M. Julien Odoul attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la pénurie de vétérinaires en milieu rural. Sur les 19 000 vétérinaires en France, seul un tiers a choisi d'exercer à la campagne. Des vétérinaires tirent aujourd'hui la sonnette d'alarme et dénoncent des conditions de travail épuisantes, où certains doivent parcourir environ 100km par jour pour faire une intervention dans une ferme du département. À titre d'exemple, dans l'Yonne, la situation est critique. Afin d'assurer une continuité des soins, des permanences sont assurées la nuit et les week-ends, toute l'année. De novembre à avril, c'est là que s'enchainent pour les quelques vétérinaires du département « les grosses journées d'hiver« . Ils dorment peu, sont appelés à tout moment de la nuit et interviennent sans relâche aux quatre coins du département. Au total, ce sont donc 230 fermes que les vétérinaires suivent, de Sens jusqu'à Marigny l'Eglise dans la Nièvre. Pour pallier la désertification vétérinaire, il faudrait actuellement une vingtaine de praticiens supplémentaires dans l'Yonne, un chiffre extrêmement préoccupant. La peur de voir sa vie sociale et de famille en pâtir est aussi l'une des préoccupations principales des stagiaires vétérinaires qui peuvent vite se retrouver découragé par le manque d'attractivité du métier en milieu rural. Dès lors, comment inciter les jeunes à travailler dans ce secteur quand le constat est aussi alarmant ? La passion du métier est évidente et fait tenir debout des milliers de vétérinaires, mais sur le long-terme cette situation peut s'avérer dramatique pour les éleveurs si tous les jeunes vétérinaires désertent la campagne au profit de la ville. Pour toutes ces raisons, M. le député souhaite savoir quelles mesures M. le ministre compte mettre en œuvre afin d'attirer les jeunes dans ce secteur et ainsi mettre fin à une énième désertification, la désertification vétérinaire.
Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire identifie clairement la désertification vétérinaire comme un enjeu majeur. Les vétérinaires travaillant en « rurale », c'est-à-dire auprès des animaux de rente, constituent un maillage indispensable à la surveillance des dangers sanitaires émergents, à l'intervention sanitaire d'urgence en cas de crises ainsi qu'au développement des élevages nécessaires à la souveraineté alimentaire. Depuis 2017, le ministère chargé de l'agriculture est engagé avec les professions agricole et vétérinaire dans une feuille de route pour le maintien des vétérinaires dans les territoires ruraux. De nombreux chantiers ont été engagés en faveur de l'ancrage territorial des vétérinaires avec un certain nombre de réalisations concrètes à la clé. Ainsi, en janvier 2022, un appel à manifestation d'intérêt (AMI) a été financé à hauteur de 295 000 euros (€) par le ministère chargé de l'agriculture et a été piloté par le conseil national de l'ordre des vétérinaires. Destiné aux territoires touchés par la désertification vétérinaire, il a permis de sélectionner 11 territoires pilotes afin de leur permettre d'être accompagnés dans la réalisation du diagnostic qualitatif et quantitatif de l'inadéquation entre l'offre et la demande de soins vétérinaires et l'identification des solutions adaptées à leurs spécificités locales. Ces travaux sont désormais terminés et le rapport final est attendu pour ce début d'année 2023. Avant la fin du 1er trimestre 2023, seront mis à disposition des acteurs territoriaux une méthodologie de diagnostic et une boîte à outil pour l'établissement d'un plan de lutte adapté et concret contre le délitement du maillage vétérinaire. Un territoire compris entre le Sud de l'Yonne et le Nord de la Nièvre a été retenu dans le cadre de cet AMI et a donc été directement accompagné pour mener à bien ses démarches de diagnostic et d'identification de solutions. Ce territoire est constitué par les communautés de communes suivantes : Jovinien, Puisaye-Forterre, Haut Nivernais Val d'Yonne, Tannay-Brinon-Corbigny et Morvan Sommets et Grands Lacs. Le travail a été localement porté par un tandem constitué de la chambre d'agriculture de l'Yonne et du conseil départemental de l'Yonne. La mobilisation dans ce territoire des collectivités territoriales, des organisations professionnelles vétérinaires et agricoles permet de travailler concrètement à l'attractivité et à la rétention des vétérinaires dans le territoire. Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent également contribuer à la lutte contre la désertification vétérinaire à travers l'octroi d'aides financières ou matérielles aux vétérinaires et aux étudiants s'engageant à exercer auprès des animaux d'élevage sur leur territoire. Cette aptitude a été introduite par la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière et ses textes d'application. Les aides allouées peuvent s'élever jusqu'à 60 000 € par an par bénéficiaire. Un guide à destination des collectivités a été récemment publié sur le site du ministère chargé de l'agriculture afin de leur permettre de se familiariser avec le dispositif. Par ailleurs, depuis 2021, une nouvelle voie post-bac permet le recrutement direct de 160 élèves. Avec un cursus en école nationale vétérinaire (ENV) de 6 ans au lieu de 7 ou 8 ans par les autres voies de recrutement, ils entreront plus précocement sur le marché du travail pour répondre aux besoins du secteur. Les profils ainsi sélectionnés illustrent une diversité tant sociale que géographique susceptible de favoriser un ancrage en milieu rural. Pour accompagner l'augmentation de 35 % des effectifs étudiants en ENV sur les 8 dernières années, les écoles nationales vétérinaires se voient renforcées dans leurs moyens humains et financiers. Enfin, la feuille de route sur le maillage englobe également des chantiers portant sur l'exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux ainsi que la prescription et la délivrance des médicaments vétérinaires (réforme du suivi sanitaire permanent en cours de finalisation, réforme de l'encadrement des groupements de producteurs agréés ayant-droit dérogataires du médicament vétérinaire, délégation d'actes aux auxiliaires spécialisés vétérinaires en 2023) et enfin un chantier, programmé en 2023, sur les missions, y comris leurs rémunérations, confiées par l'État aux vétérinaires sanitaires. Les objectifs sont d'adapter l'exercice de la profession aux évolutions des filières d'élevage et de la société, mais également de refonder le sens de la relation entre un éleveur et son vétérinaire.
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