M. François Ruffin alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la liberté d'informer. Le procureur de Rodez poursuit un journaliste professionnel du média en ligne Reporterre, à la suite d'un reportage qu'il a mené sur une action de « Faucheurs volontaires » en Aveyron en novembre 2021. Il le considère comme un des militants ayant commis des actes illicites, alors qu'il n'a fait que son travail de journaliste, observant les faits et les racontant dans un article. Si ce journaliste était condamné, tous les journalistes exerçant leur métier en couvrant des actions de militants pourraient dès lors être accusés des délits commis par d'autres. Il y a là un enjeu crucial de la liberté d'informer et d'être informé. Ainsi, engager des poursuites contre un journaliste parce qu'il a couvert une manifestation non autorisée constitue une entrave injustifiée à la liberté d'expression. C'est pourquoi de très nombreuses sociétés de journalistes, syndicats, journalistes et citoyens ont pris position contre ces poursuites. Il lui demande s'il va rappeler que la mission des journalistes relève de la liberté d'expression et doit être protégée comme une valeur fondamentale de la démocratie française, comme le souligne l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme : « Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière ».
La protection et le respect de l'exercice de la liberté d'expression et de communication, garantie essentielle dans une société démocratique, constitue une préoccupation majeure du ministère de la Justice. Le Conseil d'Etat a récemment rappelé, dans la décision du 3 février 2021 relative à l'accès des journalistes aux opérations d'évacuation de campements de migrants, qu'il appartenait aux autorités compétentes, dans la mise en œuvre des pouvoirs de police administrative qui leur incombe, de veiller au respect de la liberté de la presse et de n'y apporter, pour des motifs d'ordre public, que des restrictions qui soient nécessaires, adaptées et proportionnées. Dans le prolongement de cette décision, le système national du maintien de l'ordre a été rénové et relève qu'il est nécessaire d'assurer une prise en compte optimale des journalistes afin de protéger le droit d'informer. Outre les dispositions du code de procédure pénale préservant le secret des sources et apportant des garanties procédurales les concernant, il convient de rappeler que la mise en cause d'un journaliste n'est susceptible d'intervenir que pour autant que la commission d'une infraction lui est reprochée. Les atteintes sérieuses à la liberté des médias et à la sécurité des journalistes survenant dans les Etats membres du Conseil de l'Europe font par ailleurs l'objet d'une attention particulière du ministère de la Justice dans le cadre des demandes de la plateforme pour la sécurité des journalistes. Créée le 10 octobre 2014, elle vise à recenser, traiter et publier les incidents signalés par des organisations de journalistes et de défense de la liberté d'expression, identifiés comme menaçant la liberté des médias ou la sécurité des journalistes dans les 47 Etats membres. Compte tenu de l'engagement international de la France pour la protection des journalistes dans le monde et de la qualité de sa coopération avec le Conseil de l'Europe, les autorités françaises ont décidé de fournir systématiquement une réponse aux alertes, dans un délai de deux mois maximum. A cette fin, un protocole de coordination interservices a été mis en place en 2017 entre les ministères des Affaires étrangères, de la Culture, de l'Intérieur, de la Justice et la Représentation permanente de la France au Conseil de l'Europe. Cette coordination mise en place en France est par ailleurs citée dans le rapport annuel de la Secrétaire générale du Conseil de l'Europe pour 2021 comme une bonne pratique concernant la liberté d'expression en Europe. Le ministère de la justice est donc fortement engagé dans la préservation de la liberté d'expression et des conditions de leur exercice professionnel, tout en respectant les principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de l'autorité judiciaire, aux termes desquels il n'appartient pas au ministre de la Justice de donner quelque instruction que ce soit dans le cadre de dossiers individuels, ni d'interférer dans les procédures judiciaires.
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