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Jean-Hugues Ratenon
Question N° 2341 au Ministère de la santé


Question soumise le 18 octobre 2022

M. Jean-Hugues Ratenon alerte M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées sur santé sur la situation sanitaire délicate et inégalitaire à la Réunion. En 2019, 10 % des Réunionnais estiment être en mauvaise ou très mauvaise santé, contre 7 % de la population métropolitaine. À ce jour, ce département présente une augmentation de la mortalité due au papy-boom et une surmortalité infantile de 6,6 sur mille à La Réunion contre 3,5 sur mille en France Métropolitaine ; les troubles liés à l'alcoolisation foetale sont nettement plus fréquents à La Réunion. Pour pallier cela, plusieurs mesures ont été proposées mais force est de constater qu'il y'a inégalité de traitement, en défaveur de l'ile de Réunion. Premièrement, la question du coefficient géographique correctif des tarifs d'hospitalisation et forfaits a été abordée à plusieurs reprises. Cependant, ce dernier n'a pas été révisé depuis 2013, contrairement aux autres départements concernés. Il y a eu d'autres inégalités entre les différents territoires d'outre-mer. Par exemple, au titre de la mission d'intérêt général et d'aide à la contractualisation, pour la seule période 2017, les régions suivantes ont bénéficié d'une dotation par habitant de 103 euros pour la Martinique, la Guadeloupe et l'Île-de-France 133 euros, la Corse de 125 euros et la Guyane de 177 euros, alors qu'à la Réunion il serait seulement de 96 euros. Par ailleurs, dès le début de la crise covid et compte tenu de la situation de l'ile, il y a eu un réel apport financier de la part de l'État, à destination des CHU. Cela a permis quelques embauches. Néanmoins, la fin des financements a impliqué la suppression des postes créés, sans possibilité, pour les soignants, de renouveler leur contrat. Il apparaît évident que ces établissements de santé vont se retrouver en tension en matière de personnel. Aussi, la formation du personnel est également une préoccupation majeure : la question des terrains de stage est parfois mise en avant. Mais d'autres alternatives existent. Se pose ainsi l'adéquation entre état de santé de la population et l'évolution de la pyramide des âges d'une part et le nombre de professionnels de santé formés d'autre part. De plus, le vieillissement de la population va nécessiter une réflexion sur la qualité et la capacité d'accueil des personnes âgées réunionnaises mais aussi de leur accompagnement, en passant notamment par la construction de structures adéquates (EHPAD) et de maintien à domicile. Enfin, la santé mentale est un secteur particulièrement touché à la Réunion, encore plus que dans l'Hexagone. Certes, des engagements ont été pris avec l'octroi d'une aide de 3 millions d'euros pour l'ouverture d'une clinique psychiatrique dans l'Est. Toutefois, un rapport de 2018 fait état d'une sous dotation de 20 % inférieure à celle de la France Hexagonale. Il demande donc quelles seront les mesures qui vont être mises en place pour répondre à la situation sanitaire délicate et inégalitaire que traverse la Réunion surtout au moment où l'ile connaît ou va connaître des crises : la variole du singe, grippe aviaire, la dengue, la leptospirose et le covid. Des maladies qui feront de nouveaux ravages dans cette population déjà fragile.

