M. Christophe Bentz interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur une dégradation éventuelle de la santé mentale des Français durant ces deux dernières années. Une enquête réalisée et publiée en mai 2022 par l'IFOP pour la fondation Jean Jaurès et la Fondation européenne d'études progressistes (FEPS) révélait que 40 % des Français se sentaient « plus déprimé » depuis l'arrivée de la covid-19. « Oui, tout à fait », répondaient même 15 % des Français de 35 à 49 ans, 15 % des dirigeants d'entreprise et 17 % des personnes dont le revenu mensuel était inférieur à 900 euros. Selon le rapport de l'UNICEF « La situation des enfants dans le monde 2021 - Dans ma tête ; promouvoir, protéger et prendre en charge la santé mentale des enfants relève de plus que dans le cas particulier des enfants et des adolescents », la peur de l'infection, l'incertitude liée aux mesures de confinement et aux fermetures d'écoles et la difficulté d'adaptation à cette nouvelle normalité se sont traduites par une augmentation de ces deux symptômes » : le stress et l'anxiété (p.103). Le rapport ajoute que « les mesures de confinement ont suscité une hausse de la colère, des pensées négatives, de l'irritabilité et de l'inattention, en particulier chez les enfants autistes ou présentant un trouble déficitaire de l'attention / hyperactivité (TDAH) » (ibid.). M. le député demande à M. le ministre si ses services confirment les conséquences majeures de l'épidémie de covid-19 et des confinements sur la santé mentale des Français et en particulier sur les mineurs. Il lui demande également si la politique de santé mentale du Gouvernement prend en compte ces évaluations et adapte en conséquence ses volets diagnostic et soins.
La pandémie de Covid-19, avec ses multiples impacts dans différentes sphères de la vie, a nui à la santé mentale des individus avec des effets plus marqués pour certains groupes de population. Cet impact négatif de la crise sanitaire sur la santé mentale est documenté par plusieurs études nationales et internationales, dont une revue de la littérature internationale (santé mentale et Covid. Une revue narrative) menée par un groupe de chercheurs français en juillet 2022, plusieurs enquêtes nationales récurrentes comme CoviPrev (Santé publique France, SpF), EpiCov (Inserm/Drees) et cohorte Confins (Kappa Santé/ Université de Bordeaux/Inserm), qui ont confirmé l'effet néfaste de la pandémie sur la santé mentale, notamment des adolescents et des étudiants. Ainsi, les résultats de la vague 36 de l'enquête CoviPrev (5-9 décembre 2022) montrent qu'un tiers des personnes interrogées présentaient un état anxieux ou dépressif et une personne sur dix déclarait avoir eu des pensées suicidaires dans l'année. Quel que soit l'indicateur considéré, les profils de la population les plus en difficulté étaient les 18-24 ans, les personnes ayant une situation financière difficile, ainsi que celles déclarant des antécédents de trouble (s) psychologique (s). Pour répondre à cet état de fait, le Gouvernement a mis en place, dès 2021, des actions visant à agir rapidement pour la psychiatrie et la santé mentale des groupes de population les plus touchés (Assises de la santé mentale et de la psychiatrie et mesures du Ségur de la santé). Toutefois, si l'impact de la Covid-19 a mis en évidence la santé mentale comme déterminant majeur de la santé globale, le Gouvernement s'est mobilisé bien avant la crise sanitaire pour inscrire la santé mentale comme une priorité de sa politique de santé. Dès juin 2018, et en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale de santé, le Gouvernement a adopté une feuille de route santé mentale et psychiatrie organisée autour des trois piliers de la prévention, du parcours de soins et de l'insertion sociale, déclinés sur 37 actions concrètes. Elle a été enrichie en 2020 par des mesures complémentaires du Ségur de la santé, et en 2021 par les 30 mesures annoncées aux Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. Concernant la prévention, les six principales mesures sont l'organisation d'une communication grand public régulière sur la santé mentale, incluant la création d'un site Internet dédié à la santé mentale (https://www.psycom.org/) ; l'amplification du déploiement du secourisme en santé mentale dans tous les milieux (dont les trois fonctions publiques) et la poursuite de ce déploiement auprès des étudiants ; la définition d'une stratégie multisectorielle de déploiement des compétences psychosociales adoptée par huit ministères ; le renforcement des maisons des adolescents et la création des Maisons de l'enfant et de la famille en charge de la coordination de la santé des 3-11 ans et, enfin, la mise en service du numéro national gratuit de prévention du suicide, le 3114. Ces mesures « Assises » représentent un coût global pour les finances publiques de près de 1,9 Mds € sur 5 ans (soit environ 380 M€ par an sur la période 2022-2026). Elles représentent aussi, à horizon 2026, une augmentation du budget annuel supplémentaire pour notre système de santé de plus de 420 M€ dédiés à la santé mentale et à la psychiatrie. La prévention du suicide est un axe prioritaire de la politique de santé publique du Ministère de la santé et de la prévention. Décrite dans l'action n° 6 de l'axe 1 de la feuille de route santé mentale et psychiatrie de juin 2018, la stratégie nationale de prévention du suicide (SNPS) a comme objectif la mise en œuvre de façon coordonnée, synergique et territorialisée d'un ensemble d'actions intégrées : le maintien du contact avec la personne qui a fait une tentative de suicide (programme VigilanS) ; des formations au repérage, à l'évaluation du risque suicidaire et à l'intervention de crise auprès des personnes en crise suicidaire ; des actions ciblées pour lutter contre la contagion suicidaire ; l'information du public (qui rejoint l'objectif avec les sites internet Psycom et SpF) et, enfin, la mise en place du numéro national de prévention du suicide, le 3114. Concernant les soins, l'une des mesures clés des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie est la création du dispositif Mon Parcours Psy consistant en l'accès si nécessaire dès l'âge de 3 ans à une prestation d'accompagnement psychologique pour des troubles d'intensité légère à modérée, avec 8 séances par an, réalisée par un psychologue en ville, prises en charge par la sécurité sociale. D'autres mesures clés sont le renforcement du réseau des maisons des adolescents (MDA), avec l'engagement de créer une MDA dans chaque département ; l'augmentation de 400 ETP sur les effectifs des centres médico-psychologiques infanto-juvéniles et de 400 ETP (équivalent temps plein) sur les effectifs des centres médico-psychologiques adultes en 2022-2024 et, enfin, le renforcement en psychologues dans les maisons de santé et centres de santé.
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