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Charlotte Leduc
Question N° 2928 au Ministère de la santé


Question soumise le 8 novembre 2022

Mme Charlotte Leduc alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur les pratiques de soins sans consentement, d'isolement et de contention dans le domaine de la psychiatrie. En effet, la réduction de ces pratiques est un des objectifs de la feuille de route « santé mentale et psychiatrie » en vigueur depuis plus de dix ans après la loi du 5 juillet 2011 modifiant les modalités de soins sans consentement en psychiatrie et cinq ans après la loi de modernisation de notre système de santé. Pourtant, une hausse sensible du recours aux soins sans consentement est constatée entre 2012 et 2021. Concernant les mesures d'isolement, elles sont en augmentation depuis 2018. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté n'a cessé d'alerter régulièrement sur le recours accru à ce type de prises en charge mais son avertissement n'a pas été pris en compte. Cet accroissement s'explique en partie par l'extension de la durée des soins psychiatriques sans consentement hors de l'hôpital, dans le cadre des programmes de soins et par l'augmentation du recours au mode d'admission pour péril imminent qui facilite l'admission dans un contexte d'urgence. Les études disponibles sur le sujet constatent que le recours à ce mode d'admission dépasse le cadre de la mesure d'exception initialement pensée par la loi de 2011. Le système français de santé psychiatrique agit donc de plus en plus souvent dans l'urgence, ne remplit plus ses objectifs de prévention, maltraite les individus qui lui sont confiés et bafoue les droits humains. Cela n'a rien d'étonnant. Si l'ensemble du système de santé est en grande difficulté ces dernières années du fait des politiques austéritaires absurdes qui se sont abattues sur l'hôpital public, la psychiatrie est le parent pauvre de la médecine dans le pays. Les moyens humains, matériels et financiers manquent tout simplement pour offrir une offre de soin digne et non contraignante aux patients relevant de la médecine psychiatrique. Les études montrent d'ailleurs que les personnes appartenant aux classes sociales les plus modestes sont surreprésentées dans la population faisant l'objet d'une mesure de soin sans consentement. La situation actuelle est donc inacceptable du point de vue du respect de la dignité des individus, de celui des libertés fondamentales et de l'égalité entre les êtres humains. Elle lui demande quelles mesures sont envisagées pour mettre fin à cette insoutenable violation des droits humains.

