Mme Marine Hamelet interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la vente en juin 2022 d'un ensemble exceptionnel de vingt sièges dorés : un canapé, deux bergères, quatre fauteuils à la reine, dix cabriolets et trois chaises portant l'estampille de J.B. Sené et la marque « S.A.G », (pour « Société agronomique de Grignon ») provenant du château de Grignon, propriété de la grande école d'ingénieur et Institut national « AgroParisTech ». Vendu sur internet lors d'une vente aux enchères organisée par un service de l'État, « les Domaines », cet ensemble Louis XVI de qualité exceptionnelle était qualifié comme étant « de style », à l'instar des autres objets mis en vente. Cela signifierait qu'il s'agissait d'un mobilier courant, peu ancien et inspiré des formes des siècles précédents. En réalité, et comme l'attestent non seulement les preuves sur pièce mais également les expertises réalisées par les acquéreurs, l'ensemble n'était pas « de style » mais d'époque. Il s'agit d'œuvres de Jean-Baptiste Sené, l'un des plus grands menuisiers de l'époque Louis XVI, fournisseur du Garde-Meuble de la Couronne. Cet ensemble a été adjugé en juin 2022 par l'État pour un total de 6 240 euros. Aujourd'hui, l'ensemble Louis XVI est dispersé : les lots 309 (un canapé et six fauteuils) et 336 (deux bergères) se trouvent désormais en Angleterre. D'autres lots ont été revendus. Par exemple, une console en chêne sculpté, vendue à nouveau comme « de style » 2 250 euros sur une mise à prix de 40 euros (lot n° 245) repassait en vente le 8 novembre 2022 à l'hôtel Drouot comme parfaitement authentique, toujours avec la marque au fer d'inventaire « S. A. G ». et était adjugée 13 000 euros. Le directeur de la direction nationale de l'intervention domaniale a reconnu qu'il s'agissait d'une erreur très regrettable. Selon lui, c'est l'administration remettante, soit AgroParisTech, qui aurait dû demander son avis au Mobilier national. Cette école a affirmé depuis qu'une nouvelle dispersion serait prochainement organisée. Par conséquent, Mme la députée demande à M. le ministre, sur le fondement de ces éléments et en s'associant aux réclamations formulées le 15 novembre 2022 par l'association Sites et monuments, de bien vouloir diligenter une mission d'inspection afin d'éclaircir la date d'entrée dans les collections nationales des œuvres cédées, la nature des dysfonctionnements intervenus et les remèdes propres à empêcher qu'ils ne se reproduisent, ainsi que de bien vouloir suspendre toute nouvelle vente du patrimoine mobilier du domaine de Grignon afin de mener à bien son inventaire - notamment de ses collections en lien avec l'agronomie - et de les doter d'une protection juridique adéquate. Elle lui demande enfin s'il lui est possible de connaître la nationalité, l'identité et éventuellement la profession des acquéreurs.
Dans la perspective de son déménagement sur le plateau de Saclay pour la rentrée universitaire 2022-2023, l'institut national des sciences et industries du vivant et de l'environnement (AgroParisTech) devait libérer de leurs biens meubles les différents sites qu'il occupait en Ile-de-France. L'établissement a fait appel à la direction nationale d'interventions domaniales (DNID) pour l'accompagner dans la cession des biens du domaine de Grignon, à Thiverval-Grignon (Yvelines), et de l'immeuble de la rue Claude Bernard à Paris. Une première réunion préparatoire, en présence de la DNID et de l'établissement, s'est tenue le 24 novembre 2021. À la suite de cette réunion, les agents de la DNID se sont rendus sur les deux sites afin de réaliser le récolement des biens en vue de leur mise en vente. Un catalogue a alors été établi répertoriant les différents meubles devant être présentés à la vente sans que l'estampille d'un artisan réputé ne soit relevée. La vente a été réalisée en ligne du 10 au 15 juin 2022 sur le site Drouot digital et a été accompagnée de publicités dans la gazette Drouot et sur les comptes Instagram et Linkedin de la DNID. Les meubles considérés comme de style ont été mis à prix à des montants faibles pour attirer les acheteurs : il convient de rappeler que la mise à prix n'est pas une estimation mais un point de départ des enchères. Grâce au signalement d'un acheteur, il est apparu que parmi les biens cédés figuraient une console Louis XVI et des fauteuils et canapés signés de l'ébéniste Jean-Baptiste Sené. Or l'article D. 113-16, 2° du code du patrimoine impose le visa préalable du président du Mobilier national avant la remise aux Domaines d'objets mobiliers de toute nature par les services publics afin d'attester qu'aucun d'eux ne présente un intérêt public du point de vue de l'histoire ou de l'art. Les biens du domaine public étant inaliénables (article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques), la cession réalisée est considérée comme illégale. Une procédure en nullité de vente pour les fauteuils et canapés réalisés par l'ébéniste Jean-Baptiste Sené ainsi que la console a été introduite permettant d'obtenir la restitution des biens. Les autres meubles sont sans intérêt artistique, culturel ou historique. Il n'y a pas d'autre cession de prévue. La mise en vente ne concernant que le mobilier, les collections patrimoniales en lien direct avec l'agronomie, secteur d'intervention d'AgroParisTech n‘ont pas été incluses. Elles sont et restent au sein de l'établissement. L'inspection des collections nationales ne relève pas de la compétence du ministre chargé de l'agriculture.
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