M. Marc Le Fur alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur la pénurie de médicaments et la souveraineté pharmaceutique de la France. La pandémie de la covid-19 a mis au jour la dépendance de la France en matière sanitaire. Plusieurs mois après le début de la pandémie, ce déficit de souveraineté dans un domaine pourtant hautement stratégique ne cesse de se creuser. En janvier 2022 et selon les chiffres de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), 6,5 % des références de médicaments étaient en rupture de stock. En août 2022, 12,5 % l'étaient. Aujourd'hui, la part des références en rupture est selon toute vraisemblance plus importante encore. Les Français le constatent lorsqu'ils se rendent chez leur pharmacien. Les rayonnages des officines sont clairsemés et les médicaments qui viennent de leur être prescrits sont hélas bien souvent indisponibles. Cette situation est alarmante. À l'orée de l'hiver et des épidémies de saisons, il est à craindre que beaucoup de compatriotes ne pourront pas se soigner convenablement. Ce qui est vrai par les épidémies et autres maladies hivernales risque de l'être aussi pour les maladies lourdes puisque bon nombre de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur sont déjà indisponibles. C'est le cas des anti-infectieux, des médicaments du système nerveux, des médicaments du système cardiovasculaire ou encore des anticancéreux. Ces médicaments sont prescrits dans le traitement de pathologies lourdes qui nécessitent la prise rapide d'un traitement afin d'éviter les complications et aggravations et maximiser les chances de guérison. Face à l'urgence de la situation, il lui demande quelles mesures entend prendre le Gouvernement, d'une part afin de pallier à ces pénuries et ne pas priver les Français de traitements, d'autre part afin que la France recouvre sa souveraineté pharmaceutique, en l'absence de laquelle il lui est impossible de garantir l'accès aux soins.
La précédente feuille de route 2019-2022 a marqué des avancées importantes dans la gestion des pénuries et des tensions d'approvisionnement de produits de santé, notamment en terme de nouvelles obligations imposées aux industriels (obligation de détention de stocks minimums), mais il nous faut désormais aller plus loin et poser les jalons d'une nouvelle stratégie en matière de prévention et de gestion des pénuries. Lors du comité de pilotage de la feuille de route de lutte contre les pénuries de produits de santé qui s'est déroulé en présence des ministres de la santé et de la prévention et de l'industrie le 2 février 2023, il a été acté le lancement d'une phase de co-construction avec l'ensemble des parties prenantes. Les travaux menés au second trimestre 2023 ont permis d'établir un certain nombre d'actions concrètes qui seront présentées dans une nouvelle feuille de route pluriannuelle. Parmi ces premières actions concrètes, nous pouvons évoquer dans un premier temps, la mise en place d'une première liste de médicaments essentiels, publiée le 13 juin 2023 qui a vocation à renforcer la surveillance en matière d'approvisionnements de médicaments via l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ainsi que le « Plan de sécurisation de la couverture des besoins en produits de santé au cours des pathologies hivernales » porté par l'ANSM et déployé depuis octobre 2023. Dans un second temps, dans le cadre du projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2024, trois mesures ont été proposées pour améliorer l'accès de nos concitoyens aux médicaments en cas de pénuries. Une première mesure, prévue à l'article 77 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, est destinée à prévenir les ruptures d'approvisionnement suite à l'arrêt de commercialisation de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur matures. Afin de faciliter la reprise de droits de production, le gouvernement propose de responsabiliser les entreprises détentrices ou exploitantes d'autorisation de mise sur le marché arrêtant la commercialisation de médicaments matures en les obligeant à mettre tous les moyens en œuvre pour trouver un repreneur. Cette mesure prévoit également la publication de la liste des médicaments thérapeutiques majeurs et renforce la capacité de régulation de cette liste par l'ANSM. Une seconde mesure, prévue à l'article 72, comporte deux volets : l'un portant sur la limitation de la vente directe entre les laboratoires pharmaceutiques et les officines et l'autre sur le renforcement des leviers d'épargne en cas de rupture d'approvisionnement (dispensation à l'unité obligatoire, obligation d'ordonnance conditionnelle au test rapide d'orientation diagnostique, limitation ou interdiction de télé-prescription). Ces mesures ont notamment vocation à faciliter la juste répartition des stocks sur le territoire et à amplifier les actions de bon usage du médicament en période de tensions en s'assurant que le médicament est prescrit à bon escient. Par ailleurs, une troisième mesure, prévue à l'article 71, permet d'élargir les dispositifs de productions alternatives aux spécialités pharmaceutiques (préparations spéciales). Ces préparations spéciales feront l'objet d'une coordination par l'établissement pharmaceutique de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris qui assurera l'approvisionnement en matières premières et la qualité de ces préparations. Très récemment, afin de fluidifier la chaîne de distribution de médicaments, une charte d'engagement collective et solidaire des acteurs de la chaîne pharmaceutique a été signée le 22 novembre 2023 entre l'ANSM et les différentes parties prenantes (pharmaciens, industriels, grossistes-répartiteurs, autorités). Enfin, comme les motifs des tensions ou des pénuries sont multifactoriels, il convient d'adopter une réponse globalisée à cette problématique. Ainsi, afin de palier à certaines fragilités industrielles observées pour certains médicaments (situations de monopoles sur un ou plusieurs maillons de la chaîne d'approvisionnement), le Gouvernement travaille à des projets de relocalisation de certains principes actifs ou chaînes de production sur des médicaments essentiels. Cette ambition de relocalisation fait d'ailleurs l'objet de nombreux échanges au niveau européen pour coordonner les actions entre les différents Etats membres.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.