M. Damien Maudet interpelle M. le ministre de la santé et de la prévention sur la pénurie de médicaments essentiels. « La pandémie de covid-19 a souligné le problème majeur qu'est l'indisponibilité de médicaments essentiels. L'indisponibilité de certains antibiotiques est un problème majeur aux conséquences graves ». Ces mots sont écrits sur le site du ministère de la santé. Les conséquences de telles pénuries sont donc parfaitement connues. Comme certains antibiotiques sont utilisés pour une large gamme d'infections et d'interventions chirurgicales, y compris bégnines, leur absence pourraient avoir de nombreuses conséquences en cascades : utilisation du stock stratégique pour les interventions les plus graves uniquement, utilisation d'autres médicaments moins efficaces pour compenser le manque, potentiels reports de soins et donc risque très important d'augmentation de l'intensité et de perte de chances pour les malades concernés. Alors que le pays fait face à une vague de bronchiolite d'ampleur inédite sur ces 10 dernières années et que pour la première fois le plan ORSAN a été décrété pour cette épidémie récurrente, un nouveau choc de l'ampleur de celle d'une pénurie d'antibiotiques telle que décrite plus haut pourrait porter un coup critique au système hospitalier déjà en crise. L'action de M. le ministre doit être aussi forte que l'exige la situation et l'heure n'est plus au saupoudrage de quelques millions d'euros en guise de « paracétamol » pour passer « une situation difficile », comme il l'expliquait il y a encore deux semaines. Dans l'urgence, les mesures sont limitées, mais il faut les prendre : constitution de stocks stratégiques, recherche d'alternatives efficaces, coordination avec les partenaires européens de la France, communication institutionnelle adaptée pour éviter la constitution de stocks par la population inquiète - à juste titre. Par ailleurs, il faudra prendre toutes les précautions nécessaires pour que le recours à des alternatives n'étende pas la pénurie à ces autres médicaments et que la mesure d'urgence ne finisse pas par aggraver la situation. Et relancer d'urgence la production nécessaire sur le territoire français, à n'importe quel coût. Mais comme pour les autres pans du système de santé en crise, l'action de M. le ministre se limite trop souvent à ne gérer que l'urgence. Ici, si M. le ministre n'accepte pas de changer de logiciel, la catastrophe est annoncée. L'observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds), entre autres, l'alerte depuis de nombreuses années sur les dangers qui pèsent sur l'approvisionnement des médicaments essentiels donc stratégiques et formule de nombreuses mesures à mettre en œuvre pour assurer la résilience et la souveraineté de la France sur ce sujet. En 2016, l'Agence nationale de sécurité du médicament a reçu 405 signalements de situations de pénuries. Il y en a eu 1 504 en 2019 et 2 446 en 2021. M. le ministre n'a pourtant mené aucune action structurante pour inverser la tendance depuis. Les causes sont pourtant connues : on a laissé les laboratoires pharmaceutiques délocaliser la production des principes actifs à l'autre bout du monde, sans conserver la capacité de produire en urgence les quantités dont on a vitalement besoin. Le covid l'avait montré, une rupture d'approvisionnement en Inde ou en Chine et toute la production s'effondre. La crise énergétique actuelle révèle quelque chose de plus grave encore : la logique économique gouverne et lorsque les coûts de production sont trop élevés, les producteurs cessent leur activité et c'est la pénurie. Peu importe si cela doit plonger ensuite le pays dans une crise sanitaire. La logique capitaliste dans un secteur aussi stratégique que celui de la santé doit cesser. La France Insoumise porte dans son programme depuis de nombreuses années la création d'un pôle public du médicament, pour que la production des médicaments stratégiques soit assurée sur le territoire national et par le secteur public. Devant la crise majeure qui s'annonce, M. le député demande à M. le minitre s'il a pris toutes les mesures d'urgence qui s'imposent. Par ailleurs, il souhaite savoir s'il prévoit d'enfin agir pour que le cœur du système de santé français échappe aux intérêts économiques de multinationales privées.
