M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement, sur la situation de la copropriété des Joyeux à Aubervilliers. Le mercredi 16 novembre 2022, les services de l'État, de l'Établissement public territorial de Plaine Commune et de la municipalité d'Aubervilliers annonçaient aux habitants et habitantes de la copropriété des Joyeux, située à Aubervilliers, la destruction prochaine de celle-ci. Annoncée avant qu'une véritable concertation ait pu avoir lieu au préalable, sans que les motivations exactes de la décision aient été communiquées et en contradiction avec tous les engagements pris jusqu'à présent, cette décision ne peut que susciter l'incompréhension et la colère légitimes de la grande majorité des habitants et habitantes. Cette incompréhension est d'autant plus grande que la copropriété des Joyeux faisait précédemment l'objet d'un engagement de l'État, dans le cadre du « Plan initiatives copropriétés », annoncé en octobre 2018 par le Gouvernement, qui prévoyait sa sauvegarde et sa réhabilitation. C'est pourquoi M. le député interroge aujourd'hui M. le ministre. Édifiée dans les années 1950, la copropriété des Joyeux, située rue Lopez et Jules Martin à Aubervilliers, compte aujourd'hui 80 propriétaires environ, dont une grande partie de familles modestes. Les difficultés de la copropriété lui ont valu d'être placée sous administration judiciaire en 2013. Les parties communes ont connu une réelle dégradation ; des balcons menacent de s'effondrer, le bâtiment et sa toiture présentent un défaut d'isolation et des fuites. En revanche, le bâti est sain, la plupart des appartements sont bien entretenus par des copropriétaires volontaires, courageux et très attachés à leurs logements, comme M. le député a pu le constater à l'occasion d'une visite de la copropriété en juillet 2019 et de nombreux échanges avec certains des copropriétaires au cours des années qui ont suivi. Les difficultés rencontrées par la copropriété des Joyeux ont posé depuis plusieurs années la question de sa réhabilitation ou de sa démolition. Au printemps 2018, la maire d'Aubervilliers d'alors, Mme Meriem Derkaoui, avait annoncé une première fois la démolition. La mobilisation importante des copropriétaires l'avait amené à revenir sur cette décision. En avril 2019, M. Julien Denormandie, alors ministre chargé du logement, rendait visite à la copropriété des Joyeux et s'engageait à ce que celle-ci soit intégrée au plan « initiative copropriété », annoncé en octobre 2018 par le Gouvernement, en vue de sa réhabilitation. Dans un courrier adressé à M. le député, en date du 22 octobre 2019, M.le ministre Julien Denormandie confirmait cette décision, l'engagement pris de « consolider le maintien en copropriété et de poursuivre le projet de réhabilitation » et « la mobilisation sans faille des services de l'État dans la mise en œuvre de cette feuille de route ». Depuis cette date, une première tranche de travaux prioritaires a été réalisée, engageant, selon les informations données aux copropriétaires par l'architecte responsable, près de 1,4 millions d'euros. Les copropriétaires ont également été mis à contribution, avançant chacun de quatre à cinq mille euros ; une somme importante, à plus forte raison, au vu de la situation financière difficile de beaucoup d'entre eux. Malgré ces engagements, la crainte d'une démolition de la copropriété des Joyeux a ressurgi en cette année 2022, notamment dans le contexte des annonces liées au Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) portant sur plusieurs quartiers d'Aubervilliers. Le 28 février 2022, les habitants de la copropriété manifestaient devant le siège de l'ANRU, afin d'obtenir des garanties sur le devenir des Joyeux. M. le député était alors côtés. L'engagement de recevoir le collectif d'habitants, pris alors par l'ANRU et qui a été confirmé par écrit à M. le député par la directrice générale de l'agence, dans un courrier du 29 avril 2022, n'a jamais été respecté. À l'occasion des réunions publiques d'information relatives au NPNRU qui ont eu lieu à Aubervilliers, les 23 juin, 6 juillet et 30 septembre 2022, aucun élément n'a pu être communiqué aux copropriétaires, qui se sont vu renvoyés à une rencontre ultérieure. Cette réunion d'information, qui a finalement eu lieu le 16 novembre 2022 et à laquelle M. le député a assisté à la demande des copropriétaires mobilisés, s'est soldée par l'annonce de la destruction de la copropriété, présentée comme déjà actée. Une telle décision interroge et cela pour différentes raisons, tant de forme que de fond, qui soulèvent des questions graves de contrôle démocratique, de transparence et de continuité de la parole et de l'action de l'État. La méthode pose question, dès lors que la concertation préalable a été, de toute évidence et à l'avis général des copropriétaires présents en nombre à la réunion d'information du 16 novembre 2022, tout à fait insuffisante, pour ne pas dire complètement absente, au niveau local comme au niveau national. M. le député peut témoigner directement de ce dernier point, ayant saisi en vain l'ANRU