M. Frédéric Valletoux attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'interdiction faite par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) au journal Le Point d'accéder aux données de santé des établissements de soins. Pourtant, ce classement des soins publics et privés existe depuis 23 ans. Il est reconnu par les soignants, par les directions des établissements et est perçu par la population comme une référence. Aussi, il permet de rendre l'activité de l'ensemble des praticiens, des services et des hôpitaux. En réponse, le Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé (CESREES), créé par la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, chargé d'évaluer la qualité scientifique et méthodologique de projets d'études nécessitant le recours à des données personnelles de santé ainsi que leur intérêt public, a considéré, à la suite de la saisine de la Cnil, que le dossier présenté par la société d'exploitation de l'hebdomadaire Le Point, correspondant au palmarès des hôpitaux et des cliniques, ne permet pas de conclure à la pertinence de l'information fournie. Par conséquent, la Cnil a refusé l'accès au journal à la base de données nationale sur l'activité des établissements de santé (PMSI). Dès lors, l'interruption de la méthode mise en place par le journal, qui existe pourtant depuis une vingtaine d'années, semble discutable. C'est pourquoi il souhaite l'interpeller sur la mesure prise par la Cnil à l'encontre de l'hebdomadaire Le Point, qui méconnaît la possibilité pour les concitoyens d'accéder à la classification des établissements de santé.
L'accès au système national de données de santé (SNDS), dont fait partie le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), est soumis depuis sa création en 2016 à un régime d'autorisation préalable, confié à une autorité administrative indépendante, la Commission nationale Informatique et libertés (CNIL). Elle s'appuie pour cela sur l'expertise du Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé (CESREES). La qualité scientifique et méthodologique des projets est un critère important d'appréciation de leur intérêt public. Ce comité est composé de manière à garantir son indépendance et la diversité des compétences dans le domaine des traitements concernant la santé et à l'égard des questions scientifiques, éthiques, sociales et juridiques ; le ministère de la santé et de la prévention n'intervient ni dans les avis rendus par le CESREES ni dans les autorisations délivrées par la CNIL. La précédente demande d'accès présentée par le journal Le Point en 2019 et 2020 avait donné lieu à une autorisation de la CNIL assortie de nombreuses réserves et conditions. Lors du renouvellement de la demande de traitement, le CESREES a constaté que la méthodologie, sur laquelle des réserves avaient été émises, était inchangée, et que les conditions posées en 2019 et 2020 n'avaient pas été respectées. La CNIL a alors refusé de renouveler l'autorisation d'accéder aux données du PMSI qui avait été accordée par le passé au journal Le Point, conformément aux garanties que le législateur a souhaité mettre en place pour contrôler l'usage de ces données, dans le respect des finalités d'intérêt public pour lesquelles elles ont été collectées. Dans le détail, le CESREES a estimé que le classement du journal Le Point ne repose pas sur des bases scientifiques solides, éprouvées par des travaux de recherche médico-économique, et souffre de biais méthodologiques remettant en cause la pertinence de l'information apportée. Les principaux problèmes soulevés par le CESREES sont les suivants : La mesure de la qualité et de la sécurité des soins par des indicateurs d'activité des établissements de santé doit s'appuyer sur une démarche scientifique qui doit valider ces indicateurs par la collecte et l'analyse de données cliniques. Lorsqu'il mobilise ce type d'indicateurs, le classement du journal Le Point peut conduire à interpréter les résultats de façon erronée par rapport aux enseignements de la littérature scientifique. C'est le cas par exemple du volume d'activité : si le lien entre volume d'activité et qualité des soins est effectivement documenté par la littérature scientifique, ce lien n'est ni constant, ni linéaire contrairement à l'hypothèse implicite qui sous-tend l'usage de cet indicateur dans le classement. Les bases de données médico-administratives comme le PMSI présentent des limites intrinsèques (absence de données cliniques, informations limitées sur le profil des patients). S'il n'est pas possible de dépasser ces limites par la collecte et le traitement d'informations complémentaires, les indicateurs d'activité ne sont alors pas rigoureusement comparables entre établissements. Ainsi, des taux d'ambulatoire ou des durées de séjours différents entre établissements peuvent traduire des pathologies traitées plus ou moins lourdes, même en contrôlant du groupement homogène des malades [1], ou bien des contextes socio-démographiques permettant ou non un retour à domicile dans de bonnes conditions (conditions de logement, isolement social, etc.). La gradation territoriale de l'offre de soin entraine de fait une segmentation des établissements de santé, avec notamment comme conséquence des aires géographiques de recrutement de leur patientèle et des répartitions des patients selon la gravité des pathologies traitées très variables. Des indicateurs sur l'attractivité géographique ou la gravité des cas traités ne reflètent pas uniquement la qualité des soins et la réputation des établissements de santé mais aussi et surtout leur place dans l'offre de soin environnante. Des indicateurs sans aucun lien avec la qualité des soins participent également au classement, comme la participation à l'enquête réalisée par Le Point auprès des établissements de santé. Au-delà des considérations relatives aux différents indicateurs pris séparément, l'agrégation de leurs résultats pour constituer le classement des établissements de santé soulève également des problèmes. Les pondérations attribuées à chaque indicateurs dans ce classement sont totalement subjectives [2] ; d'autres systèmes de pondérations conduiraient à d'autres classements, sans qu'il ne soit possible de justifier en quoi celui retenu par le journal Le Point est le plus pertinent pour l'information du public sur la qualité des soins. [1] Le groupement homogène des malades (GHM) est une classification utilisée dans le PMSI pour regrouper les prises en charge de même nature médicale et économique. Elle n'a pas vocation à mesurer finement les pathologies des patients. [2] Le nombre annuel de séjours est pondéré par 3, la notoriété par 0,25, les autres critères classant par 1 le plus souvent (sans plus de précision).
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