La précédente feuille de route 2019-2022 a marqué des avancées importantes dans la gestion des pénuries et des tensions d'approvisionnement de produits de santé, notamment en terme de nouvelles obligations imposées aux industriels (obligation de détention de stocks minimums), mais il nous faut désormais aller plus loin et poser les jalons d'une nouvelle stratégie en matière de prévention et de gestion des pénuries. Lors du comité de pilotage de la feuille de route de lutte contre les pénuries de produits de santé qui s'est déroulé en présence des ministres de la santé et de la prévention et de l'industrie le 2 février 2023, il a été acté le lancement d'une phase de co-construction avec l'ensemble des parties prenantes. Les travaux menés au second trimestre 2023 ont permis d'établir un certain nombre d'actions concrètes qui seront présentées dans une nouvelle feuille de route pluriannuelle. Parmi ces premières actions concrètes, nous pouvons évoquer dans un premier temps, la mise en place d'une première liste de médicaments essentiels, publiée le 13 juin 2023 qui a vocation à renforcer la surveillance en matière d'approvisionnements de médicaments via l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ainsi que le « Plan de sécurisation de la couverture des besoins en produits de santé au cours des pathologies hivernales » porté par l'ANSM et déployé depuis octobre 2023. Dans un second temps, dans le cadre du projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2024, trois mesures ont été proposées pour améliorer l'accès de nos concitoyens aux médicaments en cas de pénuries. Une première mesure, prévue à l'article 77 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, est destinée à prévenir les ruptures d'approvisionnement suite à l'arrêt de commercialisation de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur matures. Afin de faciliter la reprise de droits de production, le gouvernement propose de responsabiliser les entreprises détentrices ou exploitantes d'autorisation de mise sur le marché arrêtant la commercialisation de médicaments matures en les obligeant à mettre tous les moyens en œuvre pour trouver un repreneur. Cette mesure prévoit également la publication de la liste des médicaments thérapeutiques majeurs et renforce la capacité de régulation de cette liste par l'ANSM. Une seconde mesure, prévue à l'article 72, comporte deux volets : l'un portant sur la limitation de la vente directe entre les laboratoires pharmaceutiques et les officines et l'autre sur le renforcement des leviers d'épargne en cas de rupture d'approvisionnement (dispensation à l'unité obligatoire, obligation d'ordonnance conditionnelle au test rapide d'orientation diagnostique, limitation ou interdiction de télé-prescription). Ces mesures ont notamment vocation à faciliter la juste répartition des stocks sur le territoire et à amplifier les actions de bon usage du médicament en période de tensions en s'assurant que le médicament est prescrit à bon escient. Par ailleurs, une troisième mesure, prévue à l'article 71, permet d'élargir les dispositifs de productions alternatives aux spécialités pharmaceutiques (préparations spéciales). Ces préparations spéciales feront l'objet d'une coordination par l'établissement pharmaceutique de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris qui assurera l'approvisionnement en matières premières et la qualité de ces préparations. Très récemment, afin de fluidifier la chaîne de distribution de médicaments, une charte d'engagement collective et solidaire des acteurs de la chaîne pharmaceutique a été signée le 22 novembre 2023 entre l'ANSM et les différentes parties prenantes (pharmaciens, industriels, grossistes-répartiteurs, autorités). Enfin, comme les motifs des tensions ou des pénuries sont multifactoriels, il convient d'adopter une réponse globalisée à cette problématique. Ainsi, afin de palier à certaines fragilités industrielles observées pour certains médicaments (situations de monopoles sur un ou plusieurs maillons de la chaîne d'approvisionnement), le Gouvernement travaille à des projets de relocalisation de certains principes actifs ou chaînes de production sur des médicaments essentiels. Cette ambition de relocalisation fait d'ailleurs l'objet de nombreux échanges au niveau européen pour coordonner les actions entre les différents Etats membres.
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