M. Philippe Lottiaux attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'avenir de la filière du chanvre cannabidiol. L'arrêté ministériel du 31 décembre 2021 a interdit la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes à fumer ou en tisane, impactant par la même toute la filière du chanvre en France. Sont ainsi seulement autorisées « la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale des seules variétés de Cannabis sativa L. , dont la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol n'est pas supérieure à 0,30 %. ». Le vente de produits transformés issus du chanvre est ainsi autorisée mais elle est en revanche interdite pour le grand public, tout comme celles des fleurs et feuilles. Cette situation, jointe au taux très bas de THC autorisé, met en péril une filière en pleine expansion et créatrice de nombreux emplois. Le Conseil d'État a toutefois suspendu cet arrêté le 24 janvier 2022, dans l'attente d'une décision de fond. Il faut rappeler que le CBD (cannabidiol) est une molécule non psychotrope du cannabis. Même si le débat sur son utilisation est encore pollué par la lutte contre les trafics et l'usage du cannabis, il n'est pas classé comme une drogue au niveau international. En juin 2021, la Cour de cassation avait jugé légale la commercialisation du CBD dans sa forme issue de la plante de la variété « chanvre », mais le statut des fleurs en elles-mêmes n'avait pas été éclairci. Ella avait aussi rappelé que les fleurs produites légalement dans un pays européen ne peuvent être interdites en France. Ces revirements placent la filière dans une grande incertitude. Or le chanvre est en pleine expansion en France et en Europe. Sa production se développe dans plusieurs régions, notamment en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Le chiffre d'affaires du secteur est estimé à 700 millions d'euros. Son usage thérapeutique, dès lors que le taux de THC reste résiduel, est reconnu depuis de nombreuses années pour soigner toute une série de pathologies. De nombreux pays européens l'autorisent ainsi. Preuve de son innocuité, 200 centres hospitaliers ont été récemment autorisés par le Gouvernement à expérimenter l'usage du CBD thérapeutique. Ce flou juridique est extrêmement néfaste pour la filière. Le marché est ainsi envahi de produits étrangers, légaux ou illégaux, souvent de mauvaise qualité. Cette situation est difficilement compréhensible pour les professionnels du secteur alors même que cette filière est créatrice d'emplois et qu'elle est une voie de diversification agricole. Il lui demande si, à l'issue du jugement du Conseil d'État, le Gouvernement envisage d'adopter une position moins restrictive afin de conforter le développement de la filière.
A titre liminaire, il convient de préciser que la réglementation posée par l'arrêté porte notamment sur les sommités fleuries qui, selon les termes de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, sont soumises au régime de restriction élaboré dans un but de lutte contre les stupéfiants. Le cannabis, la fleur et la résine de cannabis, ainsi que les extraits et teintures de cannabis restent inscrits au tableau 11 qui liste les stupéfiants avec les conséquences que cela comporte, indépendamment des effets psychotropes que la consommation de cannabis peut entrainer. Si la Convention unique exclut de son régime répressif « la culture de la plante de cannabis exclusivement à des fins industrielles (fibres et graines) ou pour des buts horticulturaux », les sommités florales restent soumises aux restriction et surveillance décrites par la Convention. La législation française, qui s'inscrit dans un cadre général de lutte contre les stupéfiants et plus particulièrement contre le cannabis, découle de ces conventions internationales que la France a ratifiées. Ainsi, l'article R. 5132-86 du code de la santé publique, dispose que « La culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale de variétés de cannabis dépourvues de propriétés stupéfiantes ou de produits contenant de telles variétés peuvent être autorisées, sur proposition du directeur général de l'agence, par arrêté des ministres chargés de l'agriculture, des douanes, de l'industrie et de la santé ». En application de cet article, l'arrêté du 30 décembre 2021 réglemente la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle de la plante Cannabis Sativa L. disposant d'un taux de THC inférieur ou égal à 0,3 %, et prévoit à ce titre, d'une part, que cette plante ne peut être issue que de semences certifiées et produites uniquement par des agriculteurs « actifs » au sens de la réglementation européenne et internationale et d'autre part, que les fleurs et les feuilles brutes ne peuvent être récoltées, importées ou utilisées que pour la production industrielle d'extraits de chanvre et qu'en conséquence, la vente aux consommateurs, la détention et la consommation par ces derniers des feuilles et des fleurs sont interdites. Le nouvel arrêté permet, par rapport à celui du 22 août 1990 abrogé, outre l'augmentation du taux de THC contenu dans la plante à 0,3 %, la culture de toutes les plantes visées par le catalogue européen, l'exploitation de l'intégralité de la plante et non uniquement de la fibre et des graines (alors que les fleurs et les feuilles étaient auparavant détruites par le producteur), tout en précisant que les fleurs et feuilles ne peuvent être utilisées que dans le seul but de production industrielle d'extraits de chanvre. Il en résulte en particulier que la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d'autres ingrédients, notamment comme produits à fumer, tisanes ou pots-pourris, leur détention par les consommateurs et leur consommation sont interdites. Cette interdiction est justifiée à titre principal par des motifs de santé. Outre une teneur en THC plus importante dans les fleurs et les feuilles brutes qui les rapproche des stupéfiants, les risques liés à la voie fumée sont établis ; en particulier, de nombreux éléments cancérigènes proviennent de la combustion des substances organiques. En outre, s'il subsiste à ce jour des incertitudes sur les effets pour la santé de la consommation de produits à base de CBD, des études scientifiques ont montré que le CBD agissait au niveau du cerveau sur les récepteurs à la dopamine et à la sérotonine en faisant ainsi un produit psychoactif à part entière. Sa consommation peut donc avoir des effets psychoactifs, de sédation et de somnolence. Chez l'homme, des interactions entre le CBD et des médicaments de type anti-épileptiques, anticoagulants, ou immunosuppresseurs ont été mises en évidence. De ce fait, des traitements médicamenteux, notamment pour certaines pathologies, pourraient être impactés à cause des interactions méconnues avec le CBD. Par ailleurs, cette interdiction est justifiée par des motifs d'ordre public, dans la mesure où, pour préserver la capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure de lutter contre les stupéfiants, celles-ci doivent pouvoir discriminer simplement les produits, afin de déterminer s'ils relèvent ou non de la politique pénale de lutte contre les stupéfiants. Comme précédemment indiqué, les fleurs et les feuilles brutes comportent, par rapport à la plante, une teneur en THC plus importante et difficilement contrôlable en amont de leur commercialisation. Le Gouvernement entend ainsi poursuivre avec détermination les objectifs qu'il a fixés dans le plan national de lutte contre les stupéfiants, présenté en septembre 2019 et renforcés lors du comité interministériel de lutte contre les stupéfiants en mai 2021. Par décision du Conseil d'Etat du 24 janvier 2022, l'exécution des dispositions du premier alinéa du II de l'article 1er de l'arrêté du 30 décembre 2021 est suspendue jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se prononce définitivement au fond sur la légalité de l'arrêté contesté. Les autorités françaises maintiennent dans ce cadre leur position quant à la réglementation applicable à la culture, à l'importation et à l'utilisation du chanvre par l'arrêté du 30 décembre 2021.
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