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Florence Goulet
Question N° 3808 au Ministère des solidarités


Question soumise le 6 décembre 2022

Mme Florence Goulet alerte M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées sur la réduction du gaspillage alimentaire. La loi n° 2016-138 du 11 février 2016, dite « loi Garot », relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, aurait dû permettre que les denrées alimentaires invendues soient données par les distributeurs aux diverses associations d'aide aux personnes démunies comme la Banque alimentaire. Malheureusement, cette loi est très peu appliquée, les contrôles visant les distributeurs et commerçants étant rares ou inefficaces. Selon la Banque alimentaire de la Meuse, la grande distribution préfère bien souvent jeter les invendus encore comestibles que les donner aux associations, en toute impunité et malgré une amende prévue la loi. Ainsi les gaspillages alimentaires représentent 10 millions de tonnes de produits par an, pour une valeur commerciale estimée à 16 milliards d'euros. À cause de l'inflation galopante qui affecte le prix des denrées alimentaires et de l'énergie, les associations doivent faire face, à la fois, à une augmentation du nombre des bénéficiaires de leur aide, à une baisse des dons qui leur sont adressés et à une augmentation des coûts incompressibles qu'engendre leur activité. Elles devraient au moins pouvoir disposer de stocks de nourriture dont les vendeurs se seraient, de toute manière, débarrassé. Elle voudrait connaître quelles actions il entend mener pour que soit assurée l'application scrupuleuse d'une loi non seulement nécessaire ordinairement mais indispensable et urgente en ces temps d'inflation.

