Mme Marie-Pierre Rixain attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur la fiscalité des pensions alimentaires. Le paiement effectif et régulier des pensions alimentaires constitue un enjeu de justice sociale et de lutte contre la précarité des familles monoparentales en ce qu'elles représentent, en moyenne, 18 % des ressources des familles qui la perçoivent. Pour rappel, près d'une famille monoparentale sur trois est victime d'impayés de pensions alimentaires. Une donnée qui contribue à la perte de pouvoir d'achat des familles monoparentales, déjà très défavorisées par la séparation : la perte de niveau de vie directement imputable à la rupture est de l'ordre de 20 % pour les femmes et de 3 % pour les hommes. Dans ce contexte, l'automatisation du dispositif d'intermédiation de l'Aripa, voté par le précédent Parlement et mis en place depuis le 1er mars 2022, permet d'endiguer ce phénomène et assure à chaque enfant le bénéfice de son dû. Cela étant, demeure une profonde inégalité liée au régime fiscal des pensions alimentaires. En effet, jusqu'à la majorité des enfants, le conjoint débiteur peut déduire le montant de la pension alimentaire qu'il verse de ses revenus imposables. L'économie d'impôt est alors proportionnelle à son niveau d'imposition. En revanche, le montant de la pension alimentaire reçue par le conjoint créditeur est intégré à ses revenus imposables ; ce qui peut avoir une conséquence directe sur son niveau d'imposition. De même, cela peut lui faire perdre le bénéfice de certaines prestations sociales comme l'aide au logement ou la prime d'activité. Alors que l'iniquité de ce régime fiscal est largement documentée, le Conseil d'État, le 5 juillet 2021, a étendu le bénéfice de ce régime aux dépenses directement prises en charge par le père comme le paiement des frais de scolarité et des activités extrascolaires. Ce régime semble dévoyer la nature de la pension alimentaire : il n'est pas un revenu d'appoint pour le conjoint créditeur mais le juste concours du conjoint débiteur à l'entretien de ses enfants comme il le ferait s'il n'était pas séparé. Ce traitement fiscal est d'ailleurs quasi spécifique à la France ; dans les européens voisins, la pension alimentaire n'est ni déductible pour celui qui la verse, ni imposable pour celui qui la reçoit. Ainsi, le régime fiscal des pensions alimentaires apparaît comme une faveur fiscale doublement discutable : au regard des époux mariés pour lesquels la déduction des frais d'entretien des enfants est impossible ; au regard du conjoint créditeur qui est taxé sur une pension qui ne constitue pas un enrichissement. Aussi, elle lui demande quelle évolution fiscale il envisage afin de s'assurer que l'intégralité de la pension alimentaire puisse revenir à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.
Conformément au 2° du II de l'article 156 du CGI, le débiteur de la pension alimentaire résultant de l'obligation civile de contribution à l'entretien et à l'éducation d'un enfant peut déduire la somme effectivement versée de son revenu imposable. Corrélativement, la pension perçue, en nature ou en numéraire, est imposable chez le bénéficiaire, conformément aux principes généraux de l'impôt sur le revenu selon lesquels sont inclus dans le revenu global servant de base à l'impôt l'ensemble des pensions ainsi que tous les avantages en argent ou en nature dont le contribuable dispose au cours de l'année. Ce traitement fiscal des pensions alimentaires est conforme aux règles d'imposition des revenus des personnes physiques et permet d'appréhender les facultés contributives du débiteur et du bénéficiaire de la pension. Les évolutions suggérées soulèvent par ailleurs de sérieuses difficultés juridiques, en particulier au regard du principe d'égalité devant les charges publiques. En premier lieu, elles créeraient une rupture d'égalité entre les parents supportant seuls la charge d'un enfant selon l'origine de leurs revenus : le parent non titulaire d'une pension qui supporte également seul la charge d'un enfant serait, à revenu équivalent, imposé, pour sa part, sur l'ensemble de ses revenus. En deuxième lieu, elles créeraient une rupture d'égalité entre le parent créancier, qui bénéficierait à la fois de la majoration de quotient familial (QF) et de l'exonération de la pension reçue, et le parent débiteur, qui ne pourrait ni déduire la pension ni bénéficier de la majoration de QF. La situation de famille du débiteur ne serait, de ce fait, prise en compte d'aucune manière, ce qui serait manifestement contraire au principe d'égalité devant les charges publiques. En dernier lieu, le cumul de la majoration de QF et de l'exonération de la pension alimentaire conférerait au parent créancier un cumul d'avantages injustifié, tandis que la charge que le débiteur supporte effectivement pour l'éducation et l'entretien de ses enfants mineurs ne serait prise en compte que partiellement, voire pas du tout, dans l'appréciation de ses facultés contributives. Ce dernier subirait ainsi une hausse importante d'impôt sur le revenu du fait du caractère non déductible de la pension versée.
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