Réponse émise le 17 janvier 2023

La situation sanitaire des Outre-mer se caractérise par des écarts avec la situation dans l'hexagone. Ainsi, si l'espérance de vie des concitoyens ultramarins se rapproche désormais de la moyenne nationale, d'autres facteurs, spécifiques à ces populations, expliquent un état de santé jugé moins satisfaisant, comme la persistance de situations de pauvreté et de précarité qui accentuent la vulnérabilité à la maladie ou l'impact inéluctable du vieillissement rapide de la population. Les actions de prévention et de promotion de la santé représentent dans ces territoires des enjeux majeurs et l'apport de réponses adaptées aux outre-mer est nécessaire. La stratégie nationale de santé 2018-2022, le plan national de santé publique et les projets régionaux de santé en constituent le cadre. Dans ce contexte, le livre Bleu Outre-mer lancé en juin 2018 après une large concertation a également fixé plusieurs priorités traduites dans de nombreuses mesures actuellement en cours d'application. Beaucoup d'ultramarins sont éloignés géographiquement de l'offre locale de soins, avec des difficultés accrues liées à l'isolement. Il est donc primordial de développer à côté de l'offre hospitalière une offre en proximité. Le développement des maisons et centres de santé, renforcé dans le cadre du plan d'égal accès aux soins dans les territoires, est encouragé et accompagné en Outre-mer. Entre le 31 décembre 2020 et 30 juin 2022, 4 maisons de santé pluri professionnelles ont été créées à La Réunion. Deux centres de santé pluri-professionnels y ont également été ouverts en 2021. Ces structures d'exercice coordonné ont vocation à faciliter l'accès aux soins dans ces territoires sous-denses et répondent de plus aux besoins de santé des populations défavorisées par leur pratique (obligatoire) du tiers-payant et du secteur 1. Elles sont particulièrement pertinentes pour garantir une prise en charge globale et continue des patients réunionnais. De plus, les nouveaux modes d'exercice offerts par ces structures sont particulièrement attractifs pour les professionnels, en particulier les jeunes générations (exercice plus collectif, possibilité de salariat…). Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) constituent par ailleurs un maillon important au regard de leurs missions socles, qui sont notamment de permettre l'accès de la population à un médecin traitant, d'assurer une offre de soins non programmée en ambulatoire et d'améliorer la coordination des parcours des publics vulnérables. Créées en 2016 par la loi de modernisation de notre système de santé, les CPTS constituent un dispositif souple à la main des professionnels qui veulent travailler ensemble pour répondre aux besoins de santé spécifiques d'un bassin de population. Sur l'île de La Réunion, 3 CPTS sont en fonctionnement, 3 sont en cours de création. Par ailleurs, pour pallier le manque de personnel sur certaines spécialités médicales (réanimation, anesthésie, obstétrique, néonatologie…), 6 postes d'assistants spécialistes ont été ouverts chaque année depuis 2019. La mesure permet de renforcer l'offre de soins à l'échelle locale, pour réduire les inégalités territoriales de santé. Elle encourage les praticiens à découvrir l'exercice en Outre-mer en leur proposant des contrats de court terme de 2 ans (avec une aide à la mobilité, au logement et un accompagnement au retour…). Le centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion a bénéficié d'un certain nombre de mesures annoncées par le niveau national à l'été 2017 pour accompagner financièrement l'établissement. Les opérations immobilières dans les champs sanitaire comme médicosocial des 8 dernières années ont permis des avancées significatives par une meilleure réponse quantitative et qualitative aux besoins. Ainsi, ont pu être menées à bien l'ouverture du nouveau bâtiment médico-chirurgical du site sud du CHU, la dernière phase de restructuration de l'existant (secteur des urgences) étant encore en cours, et la construction d'un bâtiment soins critiques sur le site nord du CHU (sans financement Etat) qui a permis notamment l'ouverture effective de 8 lits supplémentaires dont 4 lits de réanimation. Le prochain projet du CHU est la reconstruction totale du pôle femme-mère-enfant sur le site nord du CHU pour 97,5 M€. Le site de Cilaos, rattaché au CHU, a été labellisé « hôpital de proximité » en 2022, permettant de développer l'accès aux soins sur cette partie de l'île difficile d'accès, en soutenant financièrement une offre de proximité. Par ailleurs, La Réunion voit également se déployer des projets innovants en matière de télésanté, portés par le CHU en lien avec