Réponse émise le 27 juin 2023

La loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire a introduit, en plus de l'interdiction pour les distributeurs de rendre impropre à la consommation des denrées encore consommables, l'obligation pour les distributeurs de plus de 400 m2 de proposer une convention de don à une association d'aide alimentaire habilitée. Ces deux dispositions ont été étendues à la restauration collective (préparant plus de 3 000 repas par jour) et aux industries agroalimentaires (ayant un chiffre d'affaires supérieur à 50 M€) par l'ordonnance n° 2019-1069 du 21 octobre 2019 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, prise en application de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM), et aux opérateurs de commerce de gros (ayant un chiffre d'affaires supérieur à 50 M€) par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Le rapport d'information n° 2025 présenté par les députés Graziella Melchior et Guillaume Garot en application de l'article 145-7 du règlement de la Commission des affaires économiques sur l'évaluation de la loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (2019) fait état d'une augmentation du volume des dons consécutive à l'entrée en vigueur de la loi du 11 février 2016, puis d'un ralentissement dû à la mise en place de stratégies efficaces de prévention du gaspillage alimentaire par les distributeurs. Le rapport souligne également la problématique de la qualité du don et notamment la distribution de produits difficiles à redistribuer car disposant d'une durée de vie résiduelle courte. Le rapport contient un certain nombre de recommandations pour remédier à cette problématique, notamment en accentuant les opérations de contrôle des infractions relatives à la lutte contre le gaspillage alimentaire et en augmentant les sanctions liées à ces infractions. La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte anti-gaspillage et à l'économie circulaire (dite loi AGEC) a permis de concrétiser cette dernière recommandation en augmentant la sanction liée à la destruction de denrées encore consommables à une amende pouvant atteindre 0,1 % du chiffre d'affaires, et la sanction liée au fait de ne pas proposer une convention de don à une contravention de 5ème classe. Les agents de la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont réalisé une enquête nationale en 2021 ayant pour objet de vérifier le respect de ces dispositions. Les résultats de cette enquête sont en cours de traitement. En outre, un travail est en cours entre les directions ministérielles chargées des contrôles pour réaliser un état des lieux des habilitations des différents corps de contrôle, décrire le mode d'organisation approprié pour réaliser ces contrôles et mettre en place un dispositif permettant de mieux coordonner les actions de contrôle. Dans l'objectif d'améliorer la qualité du don, le décret n° 2019-302 du 11 avril 2019, pris en application de la loi dite EGALIM, a introduit l'obligation de mettre en place un plan de gestion de la qualité du don, comprenant un plan de sensibilisation de l'ensemble du personnel, un plan de formation du personnel chargé du don et les conditions d'organisation du don. Cette disposition est entrée en vigueur au 1er janvier 2020. La loi AGEC a élargi le périmètre de ce plan de gestion de la qualité du don en introduisant des procédures de suivi et de contrôle de la qualité du don. Les membres de ce groupe de travail n'ont pas souhaité revoir le seuil de date limite de consommation (DLC) minimale à partir de laquelle le don est possible. En plus du cadre législatif et réglementaire, via le Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, le groupe de travail sur le don alimentaire réunissant l'administration, les associations d'aide alimentaire, les représentants des professionnels du secteur de la distribution et les sous-traitants du don, est un espace d'échange permettant aux acteurs d'évoquer ces problématiques et de mettre en place des actions correctives adaptées. L'effet de ces mesures sera en partie évalué dans le cadre de l'étude que l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) conduit actuellement pour comprendre les causes du gaspillage alimentaire au sein même des associations d'aide alimentaire, le mesurer et tester des actions de réduction s'il ne peut être évité. Cette étude sera valorisée en septembre 2023 et permettra d'enrichir les travaux entrepris dans le cadre du Comité national de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire installé en septembre 2020 par le ministre des Solidarités, avec les ministres chargés respectivement de la Santé, de l'Alimentation et du Logement. Enfin, le label national anti-gaspillage alimentaire, prévu à l'article 33 de la loi n° 2020-105 du 20 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à une économie circulaire (présenté le 2 mars au salon international de l'agriculture), permettra de valoriser les distributeurs les plus vertueux. Dans le contexte économique actuel de hausse des prix notamment s'agissant des denrées alimentaires, le Gouvernement est particulièrement mobilisé et a engagé en 2022 plusieurs mesures fortes. Ainsi, un effort important en faveur de l'aide alimentaire pour aider les associations de solidarité a été financé en 2022 à hauteur de 95 M€ de crédits supplémentaires obtenus en lois de finances rectificatives et se décomposant de la façon suivante :  - un soutien exceptionnel de 55 M€ de crédits supplémentaires au programme budgétaire consacré à la lutte contre la précarité alimentaire, soit un doublement des crédits initialement prévus (56 M€ inscrits en loi de finances initiale 2022). Ces crédits exceptionnels ont permis de compenser la quasi-intégralité de la perte de ressources des associations qui avaient été mises en difficulté par des marchés européens infructueux (avec + 28,5 M€ pour financer des achats directs auprès des producteurs), et de doubler les crédits locaux disponibles pour soutenir les associations de proximité (11,5 M€). La vulnérabilité particulière des territoires d'outre-mer a également été prise en compte, avec +15 M€ pour les associations locales d'aide alimentaire ;  - une ouverture de 40 M€ complémentaires en fin d'année, se répartissant en deux enveloppes : une enveloppe de 10 M€ pour lutter spécifiquement contre la précarité alimentaire des étudiants, et une enveloppe de 30 M€, déployée début 2023, destinée à faire face à la hausse des dépenses énergétiques, à l'inflation des prix des denrées et à l'accroissement du nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire. La mobilisation de l'Etat en faveur de la lutte contre la précarité alimentaire se concrétise par ailleurs en 2023 par la mise en place d'un fonds pour une aide alimentaire durable au travers du programme « Mieux manger pour tous ». Ce programme, doté de 60 M€, a vocation à financer des approvisionnements supplémentaires en denrées de qualité des associations habilitées pour l'aide alimentaire et à promouvoir de nouvelles solidarités alimentaires au niveau local. Le volet national de ce programme, doté de 40 M€, a pour but d'enrichir l'offre de l'aide alimentaire en fruits et légumes, légumineuses, et produits sous labels de qualité, afin de favoriser l'accès des plus démunis à des denrées plus saines et durables. Le volet local, doté de 20 M€ et piloté au niveau déconcentré, répond à l'objectif de développement d'alliances locales de solidarité alimentaire « producteurs-associations-collectivité » permettant aux plus modestes l'accès à une alimentation saine et durable, d'encourager la participation à des Projets alimentaires territoriaux (PAT) portant des actions de justice sociale, de soutenir les expérimentations de chèques « alimentation durable » et d'améliorer la couverture des zones blanches identifiées de l'aide alimentaire. Ces moyens nouveaux s'inscrivent dans la suite des travaux de la convention citoyenne pour le climat et de la loi Etats généraux de l'alimentation (Egalim) et sont ancrés au sein du Comité de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire.

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