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Isabelle Santiago
Question N° 3316 au Ministère de la justice


Question soumise le 22 novembre 2022

Mme Isabelle Santiago alerte M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la situation de jeunes exilés qui dorment dans la rue. Depuis plus de quatre mois, des dizaines de très jeunes exilés venus d'Afghanistan, de Guinée ou encore du Mali dorment tous les soirs dans un campement de fortune sous le pont Mandela à Ivry-sur-Seine. Ils étaient jusque-là parqués à Bastille, dans un endroit non moins insalubre, mais ont été évacués fin septembre par le préfecture de police. Ces hommes ont fui leur pays pour quitter la guerre, les persécutions ou encore l'enrôlement de force. Ils doivent bénéficier d'un accueil décent dans le pays des droits de l'homme ! Une fois en région parisienne, ils ont sollicité les services de l'ASE de la Ville de Paris, du conseil départemental de Seine-Saint-Denis ou du Val-de-Marne. Ils sont tous, depuis de longs mois, en « recours de minorité », c'est-à-dire qu'ils attendent une décision du tribunal administratif se prononçant sur leur âge. Certains étaient mineurs au moment du dépôt de leur demande ; ils auront plus de 18 ans au jour du rendu de la décision du tribunal et se seront donc vu nier leur droit à un suivi social approprié à leur âge. Elle lui demande ce que le Gouvernement compte faire pour offrir des conditions de vie décente à ces jeunes exilés ; l'honneur de la France est en jeu.

Réponse émise le 14 mars 2023

Au 31 décembre 2022, 14 782 mineurs non accompagnés (MNA) ont été confiés aux conseils départementaux (CD) depuis le 1er janvier 2022. Pour rappel, l'ensemble des MNA peut bénéficier du dispositif de protection de l'enfance, une fois leur minorité et leur isolement établis. La loi du 14 mars 2016 a consacré une protection spécifique permettant à toute personne se déclarant MNA d'être mise à l'abri jusqu'à ce que sa situation soit évaluée. Aux termes du décret du 24 juin 2016, la phase de mise à l'abri est réalisée par le CD du lieu où le jeune se déclarant MNA s'est présenté ou a été repéré. Elle consiste principalement en un hébergement et une aide matérielle : les CD bénéficient de toute latitude dans la mise en œuvre de ce dispositif. La circulaire interministérielle du 25 janvier 2016, relative à la mobilisation des services de l'État auprès des CD concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tels, prévoit qu'en cas de majorité avérée à l'issue de leur évaluation, les intéressés doivent se voir notifier qu'une prise en charge au titre de la protection de l'enfance leur a été refusée. Ce document leur permet de prétendre à l'ensemble des droits reconnus aux personnes majeures (hébergement d'urgence, ouverture des droits à l'aide médicale d'état, dépôt d'une demande d'asile ou de titre de séjour dans le cadre fixé par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile). Le « guide de bonnes pratiques en matière d'évaluation de la minorité et de l'isolement des personnes se déclarant comme mineur (e) s et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille » publié en décembre 2019 rappelle la nécessité de notifier à tous jeunes évalués majeurs la décision du président du CD. Cette décision est susceptible d'un recours gracieux écrit auprès du président du CD dans un délai de deux mois suivant la notification. Le 1er juillet 2015, le Conseil d'Etat a déclaré incompétent le juge administratif pour examiner le refus du CD d'admettre un mineur isolé étranger à l'aide sociale à l'enfance au motif qu'il existait une voie de recours devant le juge des enfants. Toutefois, cette saisine n'est pas une procédure de contestation de la décision de refus de prise en charge du département. En effet, saisi sur le fondement de l'article 375 du code civil, le juge examine le faisceau d'indices et apprécie souverainement l'opportunité d'une mesure de protection, laquelle est ensuite mise en œuvre par les services de l'aide sociale à l'enfance du département. Dans ce cadre, aucune intervention du Gouvernement n'est possible en raison du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Les jeunes, se disant mineurs, mais reconnus majeurs lors de leur évaluation et qui restent en attente d'une décision judiciaire sur la minorité qu'ils allèguent sont exclus des dispositifs mis en place dans le cadre de la protection de l'enfance en danger. Il convient néanmoins de souligner l'ensemble des efforts fournis par les conseils départementaux notamment en région Ile-de-France et ce malgré l'augmentation du nombre de mineurs accueillis. Fin décembre 2022, 571 MNA ont été pris en charge par la ville de Paris, 444 par le conseil départemental de Seine-Saint-Denis et 315 par celui du Val de Marne. En conclusion, conscient de la difficulté particulière de la situation de ces jeunes, le ministère de la Justice reste attentif à la création de dispositifs de mise à l'abri des personnes se déclarant MNA, en lien avec les conseils départementaux et le secretariat d'Etat à l'enfance.

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