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Hadrien Clouet
Question N° 3888 au Ministère auprès du ministre de l’intérieur


Question soumise le 6 décembre 2022

M. Hadrien Clouet interroge Mme la ministre de la culture sur l'urgence de débaptiser les rues rendant hommage à des nazis et collaborateurs français. Aujourd'hui encore, des partisans du régime de Vichy, adeptes de thèses et de théories nazies, eugénistes, racialistes et antisémites, donnent leur nom à des espaces publics. Les enfants grandissent avec leur patronyme sur une plaque de rue, les expéditeurs de courrier rappellent leur souvenir sous forme d'adresse postale, les touristes s'y réfèrent pour s'orienter. Bref, leur existence demeure, non pas sous une forme proscrite dédiée à l'éducation civique, mais sous une forme positive apparentée à un hommage continu et discret. Les exemples sont nombreux. Alexis Carrel, hitlérien formé à l'eugénisme étasunien, qui appelait à l'extermination par le gaz des populations jugées « inférieures » : son nom orne des rues de Perpignan, Buc, Castelnaudary, Meaux, Avignon, Clermont-Ferrand, Cancale, Saint-Etienne, Cheviré-le-Rouge ou Coatquelven. Paul Morand, écrivain antisémite acharné, ambassadeur de Pétain, dénonciateur zélé de ses collègues, proche de Pierre Laval : on le retrouve sur des rues de Niort, Limoges ou Le-Péage-de-Roussillon. Jacques Chardonne, pseudonyme de Jacques Boutelleau, applaudit l'Occupation, écrit sa haine des Juifs et chante les louanges du IIIe Reich qu'il visite dans la calèche de Joseph Goebbels : des panneaux arborent son nom à Barbezieux, Limoges ou Angoulême. Et ce, sans mentionner les dirigeants du régime de Vichy, ministres ou élus, à l'instar de Pierre Cathala (rue à Roquefort-des-Corbières), Adrien Marquet (impasse à Saint-Julien-de-Peyrolas), Pierre Taittinger (rue à Reims) et Georges Ripert (Saint-Cyprien). Les équipes municipales en place ne sont pas responsables de ces intitulés, qui souillent leurs communes. D'abord, car ils sont l'héritage de décisions vieilles de plusieurs décennies. Ensuite, car la plupart des communes de France ne disposent pas des moyens financiers autorisant une investigation historique des intitulés urbains. Les baisses de dotation ont encore amputé leur faculté à conduire un travail de mémoire. Aussi demande-t-il à la ministre de la culture de s'emparer du sujet. Compte-t-elle dresser un inventaire de nazis et de collaborateurs reconnus par la Nation dans ses rues, afin d'informer les communes concernées ? Envisage-t-elle de fournir aux équipes municipales un encouragement et un soutien technique dans le but de rebaptiser ces intitulés infâmes qui abîment notre pays ?

Réponse émise le 22 août 2023

La dénomination des rues relève de la compétence du conseil municipal, comme le prévoit l'article L. 2121-30 du Code général des collectivités territoriales. Concernant les dénominations retenues par le conseil municipal qui seraient contraires à l'ordre public et aux bonnes mœurs, le Conseil d'Etat a déjà pu juger qu'il appartenait au maire, autorité de police administrative générale, de contrôler et éventuellement d'interdire ces dénominations (Conseil d'État, 19 juin 1974, n° 88410). Toutefois, le juge administratif a ultérieurement pu déterminer que c'est seulement si l'attribution d'un nom à un espace public était de nature soit à provoquer des troubles à l'ordre public ou à heurter la sensibilité des personnes, soit à porter atteinte à l'image de la ville ou du quartier concerné, que la commune avait le devoir de retirer la dénomination concernée ; on peut notamment citer les cas de l'Espace Jacques Médecin à Nice et de l'avenue Hô Chi Minh à Lanester, dénominations qui ont fait l'objet de recours contentieux mais qui, au regard des circonstances locales, n'ont pas été jugées comme devant être retirées par la commune (CAA de Marseille, 12 novembre 2007, Ville de Nice, requête n° 06MA01409, CAA de Nantes, 12 juin 2020, Union des mémoires de Lanester, n° 18NT03286). Il n'appartient donc pas au Gouvernement de dresser une liste de noms de personnes poursuivies pour des raisons historiques, qui serait contestable car le risque de troubles à l'ordre public doit être établi en fonction des circonstances de l'espèce.

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