afin qu'un échange avec les habitantes et habitantes puisse avoir lieu. En définitive, c'est sans réel dialogue en amont que les copropriétaires ont donc été mis devant le fait accompli de la destruction déjà décidée de leur immeuble. Il faut ajouter que les éléments présentés aux habitants lors de la réunion d'information du 16 novembre 2022 peuvent difficilement, du fait de leur caractère fragmentaire, satisfaire aux impératifs de transparence qui doivent guider l'action publique : absence d'une chronologie complète des différentes étapes du projet et d'un état des lieux actualisé de la situation (des données sociales de 2016 ont été avancées pour justifier une démolition décidée six ans après et qui pourrait intervenir à une décennie d'intervalle) ; manque de clarté sur les responsabilités des différents acteurs décisionnels et la date à laquelle la destruction de la copropriété a été décidée ; absence totale d'informations sur les paramètres financiers de l'opération (montant des fonds publics déjà engagés, coût de la démolition par comparaison à celui d'une réhabilitation éventuelle) ; opacité presque complète sur l'avenir des copropriétaires, tant sur le montant de leur indemnisation que sur les modalités d'un relogement, renvoyés à un « accompagnement » pour le moins flou et reposant sur des promesses discutables - la perspective d'un relogement de l'ensemble des copropriétaires dans le parc social à Aubervilliers étant difficilement crédible, au vu de la tension qui caractérise le secteur du logement social dans la ville et dans le département. Surtout, la décision de démolir la copropriété des Joyeux représente une rupture avec l'engagement de sauvegarde et de réhabilitation pris en 2018-2019 par M.le ministre Julien Denormandie, sans que l'on parvienne à comprendre la logique d'une telle décision. Le Plan initiative copropriétés (PIC), auquel la copropriété des Joyeux avait été intégré, existe toujours - il se situe d'ailleurs dans un horizon décennal. Mieux, Mme Emmanuelle Wargon, alors ministre du logement, annonçait le 12 janvier 2021 le doublement des moyens financiers et des objectifs du PIC, dans le cadre de « France Relance ». Enfin, le 12 janvier 2022, la Cour des comptes rendait public un rapport indiquant que seuls 14 % des 2,74 milliards d'euros sur 10 ans de l'enveloppe initiale du PIC avaient été engagés et appelant, à « mieux répondre à l'urgence » des copropriétés dégradées. En d'autres termes : la sauvegarde des copropriétés dégradées est toujours une priorité de l'action publique et les crédits débloqués à cet effet sont amplement disponibles. Il apparaît dès lors tout simplement inexplicable qu'il soit impossible de maintenir l'engagement de réhabiliter la copropriété des Joyeux pris il y a moins de quatre ans par M. le ministre Julien Denormandie. La démolition de la copropriété des Joyeux paraît aujourd'hui d'autant moins justifiable que sa situation s'est considérablement améliorée depuis 2018 : des fonds publics ont déjà engagés et les copropriétaires ont été invités à engager des dépenses afin que de premiers travaux d'urgences soient été réalisés ; d'autre part, le nombre de copropriétaires connaissant des difficultés financières a diminué. Selon les éléments communiqués aux copropriétaires par l'architecte en charge de la première phase des travaux, 1 million d'euros serait nécessaire pour achever la réhabilitation : en tout état de cause, le coût d'une réhabilitation serait nettement inférieur à celui d'une démolition. L'ensemble de ces éléments conduisent M. le député à comprendre et partager le désarroi des habitants, qui ont le sentiment d'être trahis par une puissance publique, qui statue sur leur sort sans les consulter, dont les mobiles défient l'entendement et dont la décision fait fi des efforts qu'ils ont entrepris depuis des années. C'est pourquoi M. le député souhaite apprendre de M. le ministre les raisons exactes qui conduisent aujourd'hui l'État à remettre en cause l'engagement pris de réhabiliter la copropriété des Joyeux, sans réelle concertation ni dialogue préalable avec les habitantes et les habitants et, au fond, sans raison valable, alors que de solides bases financières et l'engagement courageux et méritoire des copropriétaires permettent d'envisager sa sauvegarde. Il souhaite que M. le ministre puisse faire toute la transparence sur la date et les modalités précises de la décision d'engager la démolition de cette copropriété. Il lui demande de communiquer en transparence tous les éléments relatifs au projet aujourd'hui envisagé. Surtout, M. le député demande à M. le ministre de revenir sur cette décision et souhaite que ce dernier reçoive le collectif des copropriétaires et prennent toutes les dispositions nécessaires pour mettre en œuvre la réhabilitation de la copropriété, conformément à la parole donnée il y a seulement quatre ans par le ministre du logement de l'époque. Il estime qu'il en va de la crédibilité des institutions et du respect des engagements pris envers les habitants et habitantes et lui demande sa position sur ce sujet.