d'autres acteurs du territoire. Pour exemple, l'agence régionale de santé a accompagné des projets de télémédecine au sein des EHPAD. S'agissant du coefficient géographique, identifié comme un sujet à fort enjeu de soutenabilité financière pour les établissements de santé d'Outre-mer, il convient de rappeler que La Réunion bénéficie aujourd'hui, avec la Guyane, du niveau le plus élevé parmi les territoires concernés. Des travaux sont actuellement engagés avec la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques chargée de proposer une méthodologie d'objectivation robuste et d'évaluer le niveau adéquat des coefficients géographiques. S'agissant des missions d'intérêt général et de l'aide à la contractualisation, un rapport du Gouvernement remis l'année dernière aux parlementaires fait état des financements octroyés aux établissements d'Outre-mer. Pour ce qui concerne la psychiatrie, dans le cadre des deux appels à projets – le fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie (FIOP) et l'appel à projet relatif au renforcement de l'offre en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (AAP enfants et adolescents) - créés en 2019 et renouvelés chaque année, plusieurs projets ont été financés à La Réunion pour renforcer spécifique l'offre de soins en psychiatrie sur ce territoire : - un projet d'équipe de liaison de psychiatrie enfants et adolescents à destination des structures de l'aide sociale à l'enfance, de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'éducation nationale a été financé en 2019 à hauteur de 276 500€ ; - un projet d'extension de 4 lits de l'unité régionale de soins intensifs pour une prise en charge des 16-18 ans porté par l'établissement public de santé mentale de La Réunion (EPSMR) a été financé à hauteur de 468 641 € en 2020 ; - un projet de renfort des capacités d'intervention à domicile et de proximité des unités mobiles psychiatrie précarité - UMPP : unités médico psycho-périnatalité de l'Ouest, du nord et de l'est de la Réunion porté par l'EPSMR a été financé à hauteur de 500 000 € en 2021 ; - un projet d'unité d'hospitalisation temps plein conjointe parents bébé a été financé pour le CHU de La Réunion à hauteur de 800 000 €, dans le cadre des 10 M€ dédiés aux 1 000 jours (mesure 10 Assises de la psychiatrie). Enfin, le ministère de la santé et de la prévention a pris plusieurs mesures de renforcement de l'offre suite aux assises de la psychiatrie : - renforcement des centres de psychotraumatisme enfants et adolescents : 100 000 € (ONDAM 2022) ; - renforcement des centres médico-psychologiques (CMP) pour adultes et des CMP enfants-adolescents : 260 500 € (ONDAM 2022) ; - développement des équipes mobiles de psychiatrie de la personne âgée dans les EHPAD : 60 000 € (ONDAM 2022) ; - renforcement des soins somatiques pour les patients souffrant de troubles psychiques : 62 600 € (ONDAM 2022) ; - renforcement des maisons des adolescents : 77 100 € ; - dispositif de « lits à la demande » : 245 000 €. La Réunion a également bénéficié de 245 300 € pour accompagner la réforme du cadre juridique des mesures d'isolement et de contention. Enfin, une démarche visant à faire évoluer les capacités d'accueil et les modalités de prise en charge des personnes âgées est mise en œuvre en lien avec l'évolution démographique à La Réunion et le constat d'un vieillissement accéléré de la population. Un plan de rattrapage de l'offre médico-sociale à destination des personnes âgées a notamment été initié par l'Etat dans le cadre du Ségur de la santé au profit des territoires ultramarins et de la Corse. L'agence régionale de santé (ARS) de La Réunion dispose ainsi d'une enveloppe d'aide à l'investissement de 22,5 M€ qui a permis la sélection de 6 projets en collaboration avec le conseil départemental. Les projets portent sur la création de places en EHPAD afin de corriger un taux d'équipement régional qui reste insuffisant, la rénovation des structures existantes avec une exigence de diversification des modalités d'accueil, l'amélioration des conditions de vie des résidents et l'ouverture sur l'extérieur. Elle s'attache notamment également en lien avec le conseil départemental à développer les petites unités de vie. Le maintien à domicile correspondant au choix majoritaire de la population âgée dépendante, le développement de l'offre de services à domicile (SSIAD renforcés) et de solutions innovantes d'accompagnement au domicile constitue une priorité pour l'ARS de La Réunion qui déploie une stratégie de soutien aux aidants. Un autre axe essentiel porte sur le développement de la prévention et du repérage des fragilités.

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