M. Sylvain Carrière interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie, sur la préférence nationale des secteurs stratégiques. On sort de deux ans de crise sanitaire qui ont durablement marqué les esprits des Français. Plusieurs dizaines de milliers de morts, une activité économique fortement réduite et un sentiment de faible résilience face à une épidémie incontrôlable. Ce sentiment, on le doit sans doute à la pénurie de masques au début de la crise et aux scènes marquantes de vente aux enchères sur le tarmac par d'autres pays alors que la marchandise était réservée aux Français. On a aussi ces images de masques périmés donnés aux enseignants, les stocks n'ayant pas été renouvelés. Dans ce contexte et pour assurer la production sur le sol français une poignée d'entrepreneurs a développé une filière française de masques chirurgicaux. C'est le cas de Prism à Frontignan, créé par Christian Curel fin 2020. Prism est une entreprise locale qui a employé jusqu'à 25 personnes à la fin de l'année 2021, qui produit plus d'un million de masques FFP2 par mois et participe ainsi à protéger aujourd'hui les Français et en cas de nouvelle crise ou de recrudescence des cas. Cependant, à cette date, Prism ne compte plus que 14 employés, mais continue son activité contrairement à d'autres entreprises qui ont du arrêter leur production comme La coop des masques ou encore Diwall en Bretagne. Certes, les stocks des hôpitaux commencent à être plein mais nous savons que le besoin mensuel en situation de crise est de plusieurs centaines de millions sur le territoire. Dès lors, la continuité de la production doit être assurée. Or, aujourd'hui, 97 % des masques achetés en France sont produits à l'étranger et particulièrement en Chine. Les marchés publics favorisent les prix bas à défaut d'attribuer une pondération préférentielle basée sur le lieu de production ainsi qu'aux retombées économiques sur notre territoire. Au-delà de la vie d'une entreprise, de l'impact carbone réduit grâce au circuit court, c'est le message envoyé aux français qui pose problème. Produire français, oui mais encore faut-il que le cadre le permette. Ainsi, il lui demande sa position sur la préférence nationale des secteurs stratégiques, ce qu'il compte faire pour garantir la filière masques qui est stratégique sur le sol français et quelles incitations il compte mettre en place pour que les marchés publics français favorisent les entreprises françaises dans leurs attributions de marchés.
La crise sanitaire a mis en lumière la dépendance en matériel de santé indispensables comme les masques, le paracétamol ou encore les gants en nitrile. Cette dépendance ne date pas de mars 2020. En effet entre 2005 et 2015, la part de marché mondiale de la France en production de produits de santé a été divisée par deux. Dès le début de la crise sanitaire en mars 2020, le Gouvernement a mis en place des actions visant à structurer une filière de production de masques sanitaires allant de la production de la matière première – le meltblown - à la fabrication des masques nécessaires à la lutte contre l'épidémie et au maintien de l'activité économique. L'objectif était alors de passer d'une capacité de production de 3,5 millions de masques par semaine, basée sur 1 producteur de meltblown et 4 producteurs de masques, à une capacité de production de 100 millions par semaine. Le Gouvernement a aussi fait le choix de sécuriser notre production de matière première et c'est tout le sens de l'appel à manifestation d'intérêt qui soutient depuis octobre 2020, 11 projets à hauteur de 23 M€ pour la réalisation d'unités de production de matériaux filtrants pour masques sanitaires. Ils permettront de créer près de 250 emplois sur le territoire. L'offre française est plus chère que la concurrence asiatique, il est indispensable de structurer une demande suffisante pour permettre le maintien d'une capacité de production en France et être en mesure de répondre à une éventuelle nouvelle crise sanitaire. Il est donc essentiel de prendre collectivement les responsabilités pour maintenir et soutenir la filière nationale et poursuivre cette dynamique. La stratégie d'achat des masques sanitaires par les services publics (État, hôpitaux, …) mais aussi les collectivités locales est un élément parmi d'autres qui contribuent à permettre l'émergence d'une filière souveraine de masques sanitaires. Il est indispensable de maintenir une capacité de production en France et être en mesure de répondre à une éventuelle nouvelle crise sanitaire. Nous avons pour ce faire d'ores et déjà mis en place un certain nombre de leviers. Une circulaire a été publiée le 15 décembre 2021 et un guide à destination des acheteurs publics a été élaboré en tenant compte des règles de la commande publique. Ils incitent les acheteurs à privilégier une offre française et européenne en intégrant des critères environnementaux, sociaux et liés à la sécurité des approvisionnement ainsi qu'en limitant la pondération du critère prix. Ces principes, quand ils sont appliqués, ont prouvé leur efficacité pour soutenir la filière française. Ainsi, par exemple, le consortium RéUni a fait le choix de passer le critère prix au second plan en privilégiant l'aspect technique, la sécurité de l'approvisionnement et l'impact environnemental lors de la publication de son appel d'offres pour 120 millions de masques par an sur quatre ans. Trois producteurs français en sont lauréats. Cet appel d'offre a permis de sélectionner une offre 100% française (production de meltblown, principale matière première en France ainsi que des élastiques et de la barrette nasale). Pour assurer la pérennité de cette filière, il convient de renforcer les actions engagées. Vous le savez sans doute, le Gouvernement a soutenu la prolongation, au travers du projet de loi de finances pour 2023, du dispositif permettant d'appliquer une TVA à 5,5% sur les masques sanitaires afin de garantir leur compétitivité. Nous veillons à une bien meilleure application du guide à destination des acheteurs publics et étudions la possibilité de mobiliser davantage le levier de la commande publique. En parallèle, la direction générale de la santé travaille à l'établissement d'une doctrine pour la gestion du stock stratégique de masques et son renouvellement.
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