M. Bastien Lachaud appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la remise d'un rapport demandé par le Comité des droits de l'enfant de l'ONU au gouvernement français relatif aux abus sexuels commis par des membres du clergé. En effet, le 6 novembre 2020, le Comité des droits de l'enfant de l'ONU s'est adressé au gouvernement français pour lui demander de lui remettre, avant le 30 octobre 2021, un rapport périodique relatif aux droits des enfants. La liste des points établie avant la soumission du 6e rapport périodique de la France inclut les abus sexuels du clergé sur des enfants. L'alinéa a) du point 21. portant sur les questions d'exploitation sexuelle et d'abus sexuels demande à la France de fournir des informations sur « les enquêtes menées sur les abus sexuels commis par des membres du clergé, les poursuites intentées et les peines imposées aux auteurs de tels actes, les délais de prescription applicables, les réparations accordées, y compris les indemnisations et les mesures de réadaptation et les mesures prises pour protéger les enfants contre le risque de subir des abus sexuels de la part de membres du clergé ». Par cette demande de précision adressée à la France, le comité de l'ONU considère donc de facto que l'État ne peut pas laisser l'Église être juge et partie dans des affaires qui touchent à l'ordre public et à caractère souvent criminel, à une échelle sans précédent. Le rapport de la Ciase présenté par M. Jean-Marc Sauvé le 5 octobre 2021 fait état de 330 000 victimes depuis 1950. Le rapport de la Ciase a caractérisé comme « systémique » le problème des abus sexuels commis par des représentants du clergé, ce qui interdit de considérer les nombreuses affaires qui continuent à être révélées comme une collection de déviances individuelles devant être traitées au cas par cas. Ni l'église catholique, ni les instances de dédommagement qu'elle a mises en place (INIRR et CRR) ne peuvent être considérées comme légitimes et suffisantes pour rendre la justice, qui ressort des compétences de l'État régalien. Pourtant, ce sont des initiatives individuelles de victimes qui ont conduit à la condamnation initiale de Philippe Barbarin, acquitté en appel. À ce jour, pourtant, aucune réponse n'a été fournie par le Gouvernement sur le point précis des crimes sexuels commis par des membres du clergé dans sa réponse au Comité des droits de l'enfant. Aussi, il souhaite savoir quand l'État va établir une réponse précise sur la question de l'évaluation des enquêtes, poursuites et réparations, ainsi que sur les mesures de protection des enfants contre le risque de subir des abus sexuels de la part de membres du clergé, à la demande précise et explicite du Comité des droits de l'enfant de l'ONU.
S'agissant de la lutte contre les abus sexuels dans l'Eglise catholique, compte tenu de l'ampleur des agissements qu'il a révélés, la remise du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise (CIASE), le 5 octobre 2021, constitue un moment déterminant. À la suite de sa publication, les instances catholiques se sont engagées dans un long travail dès novembre 2021. La Conférence des Evêques de France (CEF) et la Conférence des religieux et religieuses en France (CORREF) ont reconnu le caractère « systémique » des abus et la responsabilité institutionnelle de l'Eglise, ces propos revêtant une importance majeure, en rompant avec des habitudes de silence ou de rejet de la faute sur des responsabilités individuelles. Ces instances ont lancé un processus de reconnaissance et de réparation des victimes : la CORREF a créé, en novembre 2021, la Commission reconnaissance et réparation (CRR) et la CEF a instauré, en février 2022, l'Instance nationale de reconnaissance et de réparation (INIRR). Un outil de financement a été créé avec le Fonds de solidarité et de lutte contre les agressions sexuelles sur mineur (SELAM), chargé de verser les réparations financières et abondé par l'Eglise catholique à hauteur de 20 millions d'euros. Selon son rapport annuel 2022, l'INIRR indique avoir reçu 1133 saisines de personnes victimes ; son collège a rendu 142 décisions. Dans son rapport d'activité 2022, la CRR fait état de 604 saisines, de 277 demandes instruites et de 112 recommendations de réparation. Si les associations de victimes regrettent le temps d'instruction des dossiers, elles reconnaissent la difficulté de ce type de démarche et ont pris note de l'accompagnement proposé. À la suite de la dernière assemblée plénière de novembre 2022, la CEF a annoncé plusieurs changements dans la gestion de ces affaires. Un conseil de suivi « Vos estis lux mundi » a été créé afin d'accompagner la hiérarchie de l'Eglise catholique dans le traitement des affaires et de faciliter la communication avec le Vatican et la justice civile française. Par ailleurs, un Tribunal pénal canonique national (TPCN) a été institué le 5 décembre 2022. Composé de 13 magistrats (8 prêtres et 5 laïcs, dont 4 femmes), il sera compétent pour les affaires liées aux abus sexuels commis sur des personnes majeures. Les affaires impliquant des évêques et celles concernant les abus sexuels commis sur des personnes mineures resteront prises en charge par le dicastère pour la doctrine de la foi du Vatican. Les mesures adoptées en France interviennent parallèlement aux mesures du Saint-Siège prises pour l'ensemble de l'Eglise catholique à l'initiative du Pape François. Dès avant la publication du rapport de la CIASE, le Saint-Siège a adopté de nouvelles mesures afin de lutter contre les abus sexuels sur mineurs. Le 9 mai 2019, une lettre apostolique a été publiée, en forme de Motu proprio, intitulée « Vos estis lux Mundi ». Cette lettre prévoit la création, dans chaque diocèse, d'une structure facilement accessible au public et permettant de recevoir des signalements. Elle introduit également une obligation pour les clercs et religieux de signaler les abus. Elle a été complétée, le 16 juillet 2020, par la publication d'un « Vademecum sur quelques points de procédure dans le traitement des cas d'abus sexuel sur mineur commis par des clercs ». Ce document apporte aux évêques et aux juristes de l'Eglise catholique un appui pour appliquer le droit canonique et détaille les procédures à suivre dans les affaires d'abus sexuel. Il prévoit également une « collaboration » entre l'Eglise et l'État, les autorités ecclésiales étant invitées à déposer une plainte auprès de la justice civile lorsque cela doit être fait, et les enquêtes internes à l'Eglise devant être menées dans le respect des lois civiles. Dans le respect de la loi de séparation des Eglises et de l'État, le Gouvernement suit attentivement les différentes mesures prises par la CEF et par la CORREF. Il prend note de la volonté des responsables de ces deux instances de lutter contre les abus, d'accompagner les victimes et de travailler plus étroitement avec l'autorité judiciaire. À travers un dialogue nourri avec l'Eglise catholique de France, il s'assurera, dans la durée de la réalité de la mise en œuvre des mesures annoncées pour que les victimes soient prises en considération à la mesure de ce qu'elles ont enduré et que tout soit fait, au sein de l'Eglise et au-delà, pour que les agissements qu'elles ont subis ne puissent plus se reproduire.
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