Réponse émise le 21 février 2023

Le consentement aux soins est un principe fondamental du droit de la santé. Cependant, l'une des manifestations de la maladie mentale peut être, pour la personne en souffrance, l'ignorance de sa pathologie et l'incapacité à formuler le besoin d'une prise en charge sanitaire. Ainsi, afin de garantir un accès aux soins aux personnes se trouvant dans cette situation, un dispositif d'encadrement rigoureux, des « soins psychiatriques sans consentement », conciliant tant le besoin de soins, la sécurité des patients et des tiers, que le respect des droits des personnes malades, a été conçu. Pour rappel, et selon le code de santé publique (CSP), une personne peut être hospitalisée en soins sans consentement à la demande d'un tiers, à la demande d'un représentant de l'Etat ou sur décision du directeur de l'établissement suite à un avis médical lorsque les troubles mentaux du patient rendent son consentement impossible et que son état nécessite des soins immédiats et une surveillance constante ou régulière.  Afin de garantir le respect des droits des patients, il est possible de saisir le juge des libertés et de la détention à tout moment de la procédure. Ce dernier dispose de la possibilité d'ordonner la mainlevée de la mesure de soins sans consentement (article L. 3211-12 du CSP).  Par ailleurs, la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) a pour rôle de garantir le respect des droits fondamentaux des usagers en soins psychiatriques. Parmi ses membres figure un représentant d'association agréée de familles de personnes atteintes de troubles mentaux » (article L. 3223-2 du CSP). Créées par la loi du 27 juin 1990 et renommées par la loi du 5 juillet 2011, les CDSP sont chargées d'examiner la situation des personnes admises en soins psychiatriques sans consentement au regard du respect des libertés individuelles et de la dignité des personnes et, en cas de besoin, elles peuvent notamment proposer au juge des libertés et de la détention d'ordonner la mainlevée de la mesure (article L. 3223-1 du CSP). De même, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) et ses équipes assurent le respect de la dignité des patients hospitalisés en soins sans consentement. Ils se rendent en effet dans les établissements concernés afin de s'assurer que les droits des patients sont respectés et rendent un rapport au Ministre qui prend acte des recommandations du CGLPL et y répond en collaboration avec l'agence régionale de santé et l'établissement. Cela permet donc d'améliorer les conditions d'hospitalisation de ces patients.  L'action 22 de la feuille de route santé mentale et psychiatrie officialisée en juin 2018 prévoit de réduire le recours aux soins sans consentement, à l'isolement et à la contention. Cette démarche s'inscrit dans le cadre d'une politique déterminée de prévention, de réduction et de contrôle des pratiques d'isolement et de contention, partagée au niveau européen. Elle s'est traduite en France par le déploiement depuis 2016, sous l'égide du Centre collaborateur de l'Organisation Mondiale de la Santé pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS) de Lille, de l'initiative de l'OMS Quality Rights, basée sur la convention des nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH), et par les travaux du comité de pilotage de la psychiatrie, qui ont permis d'engager un plan d'actions de réduction déterminée des mesures d'isolement, de contention et de soins sans consentement. Ce plan d'action validé par le comité national de pilotage de la psychiatrie comprend 4 axes : - améliorer la qualité des données qualitatives et quantitatives sur le recours aux soins sans consentement et les pratiques d'isolement et de contention ; - identifier et diffuser les bonnes pratiques de prévention et de gestion de crise à même de réduire de façon déterminée et significative le recours à l'isolement, à la contention et aux soins sans consentement ; - encourager et faire connaître les mesures améliorant le respect des droits des patients ; - créer et installer un observatoire des droits des patients en psychiatrie et santé mentale au sein du comité national de pilotage. Il est également à noter la publication par la haute autorité de santé (HAS) en mars 2021 d'un guide de bonnes pratiques professionnelles contenant près de 44 préconisations et des outils pratiques pour aider les professionnels à mettre en œuvre les programmes de soins sans consentement, afin d'en améliorer la qualité et la pertinence. Par ailleurs, dans le cadre de la réforme des autorisations, une mention "soins sans consentement" a été créée. Les établissements devront donc remplir les conditions techniques d'implantation et de fonctionnement afin d'être autorisés à dispenser des soins sans consentement au sein de leur structure. Ces conditions encadrent la prise en charge des patients en soins sans consentement, à travers notamment la nécessité de disposer a minima d'un espace d'apaisement, d'une chambre d'isolement individuelle comprenant le nécessaire (aération, disposition d'appel accessible, sanitaires, point d'eau, horloge, mobilier adapté), un espace d'accueil de l'entourage du patient et un espace extérieur sécurisé (Art D. 6124-265 du CSP). Enfin, le ministère de la santé et de la prévention mène une politique de réduction des pratiques d'isolement et de contention comme en témoigne l'Instruction n° DGOS/R4/DGS/SP4/2017/109 du 29 mars 2017 relative à la politique de réduction des pratiques d'isolement et de contention au sein des établissements de santé autorisés en psychiatrie et désignés par le directeur général de l'agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement. L'importance de celle-ci a été réaffirmée dans l'instruction N° DGOS/R4/2022/85 du 29 mars 2022 relative au cadre juridique des mesures d'isolement et de contention en psychiatrie et à la politique de réduction du recours aux pratiques d'isolement et de contention qui a accompagné la réforme du cadre juridique des mesures d'isolement et de contention de janvier 2022. En effet, ces pratiques sont des « pratiques de dernier recours » et ne doivent être utilisées que « pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui » comme le prévoit l'article L. 3222-5-1 du CSP. Une attention particulière est portée par les agences régionales de santé à la mise en œuvre effective de la politique de réduction de ces pratiques dans les établissements de santé.

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