La copropriété des Joyeux dans le quartier de la Maladrerie à Aubervilliers fait l'objet d'un suivi par les pouvoirs publics depuis plus de 20 ans. Les divers diagnostics et études menés ont confirmé la nécessité d'intervenir sur la copropriété pour remédier à plusieurs réalités et fragilités. En ce sens, un plan de sauvegarde de cette copropriété dégradée a été décidé et engagé par l'Etat En premier lieu, l'aggravation de la situation socio-économique des propriétaires occupants ces dernières années fragilise leur capacité à financer des travaux de réhabilitation et à participer au redressement financier d'une copropriété qui se dégrade aussi par une augmentation sensible des dettes irrécouvrables. Le récent audit financier de janvier 2023 réalisé par le cabinet EPT a confirmé cette réalité financière dégradée en relevant que les capacités de redressement de la copropriété reposeraient aujourd'hui sur un petit noyau de copropriétaires solvables. En second lieu, les dérives locatives constatées au cours des dernières années (sur-occupation des logements, présence de bailleurs indélicats…), ont conduit à une déqualification progressive de la copropriété et à un décrochage de cette dernière sur le marché immobilier dans un quartier en cours de transformation et de renouvellement urbain. En troisième et dernier lieu, l'état du bâti de cette copropriété du début des années 60, dégradé en raison de l'absence d'entretien des bétons depuis sa construction, a nécessité la programmation de travaux d'urgence qui se sont achevés en mars 2023. Le diagnostic technique établi par le groupement OZONE-GELLY en septembre 2022 avait mis en évidence l'état du bâti de la copropriété des Joyeux comme étant préoccupant. En outre, la perspective d'une rénovation du bâti ne pourrait être efficace que si elle s'accompagne de deux prérequis, à savoir : une intégration des parties privatives au programme de travaux de réhabilitation et une implication forte des habitants (copropriétaires et locataires) sur le volet entretien, avec une capacité à gérer les sinistres (assurance et suivi), effective et réelle. Ces deux prérequis ne peuvent aujourd'hui, au regard de l'état financier et social de la copropriété, être réunis. Dès lors, en l'absence de conditions propices à la réussite du plan de sauvegarde pour redonner un avenir à cette copropriété sur le long terme, l'établissement public territorial de Plaine Commune et la municipalité d'Aubervilliers travaillent aujourd'hui sur de nouvelles hypothèses, intégrant une démolition. Il faut signaler que la copropriété des Joyeux n'est pas dissociable du quartier de la Maladrerie et du quartier voisin Emile Dubois, et que ces deux quartiers vont faire l'objet de transformations urbaines profondes dans le cadre de l'action de l'Anru. Dès lors, toute intervention sur la copropriété constitue un enjeu important à prendre en compte dans la mise en œuvre d'un projet de renouvellement urbain sur le secteur. Au regard des différentes alternatives avancées et étudiées, la préfecture de Seine-Saint-Denis a engagé en lien la collectivité porteuse du projet et l'Anru, une démarche de concertation visant à associer les habitants sur le devenir de la copropriété des Joyeux. Pour ce faire, différentes propositions de rencontre ont été formulées par la préfecture envers les représentants de la copropriété, et une réunion publique sur le devenir de la copropriété a été organisée le 16 novembre 2022, en présence de la maire d'Aubervilliers et du sous-préfet d'arrondissement. Cette démarche de concertation a vocation à se poursuivre, dans la continuité de l'attention portée par le Gouvernement à l'implication des habitants dans les projets les concernant.
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