M. François Ruffin interroge M. le secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargé de la mer, sur le détachement de fonctionnaires auprès d'acteurs privés du secteur de la pêche. Depuis des années, la France ne contrôle pas sa flotte thonière. En 2015, l'administration accorde des dérogations illégales à ses thoniers industriels pour capturer davantage de thons que le seuil autorisé par les règles européennes. Constatant ces violations lors d'un audit, la Commission européenne a engagé une procédure d'infraction contre la France le 9 juin 2021 et a produit un avis motivé ce 29 septembre 2022, dernière étape avant un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne. Mais les industriels ne baissent pas pavillon : ils sont sur le point d'obtenir un changement majeur, qui leur permettrait d'augmenter massivement leurs captures officielles, de régulariser des années de captures illégales et de fraude fiscale. La France soutient ainsi les lobbies, avec pour conséquence la destruction des écosystèmes marins d'Afrique. Au cœur de ce dossier, une « porte tournante » : l'ancienne responsable de l'administration, qui était chargée de négocier l'accès aux ressources thonières d'Afrique se trouve aujourd'hui chargée de la stratégie du plus gros lobby thonier européen ! Mais c'est pire qu'un « pantouflage » : cette personne est placée en « service détaché », pour un an. C'est l'État qui, officiellement, délègue ses fonctionnaires pour le lobby, afin de - M. le député cite ledit lobby - « compléter son expertise dans la pêche et ainsi contribuer à la définition et à la mise en place de politiques européennes qui correspondent toujours mieux aux réalités du terrain ». Concernant M. le député, c'est une autre réalité du terrain qu'il souhaiterait connaître, le terrain administratif : qui a pris la décision de détacher un officier de la marine auprès du lobby européen de la pêche à un moment crucial de renégociation du règlement de contrôle européen ? Combien de fonctionnaires ont été, ou sont aujourd'hui « détachés » auprès des acteurs privés du secteur de la pêche dans le pays ? Est-ce que cette pratique vaut également pour d'autres secteurs, d'autres lobbies ? Cette question a été suggérée à M. le député par l'ONG Bloom. Il souhaite connaître les réponses à ecs questions.
Le Gouvernement est très exigeant et très attentif sur toutes les affaires de probité et de transparence. La politique européenne et nationale de la pêche comporte des mesures mises en œuvre par des acteurs professionnels dont le statut est reconnu par la réglementation européenne ou nationale. Dans le dossier cité, il s'agit des organisations de producteurs chargées par le règlement (UE) n° 1379/2013 du 11 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits de la pêche et de l'aquaculture d'améliorer les conditions de mise sur le marché des produits de la pêche obtenus dans des conditions viables et durables. L'organisation des producteurs de thon congelé et surgelé Europêche est une association loi de 1901 et reconnue comme organisation de producteurs depuis le 8 novembre. Elle regroupe les trois armements français de pêche au thon tropical congelé et surgelé (21 navires) et un armement italien (un navire). Elle exerce donc une mission de mise en œuvre de la politique commune des pêches. Le secteur de la pêche thonière tropicale emploie de nombreux marins français et concourt à la souveraineté alimentaire de la France. Son activité s'effectue dans le cadre d'accords de pêche négociés par l'Union européenne avec des États riverains de l'Océan indien ou du Golfe de Guinée. L'État français est évidemment attentif à ce que ces accords permettent la satisfaction réciproque des intérêts des États signataires et des armements concernés. L'activité de ces entreprises s'exerce dans un cadre normatif strict. En raison de la mission de mise en œuvre d'une politique communautaire exercée par l'association citée, l'Inspection générale des affaires maritimes a réservé une suite favorable à la demande de détachement présentée. L'administratrice s'est engagée à adresser le bilan de ses activités chaque année afin d'assurer la tenue de son dossier administratif. Ce sera le cas au 1er semestre de l'année 2023. À l'issue de la première période d'une année, il lui appartiendra, ainsi qu'à l'association, de solliciter la prolongation de son détachement ou de demander sa réintégration. La situation sera alors examinée. Deux autres cadres de l'administration maritime sont actuellement détachés auprès d'organisations professionnelles du secteur de la pêche, auprès du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins et auprès de la Coopération maritime.
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