de la souffrance au travail : – l'accès aux ressources d'écoute psychologique a été facilité par la mise en service au SSPO d'un numéro vert en juillet 2019. En complément, les personnels et leurs familles disposent, depuis septembre 2019, d'une plate-forme d'écoute téléphonique externe assurée par des psychologues cliniciens, qui fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. – une « mission d'accompagnement des blessés » (MAB) a été mise en place en 2018 pour répondre plus efficacement aux besoins d'accompagnement et de soutien des policiers blessés physiquement et psychologiquement. Cette mission vise à lever les obstacles administratifs rencontrés par les agents et à améliorer l'accompagnement, dans la durée, des blessés et de leurs familles. Avec les secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'Intérieur et des Outre-mer, répartis sur l'ensemble du territoire, elle organise des séjours de cohésion au profit des policiers blessés, qui contribuent à une meilleure reconstruction des policiers. Le premier séjour a eu lieu en 2020, 2 autres ont été organisés en 2021 et 7 en 2022. 9 séjours de cohésion sont prévus en 2023. Plus de 1 500 policiers grièvement blessés ont été accompagnés par la mission depuis sa création (données au 31 décembre 2022). – un « groupe d'assistance aux policiers victimes » a été créé en août 2020. Il s'adresse aux policiers victimes d'agressions, d'injures et de menaces, qu'ils soient mis en cause dans l'exercice de leurs missions ou dans un cadre privé à raison de leur qualité. Des policiers spécialement formés sont chargés de l'écoute, de l'orientation et de l'accompagnement, dans le temps, des policiers victimes. Ils sont joignables de 5 h à 23 h, 7 jours sur 7, sur une ligne téléphonique dédiée. En complément, la direction générale de la police nationale travaille, dans le cadre de protocoles de coopération conclus en mai et juin 2021, avec les associations de soutien aux policiers (PEP'S/SOS policiers en détresse et APS), qui jouent en effet un rôle complémentaire dans la détection des personnes en situation de fragilité et l'orientation vers les dispositifs d'aide. Chaque suicide de policier est un drame pour le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer. La mobilisation du Gouvernement est totale pour les prévenir et améliorer les conditions de vie au travail.
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