Mme Francesca Pasquini attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'urgence absolue de conjuguer recommandations nutritionnelles et lutte contre le réchauffement climatique dans les cantines scolaires. Cette question intervient dans une période stratégique puisque le Conseil national de la restauration collective (CNRC) vient de remettre ses travaux au ministère afin de permettre la réécriture de l'arrêté n° 2011-1227 du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire. Un repas durable doit être adéquat pour les enfants, prenant en compte leurs habitudes et leurs goûts, à un prix abordable et juste pour les producteurs et respectueux de l'environnement. Or, au cours des travaux du CNRC, les arbitrages de fréquences et grammages des aliments ont systématiquement été faits en faveur de la santé au détriment de la lutte contre le réchauffement climatique. Les deux sujets ont été traités comme deux points de vue incompatibles. Le résultat est dramatique : les repères alimentaires qu'on s'apprête à imposer aux cantines scolaires accordent une place bien trop importante aux produits d'origine animale et à la viande en premier lieu. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) engage la France à réduire les émissions de son secteur agricole de 46 % d'ici 2050. La viande et les produits laitiers représentant 85 % des émissions de l'alimentation des français (au stade agricole) : l'évolution des régimes alimentaires consiste donc en priorité à réduire la consommation de produits d'origine animale. L'enjeu n'est pas d'éliminer leur consommation mais de la modérer en privilégiant des produits de qualité issus d'élevages plus durables tout en réduisant le taux de viande importée. Dans ce contexte on aurait pu s'attendre à ce que les travaux du CNRC concernant les cantines scolaires aboutissent une régulation plus ambitieuse des produits animaux, notamment en limitant leur fréquence et leur grammage. Or il n'y a un eu aucun progrès par rapport à l'arrêté précédent datant de 2011. Il aurait été bienvenu que soient pris en compte les travaux supervisés par Nicole Darmon, de l'INRAE. Ceux-ci concluent qu'il est possible de combiner exigences sanitaires et environnementales par les moyens suivants : augmenter le nombre de repas végétariens de quatre à douze sur vingt, favoriser les viandes hors ruminants et appliquer les règles existantes de fréquences de service de plats à l'exception de celle imposant le service de viande de ruminant au moins quatre fois sur vingt repas. Cela pourrait diminuer l'impact environnemental des repas actuellement servis dans les cantines françaises de 50 % sans altérer leur qualité nutritionnelle. Cette étude doit être rapprochée du dernier avis de l'ANSES sur la fréquence de menus végétariens dans les cantines scolaires dans lequel l'agence affirme qu'il n'est pas nécessaire de limiter la fréquence des menus végétariens. Aussi, elle aimerait savoir si le Gouvernement s'engage à tenir compte de l'urgence climatique en proposant un arrêté plus ambitieux sur la réduction de la consommation de viande dans les cantines scolaires.
L'arrêté du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire, pris en application de l'article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime, fixe des règles concernant la structure des repas, les fréquences de services et les grammages des produits « prêt à consommer » en restauration scolaire. Afin de prendre en compte les évolutions des recommandations alimentaires pour les enfants et les évolutions législatives récentes, notamment le menu végétarien hebdomadaire, cet arrêté est en cours de révision. La concertation sur les nouveaux critères a lieu dans le cadre du groupe de travail « nutrition » du conseil national de la restauration collective, qui est co-présidé par la direction générale de la santé et l'association nationale des directeurs de la restauration collective (AGORES), en associant le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et l'ensemble des parties prenantes concernées. Les avis d'expertise scientifique sont la base de la révision de cet arrêté. Dans son avis de 2019 sur la révision des repères du programme national nutrition santé chez les enfants, l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) rappelle que durant l'enfance, la croissance staturopondérale importante et les pertes menstruelles chez les filles à l'adolescence entraînent des besoins en fer élevés, avec une prévalence d'inadéquation des apports en fer estimée à 25 %. L'Anses indique que la consommation de viande et de poisson peut faciliter l'atteinte de la référence nutritionnelle en fer chez les enfants et qu'il semble judicieux que les portions de ce groupe d'aliments proposées aux enfants ne soient pas réduites au prorata de l'apport énergétique mais soient proches de la portion d'un adulte. De plus, d'après l'étude ESTEBAN 2014-2016, la prévalence de carence en fer (anémie ferriprive) atteignait plus de 10 % chez les filles de 6-17 ans. Le haut conseil de la santé publique, dans son avis de 2020, indique qu'il n'est pas nécessaire de consommer de la viande à chaque repas pour les enfants, qu'il est possible pour certains repas de consommer des produits qui sont des sources alternatives de protéines (légumineuses, légumes secs, céréales peu ou pas raffinées) et recommande de limiter la consommation de viande hors volaille à 500 grammes par semaine au maximum pour les adolescents. Dans son avis de novembre 2021, l'Anses indique notamment que l'augmentation du nombre de menus sans viande ni poisson ne modifie pas le niveau de satisfaction des apports en nutriments, au regard de l'atteinte des références nutritionnelles pour les 7-10 ans, et l'agence émet un point de vigilance concernant la fréquence de service de poisson, étant donné l'importance du poisson en tant que contributeur aux apports en acides gras oméga-3 à longue chaîne. Les critères de fréquences de l'arrêté révisé sont en cours de discussion avec l'ensemble des ministères concernés. Les critères retenus s'attacheront à respecter les avis d'expertise scientifique. Enfin, la cantine scolaire est le lieu privilégié pour offrir la possibilité à tous les enfants d'avoir accès et de découvrir la diversité des aliments.
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