M. Bastien Lachaud rappelle à M. le ministre de la santé et de la prévention la fracture sanitaire dont sont victimes notamment les habitants de la Seine-Saint-Denis. Dans l'opinion publique, la notion de désert médical est souvent associée à la ruralité. Si ce constat se vérifie parfaitement, il est en revanche moins connu que des zones urbaines pourtant densément peuplées sont aussi des déserts médicaux. Notamment la Seine-Saint-Denis, département d'élection de M. le député. Ce dernier a déjà interrogé la ministre de la santé en fonction au 3 décembre 2019, Mme Agnès Buzyn, sur le sujet par la question écrite n° 24982, sans recevoir de réponse à la fin de la XVe législature, soit en 932 jours, c'est-à-dire 2 ans, 6 mois et 21 jours, au lieu du délai réglementaire de 2 mois. L'association Que choisir a mené une étude combinant les difficultés d'accès géographiques et financiers aux soins, qui renforce ce constat. Ainsi, d'après les chiffres de l'association, 25 millions de personnes vivent dans un territoire où l'offre médicale est insuffisante ou trop onéreuse. 23,6 % des femmes vivent dans un désert médical gynécologique, soit 11,8 millions de patientes et en pédiatrie, 27,5 % des enfants de 0 à 10 ans sont concernés par le manque de médecins. 19 % des patients, soit 12,3 millions de personnes, vivent dans un désert médical ophtalmologique. Pour ce qui est des généralistes, 23,5 % de personnes ne peuvent y accéder à moins de 30 minutes de route. La fracture sanitaire concerne également la question financière, puisque parfois les praticiens sont bien présents sur le territoire mais demandent des honoraires inaccessibles à une grande partie de la population, car les dépassements ne sont pas remboursés. Ainsi, ce sont les plus précaires qui peuvent le moins se soigner. Ainsi, les dépassements d'honoraires payés par les patients atteignent 3,5 milliards d'euros en 2021. Par exemple, pour la gynécologie, 7 patientes sur 10 n'ont aucun gynécologue en secteur 1 à moins de 45 minutes de trajet et pour la pédiatrie, c'est 1 enfant sur 2. Pour ce qui est de la Seine-Saint-Denis, elle est un désert médical de gynécologues, d'ophtalmologues et de pédiatres sans dépassement d'honoraires et même avec un dépassement inférieur à 50 % pour l'ophtalmologie et la gynécologie. Des ophtalmologues, pédiatres et des gynécologues sont bien accessibles à moins de 45 mn de trajet, mais pratiquent des dépassements d'honoraires importants. La conséquence de ces difficultés à accéder à un médecin est souvent le renoncement aux soins. Les personnes pauvres habitant en zone sous-dotée subissent une double discrimination, qui est d'autant plus marquée qu'avec l'augmentation du prix des carburants, il est d'autant plus onéreux de se déplacer. Selon l'Insee, en 2017, 3,1 % des personnes de 16 ans ou plus vivant en France hexagonale, soit 1,6 million de personnes, ont renoncé à des soins médicaux. Une étude de la DREES précise que le risque de renoncement aux soins est accru de 8 fois dans les zones sous-dotées en médecins généralistes. L'obligation de passer par un généraliste pour obtenir un remboursement plus élevé des consultations d'un spécialiste rend d'autant plus difficile l'accès à ces derniers. Le renoncement aux soins entraîne une dégradation de la santé qu'il est plus difficile de soigner que quand les affections sont prises à temps. Les actes de prévention et de suivi ne peuvent se faire, entraînant à terme des soins plus lourds quand il n'est plus possible de les différer. Aussi, il souhaite savoir quel plan d'envergure il compte prendre afin de résorber la fracture sanitaire et permettre une égalité d'accès aux soins à l'ensemble des citoyens, d'un point de vue géographique comme financier.
L'accès aux soins a été une priorité gouvernementale dès 2017, avec le lancement du plan d'accès aux soins, comportant une large palette de solutions, adaptables à chaque contexte local, car la réponse aux difficultés démographiques n'est pas unique : actions au niveau de la formation des professionnels (soutien à la réalisation des stages ambulatoires pour faire découvrir la pratique et « donner envie » d'exercer dans ces territoires), actions sur l'attractivité de l'exercice (développement des maisons de santé pluri-professionnelles, centres de santé pluri-professionnels, communautés professionnelles territoriales de santé…), ou encore recours aux transferts de compétences via des protocoles, développement de la télésanté… Ce plan a été renforcé par la stratégie « Ma Santé 2022 », avec des dispositions à effet de court terme, comme la création de postes d'assistants médicaux, pour seconder et appuyer les médecins dans un ensemble de tâches administratives et soignantes. Le Ségur de la santé lancé en juillet 2020 a mis l'accent sur le déploiement de l'exercice coordonné et le recours à la télésanté. L'enjeu aujourd'hui, dans un contexte démographique tendu, sachant que les bénéfices de la fin du numérus clausus ne se feront sentir que dans une dizaine d'années, est bien de mobiliser tous les leviers existants pour trouver du temps médical et augmenter l'attractivité du territoire. Certaines solutions doivent être accélérées dans leur déploiement : c'est le cas notamment des assistants médicaux, dont la cible a été portée à 10 000 à l'horizon 2025. Les gains estimés étant de 10% de patients en plus du fait du temps médical gagné. L'accent doit être mis aussi sur le déploiement de l'exercice coordonné sous toutes ses formes, levier majeur pour attirer les professionnels de santé et les fixer, y compris dans les zones les plus fragiles. C'est bien un des enjeux du conseil national de la refondation en santé : mettre autour de la table professionnels, patients et élus pour trouver ensemble les solutions les plus adaptées aux besoins des territoires et des populations, en levant les freins et en mobilisant les leviers existants. Différentes mesures sont aussi en place pour agir sur l'accès financier aux soins : pour les assurés les plus fragiles, la complémentaire santé solidaire prémunit d'ores et déjà de tout reste à charge sur les consultations médicales, puisque les professionnels de santé ne peuvent leur opposer de dépassements d'honoraires, hormis en cas d'exigence particulière de leur part. Par ailleurs, dans le cadre de la convention liant l'assurance maladie et les médecins, des dispositifs destinés à modérer les dépassements (option de pratique tarifaire maîtrisée - OPTAM) ont été mis en place ; ceux-ci montrent leurs effets : alors que les dépassements d'honoraires progressaient de presque 2 points par an à la fin des années 2000, ils baissent de 1 point par an en moyenne depuis 2012.
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