M. Timothée Houssin attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'occupation illicite de biens immobiliers, dits « squats ». La loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, dite « ASAP », a étendu l'évacuation forcée en cas de « squat » en clarifiant le fait qu'elle est applicable aux résidences secondaires et occasionnelles. L'exécution de la procédure a été accélérée puisqu'il est prévu que la décision de mise en demeure soit prise par le préfet dans un délai de quarante-huit heures à compter de la réception de la demande. Des actions ont donc été menées pour permettre aux propriétaires de retrouver l'usage de leurs biens, mais beaucoup reste également à faire. En effet, l'usage de faux documents, au sens de l'article 441-2 du code pénal (faux documents, fausse fiche de paie...) comme justificatifs afin d'obtenir un bail est de plus en plus exploité par les squatteurs. Seul le juge peut confirmer la qualification du caractère frauduleux desdits documents. Dans ce type d'affaires, les délais de procédures sont extrêmement longs et le propriétaire reste privé durablement de son bien, souvent sans dommages et intérêts à terme. Face à cette situation et à la multiplication des cas de logement squattés après entrée de l'occupant via la fourniture de faux documents aux propriétaires pour signature d'un bail, il lui demande quelles mesures le Gouvernement compte mettre en place afin d'accélérer les procédures judiciaires dans ce type de dossier et de permettre aux propriétaires de recouvrer l'usage de leur bien.
La loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite a eu pour objectif d'améliorer le dispositif répressif afin de renforcer la lutte contre les squats. Cette loi a modifié l'article 226-4 du code pénal et réprime désormais de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende « l'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet ». L'alinéa 2 du même article précise que « Le maintien dans le domicile d'autrui à la suite de l'introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines ». Ainsi, le simple fait de se maintenir dans le domicile d'autrui à la suite d'une introduction dans son logement à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte est constitutif du délit de violation de domicile, qui est une infraction continue. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 27 juillet 2023, l'alinéa 3 précise en outre la notion de domicile, en indiquant que « constitue notamment le domicile d'une personne, au sens du présent article, tout local d'habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu'il s'agisse de sa résidence principale ou non ». Par ailleurs, outre la création à l'article 315-1 du code pénal d'un nouveau délit d'occupation frauduleuse d'un local à usage d'habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, une nouvelle infraction a été insérée à l'article 315-2 du code pénal permettant d'appréhender pénalement la situation des locataires restés dans leur logement à l'issue d'un jugement d'expulsion devenu définitif. Ces locataires défaillants risqueront en effet 7 500 euros d'amende, sauf lors de la trêve hivernale et lorsqu'ils bénéficient d'une décision de sursis à expulsion ou d'un logement social. Dans le prolongement de cette évolution législative, la circulaire du 23 novembre 2023 présentant les dispositions de cette loi rappelle aux parquets généraux et parquets la nécessité de veiller au développement et à l'animation d'une politique pénale dynamique et empreinte de fermeté en matière de lutte contre les squats, tout en retenant l'exacte qualification pénale applicable aux circonstances des faits. Elle invite les parquets généraux et parquets, lorsque l'infraction apparaît caractérisée, à apporter une réponse pénale systématique au plus proche de la date des faits, permettant de prendre en compte chaque situation particulière dans laquelle se trouvent placées les victimes. S'agissant des délais de traitement pénal de ce contentieux, il sera souligné que la violation de domicile, comme le faux et l'usage de faux sont des infractions de droit commun qui n'ont naturellement pas vocation à relever d'un régime dérogatoire. A l'instar de l'ensemble des affaires de droit commun, les délais de traitement, tant au stade des investigations qu'à celui du jugement, peuvent être longs compte-tenu du nombre d'affaires important traitées par les services d'enquête et les tribunaux. Face à cette problématique, le ministère de la Justice s'attache à tout mettre en œuvre pour améliorer les délais d'enquête et de jugement, qu'il s'agisse de la limitation, par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, de la durée d'enquête préliminaire à deux ans ou du renforcement des effectifs de magistrats, greffiers et contractuels en juridiction. Il convient cependant d'observer que tant la récupération du bien squatté que l'obtention de dommages et intérêts ne dépendent pas de l'action sur le volet pénal, mais reposent en premier lieu sur une action administrative et/ou civile. La loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 prévoit en son article 38 une procédure administrative permettant aux préfets, lorsqu'une plainte a été déposée pour violation de domicile, d'ordonner l'expulsion des squatteurs sans attendre qu'une décision judiciaire soit rendue, sous réserve, pour l'occupant régulier, de pouvoir prouver que le logement constitue bien son domicile et qu'il est occupé de façon illicite. L'article 73 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, entré en vigueur le 9 décembre 2020, a clarifié les conditions d'application de l'article 38 de la loi DALO et renforcé son efficacité : la procédure d'évacuation forcée s'applique sans distinction aux résidences principales ou secondaires et peut désormais bénéficier non seulement à la personne dont le domicile est squatté mais aussi à toute personne agissant dans l'intérêt et pour le compte de celle-ci. De plus, le préfet saisi d'une telle demande est dorénavant contraint de prendre sous 48 heures la décision de mise en demeure d'évacuer les lieux et ses motifs de refus sont encadrés. Enfin, lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet par les squatteurs dans le délai imparti, la nouvelle rédaction du texte insiste sur le fait que le préfet doit procéder sans délai à leur évacuation. Lorsque le bien squatté n'est pas un domicile, la voie judiciaire est l'unique option pour obtenir la libération des lieux. L'expulsion peut être ordonnée à l'issue d'une procédure rapide conduite devant le juge des contentieux de la protection (COJ, art. L. 213-4-3) lorsqu'il s'agit d'un local à usage d'habitation, qui peut être saisi en référé ou en référé d'heure à heure en cas d'extrême urgence. Le demandeur doit justifier que l'occupant est entré dans les lieux par voie de fait, ce qui caractérise le trouble manifestement illicite permettant d'agir en référé. La durée moyenne des procédures civiles en expulsion de squatteurs est de 4 à 5 mois (2018-2021). De plus, le régime de l'expulsion judiciaire est plus sévère à l'égard des squatteurs puisqu'ils sont privés du bénéfice du délai de deux mois qui suit la délivrance du commandement de quitter les lieux (C.pr. civ. exé., art. L 412-1 al.2), ainsi que du bénéfice de la trêve hivernale (C. pr. civ. exé., art. L 412-6 al. 2). Cette sévérité accrue à l'égard des squatteurs a pour conséquence d'accélérer la procédure d'expulsion judiciaire. Cependant, sous réserve de l'interprétation des juges du fond, l'article 38 de loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 ne semble pas aujourd'hui applicable à la situation de celui qui s'est introduit ou maintenu dans le bien avec l'accord du propriétaire, en application d'un contrat de bail, quoique celui-ci ait été consenti à la suite de manœuvres dolosives. Etant titulaire d'un titre d'occupation au jour de l'introduction dans le domicile, une telle personne n'est pas considérée comme « squatteur ». Il appartient alors au propriétaire de saisir la juridiction civile aux fins d'annulation du contrat de bail et d'expulsion pour dol, ou, si l'occupant ne paie pas ses loyers, aux fins de résiliation du bail et expulsion.
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