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Ségolène Amiot
Question N° 2810 au Ministère de l’europe


Question soumise le 1er novembre 2022

Mme Ségolène Amiot alerte Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les notices Interpol abusives en provenance de pays autoritaires ou qui ne respectent pas les droits de l'homme. Mme la députée a été saisie par un citoyen franco-turc qui est visé par une notice bleue Interpol en provenance de la République de Turquie. Selon lui, cette notice a été émise à l'encontre de plusieurs citoyens turcs de façon abusive pour faire taire les opposants politiques établis dans tous les pays du globe. Mme la députée ne souhaite pas porter de jugement sur le bien-fondé de la notice concernant le citoyen en question mais souhaite simplement avoir une réaction de la part de Mme la ministre quant à l'absence de décision de la part de la France sur l'application ou la demande d'annulation de la présente notice. En effet, il est indiqué dans sa notice que le citoyen doit être interpellé et renvoyé en Turquie. Or il lui a été précisé par des services compétents français qu'il ne craignait rien en France. Le problème étant que le citoyen précédemment cité vit normalement dans un pays d'Amérique latine avec sa famille et ne peut y retourner sans crainte d'une interpellation étant donné la notice par laquelle il est visé depuis 2021. Bloqué en France depuis un an, il souhaite évidement retourner auprès de ses proches. Il a écrit au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, a saisi la commission de contrôle des fichiers d'Interpol pour demander l'annulation de la notice mais n'a toujours pas reçu de réponse. Mme la députée n'apprend pas à Mme la ministre qu'en 2021, la Turquie a été accusée d'utiliser le sommet d'Interpol pour réprimer les critiques du régime, en utilisant sa position d'hôte pour faire pression sur l'organisation, afin qu'elle arrête ses opposants politiques. Plusieurs citoyens turques ou binationaux turques, habitants à l'étranger, se sont vu visés par des notices Interpol en provenance d'Ankara. Selon le dernier rapport d'Amnesty : « Des responsables politiques d'opposition (...) ont fait l'objet d'enquêtes ou ont été poursuivis et condamnés sans le moindre élément de preuve ». Mais, de manière générale, les procédures d'Interpol sont opaques et sans contrôle ni des États, ni de la justice. Mme la députée souhaite que Mme la ministre se saisisse des dossiers de notices Interpol abusives en provenance de pays autoritaires ou qui ne respectent peu ou pas les droits de l'homme (on peut citer parmi les principaux émetteurs de notices rouges : les Émirats arabes unis, la Russie, la Chine, la Turquie, mais aussi l'Iran, l'Égypte, le Vénézuéla, l'Azerbaïdjan ou le Tadjikistan). Mme la ministre se doit de prendre une décision sur ces dossiers qui s'éternisent ; soit la France juge les personnes visées par des notices Interpol, soit la France saisit la Commission de contrôle des fichiers d'Interpol (CCF), organe de contrôle indépendant, afin de protéger les citoyens français. La France, patrie des droits de l'homme, qui abrite en son territoire à Lyon, le siège d'Interpol, doit faire en sorte, selon des avocats au barreau de Paris « que cette organisation (re)devienne ce pour quoi elle a été créée : une coopération consacrée à promouvoir et garantir la justice et non la répression politique, dans un ordre mondial globalisé, ce qui suppose un respect des règles du procès équitable, conformément aux standards internationaux. » La France ne peut être complice de répressions politiques. Mme la députée ne manquera pas de proposer à ses collègues commissaires aux affaires étrangères, une mission d'information sur le sujet afin d'étudier l'indépendance de l'organisation, dont l'élection de Ahmed Naser Al-Raisi, un général émirati accusé de torture, pose problème. Elle souhaite connaître sa position sur ce sujet.

