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Marie-France Lorho
Question N° 347 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 26 juillet 2022

Mme Marie-France Lorho interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les fortes restrictions aux libertés de religion et d'association imposées par le régime français des congrégations. D'une part, ce régime est dérogatoire au droit commun, en étant fondé non sur une simple déclaration mais sur la reconnaissance accordée par décret rendu sur avis conforme du Conseil d'État ; d'autre part, la constitution d'une congrégation est soumise à des conditions particulièrement intrusives. En particulier, le Conseil d'État interdit aux congrégations de mentionner dans leurs statuts les vœux « solennels », « perpétuels » ou « définitifs » de leurs membres. Cette interdiction semble découler du décret des 13 et 19 février 1790, dont l'article 1er dispose que « la loi ne reconnaîtra plus de vœux monastiques solennels de personnes » et que « les ordres et les congrégations régulières dans lesquels on fait de pareils vœux sont et demeureront supprimés en France, sans qu'il puisse en être établi de semblables à l'avenir ». En raison de ce décret, l'État ne reconnaît pas les congrégations religieuses telles qu'elles sont réellement et plusieurs d'entre elles refusent de solliciter la reconnaissance légale. Ce décret est une atteinte au principe d'autonomie des organisations religieuses consacré par la CEDH et cette ingérence n'est pas justifiée par la poursuite de buts légitimes mentionnés aux articles 9-2 et 11-2 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Le Gouvernement confirme-t-il que le décret des 13 et 19 février 1790 est toujours en vigueur ? Si oui, elle lui demande dans quelle mesure son maintien peut être mis en conformité avec les obligations conventionnelles de la France.

Réponse émise le 11 avril 2023

Le régime juridique particulier dont bénéficient les congrégations religieuses résulte du titre III de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association et du titre II du décret du 16 août 1901 en portant application. La congrégation, en tant que communauté de personnes réunies par une même foi religieuse plaçant leur vie sous cette même foi et soumises à une même autorité, se distingue d'une association. Elle constitue ainsi un groupement de personnes dont les besoins de prise en charge sont entièrement confiés (logement, nourriture,  santé, protection sociale…) à la congrégation. Pour disposer d'une existence juridique, les congrégations doivent être reconnues légalement par décret rendu sur avis conforme du Conseil d'État (article 13 de la loi du 1er juillet 1901 précitée). Cette procédure n'est pas obligatoire : les congrégations peuvent se constituer librement et ainsi disposer d'une existence de fait, le délit de congrégation ayant été supprimé (article 3 de la loi du 8 avril 1942). Toutefois, la reconnaissance légale confère certains avantages aux congrégations telle que la « grande capacité » qui inclut notamment la faculté de recevoir des libéralités. Contrairement aux associations reconnues d'utilité publique soumises à des statuts types, il appartient aux congrégations de fixer librement leurs statuts (Conseil d'État, 29 octobre 1991, Congrégation Communauté monastique orthodoxe de la Résurrection à Villardonnel), le Conseil d'État exerçant un contrôle restreint et vérifiant que les statuts ne sont contraires ni à la loi, ni à l'ordre public, qu'ils confèrent bien au groupement qu'ils régissent le caractère d'une congrégation, qu'ils garantissent les droits des membres et en assurent la protection. Parmi les principes applicables à ces statuts, figure ainsi le principe de prohibition des engagements perpétuels, perçus durant la Révolution comme une aliénation des droits contraire à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 consacré depuis l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, à l'article 1210 du Code civil. A cet égard, l'assemblée générale du Conseil d'État a confirmé que cette prohibition était toujours en vigueur et que la mention dans les statuts des vœux solennels, perpétuels et définitifs était à proscrire (CE, Assemblée Générale, 6 décembre 1990, Congrégation des petites sœurs des maternités catholiques de Bourgoin-Jallieu, n° 348023).

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