Mme Karine Lebon attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la pénurie de médicaments qui touche la France et qui pourrait gravement affecter l'île de La Réunion. Depuis le début de l'année 2022, les ruptures d'approvisionnement des pharmacies ont doublé, passant de 6,5 % à 12,5 % du nombre de références. Cette situation est d'autant plus préoccupante lorsque l'Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM) prévient que les médicaments les plus touchés par cette pénurie sont « d'intérêt thérapeutique majeur ». À ce sujet, l'ANSM a tiré la sonnette d'alarme, le 23 septembre 2022, sur les fortes tensions d'approvisionnement portant sur une classe de traitements du diabète de type 2 (lié à l'obésité). Il n'existe, pour ce diabète, que deux médicaments sous brevet, qui sont désormais en pénurie. Mme la députée rappelle que La Réunion est le département français le plus touché par le diabète de type 2, avec une prévalence 2 fois supérieure à la moyenne nationale. Environ 8 % de la population totale de l'île souffre d'un diabète type 1 ou 2 et 16,2 % des Réunionnais sont en situation d'obésité. Mme la députée s'inquiète des lourdes conséquences que pourrait avoir cette pénurie sur la santé des Réunionnais. Ces médicaments d'intérêt thérapeutique majeur manquent d'alternatives : les possibilités de conditionnement sont peu variées et les générations les plus récentes n'ont pas encore de générique. Cette situation s'aggrave notamment lorsqu'on l'additionne à la tension sur le fret qui rend difficile l'approvisionnement des grossistes et des pharmaciens de l'Île. Cette pénurie est une des conséquences de l'invasion de l'Ukraine et révèle les limites de la délocalisation de la production de ces produits essentiels à la bonne santé des Français (boîtes en carton, flacons de verres, opercules en aluminium). Délocaliser, c'est être dépendant, la crise actuelle en est la preuve. Mme la députée interroge M. le ministre quant aux mesures qui seront prises pour lutter efficacement contre cette pénurie et pour le bon acheminement de ces médicaments sur l'île. Elle attire également l'attention sur la nécessaire généralisation de la production de médicaments, notamment ceux d'intérêt thérapeutique majeur, sur le territoire national et souhaite connaître les perspectives à ce sujet.
La précédente feuille de route 2019-2022 a marqué des avancées importantes dans la gestion des pénuries et des tensions d'approvisionnement de produits de santé, notamment en terme de nouvelles obligations imposées aux industriels (obligation de détention de stocks minimums), mais il nous faut désormais aller plus loin et poser les jalons d'une nouvelle stratégie en matière de prévention et de gestion des pénuries. Lors du comité de pilotage de la feuille de route de lutte contre les pénuries de produits de santé qui s'est déroulé en présence des ministres de la santé et de la prévention et de l'industrie le 2 février 2023, il a été acté le lancement d'une phase de co-construction avec l'ensemble des parties prenantes. Les travaux menés au second trimestre 2023 ont permis d'établir un certain nombre d'actions concrètes qui seront présentées dans une nouvelle feuille de route pluriannuelle. Parmi ces premières actions concrètes, nous pouvons évoquer dans un premier temps, la mise en place d'une première liste de médicaments essentiels, publiée le 13 juin 2023 qui a vocation à renforcer la surveillance en matière d'approvisionnements de médicaments via l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ainsi que le « Plan de sécurisation de la couverture des besoins en produits de santé au cours des pathologies hivernales » porté par l'ANSM et déployé depuis octobre 2023. Dans un second temps, dans le cadre du projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2024, trois mesures ont été proposées pour améliorer l'accès de nos concitoyens aux médicaments en cas de pénuries. Une première mesure, prévue à l'article 77 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, est destinée à prévenir les ruptures d'approvisionnement suite à l'arrêt de commercialisation de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur matures. Afin de faciliter la reprise de droits de production, le gouvernement propose de responsabiliser les entreprises détentrices ou exploitantes d'autorisation de mise sur le marché arrêtant la commercialisation de médicaments matures en les obligeant à mettre tous les moyens en œuvre pour trouver un repreneur. Cette mesure prévoit également la publication de la liste des médicaments thérapeutiques majeurs et renforce la capacité de régulation de cette liste par l'ANSM. Une seconde mesure, prévue à l'article 72, comporte deux volets : l'un portant sur la limitation de la vente directe entre les laboratoires pharmaceutiques et les officines et l'autre sur le renforcement des leviers d'épargne en cas de rupture d'approvisionnement (dispensation à l'unité obligatoire, obligation d'ordonnance conditionnelle au test rapide d'orientation diagnostique, limitation ou interdiction de télé-prescription). Ces mesures ont notamment vocation à faciliter la juste répartition des stocks sur le territoire et à amplifier les actions de bon usage du médicament en période de tensions en s'assurant que le médicament est prescrit à bon escient. Par ailleurs, une troisième mesure, prévue à l'article 71, permet d'élargir les dispositifs de productions alternatives aux spécialités pharmaceutiques (préparations spéciales). Ces préparations spéciales feront l'objet d'une coordination par l'établissement pharmaceutique de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris qui assurera l'approvisionnement en matières premières et la qualité de ces préparations. Très récemment, afin de fluidifier la chaîne de distribution de médicaments, une charte d'engagement collective et solidaire des acteurs de la chaîne pharmaceutique a été signée le 22 novembre 2023 entre l'ANSM et les différentes parties prenantes (pharmaciens, industriels, grossistes-répartiteurs, autorités). Enfin, comme les motifs des tensions ou des pénuries sont multifactoriels, il convient d'adopter une réponse globalisée à cette problématique. Ainsi, afin de palier à certaines fragilités industrielles observées pour certains médicaments (situations de monopoles sur un ou plusieurs maillons de la chaîne d'approvisionnement), le Gouvernement travaille à des projets de relocalisation de certains principes actifs ou chaînes de production sur des médicaments essentiels. Cette ambition de relocalisation fait d'ailleurs l'objet de nombreux échanges au niveau européen pour coordonner les actions entre les différents Etats membres.
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