Réponse émise le 13 décembre 2022

L'organisation internationale Interpol joue un rôle fondamental et essentiel pour renforcer la coopération internationale opérationnelle en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale, qui demeure une priorité de l'action internationale de la France. Un de ses nombreux moyens d'action repose sur l'émission de notices internationales, qui ont tant une vocation d'alerte que de demande d'assistance. Elles sont donc essentielles car elles permettent de diffuser des informations concernant des personnes recherchées pour des infractions graves, des personnes disparues, des personnes décédées non identifiées, des menaces potentielles, des évasions de détenus ou encore des modes opératoires criminels. Ces notices sont publiées au sein du Système d'information d'Interpol, base de données d'Interpol, à l'issue d'un contrôle de conformité qui vise, notamment, à s'assurer que l'enregistrement de chacune d'entre elles respecte la règlementation d'Interpol. Dès lors, une notice doit se conformer à l'article 3 du Statut d'Interpol, auquel la France est particulièrement attachée, qui dispose que « toute activité ou intervention dans des questions ou affaires présentant un caractère politique, militaire, religieux ou racial est rigoureusement interdite ». Il en va de même s'agissant de l'article 2 du Statut d'Interpol qui dispose que cette Organisation a pour but « d'assurer et de développer l'assistance réciproque la plus large de toutes les autorités de police criminelle, dans le cadre des lois existant dans les différents pays et dans l'esprit de la Déclaration universelle des droits de l'Homme ». État hôte d'Interpol depuis 1946, la France sait toute l'importance de préserver la coopération policière internationale de toute instrumentalisation à des fins politiques, afin d'assurer une lutte efficace contre les réseaux terroristes et criminels. D'après les éléments indiqués, il semble que le citoyen franco-turc mentionné fasse l'objet d'une notice rouge. En saisissant la Commission de contrôle des fichiers d'Interpol, ce citoyen a entrepris les démarches adéquates dès lors qu'il a estimé que cette notice n'était pas en conformité avec la règlementation d'Interpol. Conformément à l'article 3 c) de son statut, cette Commission indépendante pourra en effet, à l'issue d'un examen, se prononcer sur la nécessité de procéder ou non à un effacement de la notice. En 2021, la chambre des requêtes de la Commission de contrôle des fichiers d'Interpol a reçu 1 400 nouvelles requêtes de la part de plus de 1 600 demandeurs. Afin de lutter contre tout détournement de l'usage des notices d'Interpol, la France encourage le recours à l'article 29 paragraphe 1 du Statut de la Commission de contrôle des fichiers d'Interpol, et qui dispose que « toute personne ou entité est en droit de saisir directement la Commission d'une demande d'accès à des données la concernant, traitées dans le Système d'information d'Interpol, et/ou de rectification ou d'effacement de telles données ». C'est donc aux personnes ou entités concernées par ces données ou notices qu'il revient de saisir la Commission de contrôle des fichiers d'Interpol. La France, pour sa part, continuera de tenir son rôle en répondant à l'ensemble des demandes de la Commission de contrôle des fichiers d'Interpol, en conformité, notamment, avec l'article 34 de son Statut. La France ne peut pas intervenir dans le cours d'une procédure judiciaire mise en œuvre par un Etat étranger souverain, ni se prononcer sur le bien-fondé de cette procédure. Elle n'est pas non plus fondée à intervenir dans le cours des procédures mises en œuvre par la Commission de contrôle des fichiers d'Interpol, qui est une autorité indépendante au titre de l'article 4 de son Statut. L'article 5 paragraphe 3 de celui-ci précise à cet égard que les membres d'Interpol « doivent, dans les limites autorisées par leur législation nationale, veiller à ce qu'aucune autorité nationale se trouvant sur leur territoire n'intervienne dans les travaux de la Commission ou ne tente de prendre des décisions concernant [Interpol] sur des questions relevant de la compétence de la Commission ». Son article 11 paragraphe 2 précise par ailleurs que les membres de la Commission ne doivent pas « solliciter ni accepter d'instructions de personne ni d'aucune instance ou d'aucun gouvernement ». Il importe que cette Commission indépendante, qu'elle agisse au regard du cas particulier mentionné ou dans le cadre de tout autre examen, puisse agir sereinement et en conformité avec son Statut. Le respect par la France du principe de non-intervention dans la procédure est une condition nécessaire à ce que l'ensemble des membres d'Interpol - parmi lesquels plusieurs pays faisant l'objet de dialogues soutenus de la France en matière de respect des droits de l'Homme - le respectent également. Il en va de l'indépendance de la Commission dans l'exécution de son mandat, y compris concernant les demandes d'effacement de notices. A cet égard, la France salut la présence d'un juriste ayant une expertise dans le domaine des droits de l'Homme au sein de la Chambre des requêtes de la Commission. Souveraine pour l'examen des requêtes qu'elle reçoit, la Commission doit rendre une décision dans les neuf mois qui suivent la recevabilité d'une requête, délai nécessaire à une étude sereine et de qualité des différentes situations individuelles. Néanmoins, ni la suspension ni la suppression d'une notice rouge n'entraîne l'annulation du mandat d'arrêt ou de la décision judiciaire délivrés par les autorités judiciaires du pays à l'origine de la notice rouge. Dans un contexte de multiples soupçons de détournement des outils d'Interpol en mars 2022 par la Russie, la France rappelle qu'elle a salué la décision du Comité exécutif d'Interpol d'imposer, sur proposition de son Secrétaire général, des mesures de surveillance renforcée à l'encontre de la Russie, afin que tout recours, par la Russie, aux instruments d'Interpol - y compris l'émission de notices rouges - fasse l'objet d'une validation préalable du Secrétariat général d'Interpol. Il en va de l'efficacité de notre coopération policière internationale qui se doit de ne pas être instrumentalisée à des fins politiques.

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