Mme Laure Lavalette interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les nombreux refus d'instruction en famille qu'ont essuyé de nombreux parents lors de cette rentrée scolaire 2022. D'après les associations, ce sont près de 47 % des familles demandeuses qui ont dû faire face à une réponse défavorable à leur demande d'autorisation. Alors que l'instruction en famille était auparavant soumise à un simple régime de déclaration, la logique est désormais toute autre puisqu'au régime de la déclaration s'est substitué le régime de l'autorisation préalable d'instruction en famille selon l'article L. 131-2 du code de l'éducation. Beaucoup de familles ont donc fait des demandes d'instruction à domicile en justifiant d'un projet pédagogique très détaillé et suffisant. L'instruction en famille, il ne faut pas l'oublier, est un moyen pour certains de s'adapter à un souci de santé ou au handicap de leur enfant ou à la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives pour d'autres. Cette instruction peut également être une réponse à un éloignement géographique important. Mais il existe de nombreux autres cas devant justifier cette instruction, notamment celui du harcèlement scolaire ou de la phobie scolaire. Mais la liberté d'instruction à domicile demeure avant tout un mode de vie. Il y'a autant de façons de vivre l'instruction en famille que de familles qui la pratiquent et de nombreuses études y compris celles menées par le Gouvernement lors de sa mission flash sur l'IEF, indiquent que ce mode d'instruction se révèle dans la grande majorité des cas très bénéfique pour les enfants. Ce mode de vie permet, quelles que soient les spécificités de l'enfant, le respect de son rythme de vie, une socialisation à échelle humaine et donne, bien souvent, une confiance à l'enfant qu'il n'aurait pu développer dans le cadre de scolarisation « classique ». Le 15 octobre 2022, une tribune « plaidoyer pour la liberté d'instruire son enfant », dans le cadre de l'instruction en famille a réuni de nombreux acteurs professionnels ou associatifs de l'enfance et de l'éducation : psychologues, psychothérapeutes, docteurs en éducation, éducateurs, professeurs, orthophonistes, médecins, psychiatres... Tous font état d'un enjeu civilisationnel et évoquent l'intérêt supérieur de l'enfant. Car si l'obligation d'instruction est évidente, la possibilité pour l'enfant de s'instruire dans les conditions nécessaires à son bon développement et à une éducation sereine et efficace devrait l'être tout autant. Le Gouvernement semble pourtant limiter fortement cette possibilité puisque pour obtenir une autorisation d'instruction en famille, les parents ne peuvent évoquer que quatre motifs et notamment, celui de « l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant ». Cette notion d'existence propre à l'enfant, particulièrement floue et facilement soumise à interprétation, permet aux autorités compétentes de justifier de nombreux refus. Alors que les familles connaissent les besoins de leur enfant et ce qui est bon pour lui, laisser la décision au directeur académique des services de l'éducation nationale du département de résidence de l'enfant apparaît comme une véritable remise en cause des libertés. Elle lui demande donc ce qu'il entend faire pour toutes ces familles qui se sont vues refuser une autorisation d'instruction en famille et ce alors que la rentrée scolaire était déjà passée et s'il entend assouplir ce dispositif afin de retourner vers une véritable liberté d'instruction.
La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (dite loi CRPR) vise à garantir une plus grande protection des enfants et des jeunes, d'une part, en posant le principe de la scolarisation obligatoire dans un établissement scolaire public ou privé de l'ensemble des enfants soumis à l'obligation d'instruction (i.e. âgés de trois à seize ans) et, d'autre part, en substituant au régime de déclaration d'instruction dans la famille un régime d'autorisation. Ainsi, depuis la rentrée scolaire 2022, il ne peut être dérogé à cette obligation de scolarisation que sur autorisation préalable délivrée par les services académiques, pour des motifs tirés de la situation de l'enfant et limitativement définis par la loi, au nombre desquels figure l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif. Le Conseil d'État, dans sa décision n° 467550 du 13 décembre 2022, a indiqué que l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation d'instruction dans la famille fondée sur l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif « contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à cet enfant motivant, dans son intérêt, le projet d'instruction dans la famille et qu'il est justifié, d'une part, que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de cet enfant, d'autre part, de la capacité des personnes chargées de l'instruction de l'enfant à lui permettre d'acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire. » Il en résulte que les responsables légaux sollicitant une autorisation d'instruction dans la famille doivent justifier que le projet éducatif est conçu en fonction de la situation propre de leur enfant, laquelle doit être étayée, et adaptée à celle-ci, de telle manière que l'enfant puisse bénéficier d'un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire. Ainsi, il ne s'agit pas d'interdire sans discernement tous les dispositifs d'instruction dans la famille et de porter atteinte aux pratiques positives. La notion d'intérêt supérieur de l'enfant et le respect des droits de l'enfant, en particulier à une éducation complète, sont les critères principaux qui gouvernent l'ensemble du dispositif. S'agissant des données chiffrées relatives au nombre de refus d'autorisation, sur les 59 019 demandes d'autorisation instruites au 1er décembre 2022, 53 014 ont donné lieu à une autorisation, soit 89,8 % des demandes. Sur les 5 211 demandes instruites d'autorisation d'instruction dans la famille, effectuées au titre du motif 4°, 3 196 ont donné lieu à une autorisation, soit 61,3 % des demandes. En tout état de cause, en cas de décision de refus d'autorisation d'instruction dans la famille, les personnes responsables de l'enfant ont la possibilité de former un recours administratif préalable obligatoire devant une commission présidée par le recteur d'académie, laquelle est composée d'une équipe pluridisciplinaire qui pourra se prononcer aussi bien sur des aspects pédagogiques que médicaux dans l'intérêt de l'enfant. Ainsi, au 1er décembre 2022, sur les 2 775 recours administratifs préalables obligatoires instruits, 1 407 ont donné lieu à une autorisation d'instruction dans la famille, soit 50,7 % des demandes. Par conséquent, les recours administratifs préalables obligatoires représentent un levier d'harmonisation au niveau académique des décisions nées de l'instruction des demandes d'autorisation d'instruction dans la famille par les services départementaux de l'éducation nationale. Le Gouvernement entend bien garantir l'application de la loi CRPR dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant et de ses droits, notamment son droit à l'instruction. À cet égard, les services du ministère chargé de l'éducation nationale accompagnent les services académiques dans la mise en œuvre du nouveau régime d'autorisation d'instruction dans la famille.
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