Mme Aurélie Trouvé interroge M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger, sur la perspective de signature d'un accord de libre-échange et d'investissement entre l'Union européenne et le Mexique. Négocié dans l'opacité la plus totale, l'accord UE-Mexique, qui a été conclu en avril 2020, en pleine pandémie, va approfondir la libéralisation du commerce, ouvrir de nouveaux marchés et donner de nouveaux droits aux entreprises multinationales, à rebours de ce qui serait nécessaire pour faire face aux crises sanitaires, sociales, économiques et écologiques que le pays connaît. S'il devait être ratifié, cet accord remplacerait l'accord UE-Mexique actuellement en vigueur depuis l'an 2000, sans en régler les aspects problématiques. L'accord entre l'UE et le Mexique de l'an 2000 avait déjà libéralisé les échanges entre les deux régions : 5 % de l'ensemble des exportations mexicaines sont à destination de l'UE (essentiellement l'Allemagne) tandis que le Mexique est le deuxième partenaire commercial de l'UE en Amérique latine. Le nouvel accord va lever les barrières tarifaires pour 99 % des produits échangés entre l'UE et le Mexique. Les exportations de riz, de viande, de sucre du Mexique vers l'UE pourraient exploser, tandis que celles de l'UE vers le Mexique, comme pour les produits laitiers (+ 462 %) le bœuf (+ 660 %) et le sucre (+ 1245 %) pourraient en faire autant. Le texte comprend notamment un quota de 20 000 tonnes supplémentaires de bœuf qui pourraient être importées en Europe du Mexique. Cet accord lèverait également de nombreuses barrières commerciales non tarifaires ; il ouvrira de plus les marchés publics des collectivités territoriales mexicaines aux entreprises européennes. La Commission européenne se targue d'avoir obtenu, pour la première fois, que le Mexique accorde à des entreprises étrangères l'accès à ses marchés publics nationaux, territoriaux et locaux. Les conséquences pourraient être graves au Mexique où les inégalités socio-territoriales sont particulièrement profondes : privatisation des services publics, perte d'emplois, etc. Cet accord UE-Mexique est également le premier accord avec un État latino-américain qui prévoit un chapitre sur l'investissement comportant un volet substantiel et un volet procédural, qui met en place la possibilité de règlement des différends (RDIE - ISDS en anglais) par voie d'arbitrage. La Commission européenne souhaite court-circuiter la ratification nationale, qui allonge énormément le processus (le CETA, accord UE-Canada n'est toujours pas pleinement ratifié), en « divisant » l'accord en deux pour que la partie commerce ne soit ratifiée qu'au niveau européen et pas au niveau national. Elle lui demande quelle est la position de la France sur cet accord et le processus de ratification.
L'Union Européenne et le Mexique sont liés par un accord de commerce en vigueur depuis 2000. En 2016, la Commission européenne et le Mexique ont entrepris des négociations visant à le moderniser. Celles-ci se sont achevées en 2020 sur un projet d'accord, qui doit encore passer par une phase de toilettage juridique puis de traduction, avant d'être présenté au Conseil. Le Gouvernement évaluera alors ce projet d'accord en détail en vue de sa présentation au Conseil. La modernisation de cet accord participera – au même titre que d'autres accords – à notre objectif de diversification de nos approvisionnements et de nos débouchés, nécessaire dans le contexte actuel de fortes tensions sur nos chaines de valeur. Au plan économique, alors que la France dispose déjà d'un excédent commercial significatif avec le Mexique (935 M€ en 2021), cet accord modernisé permettra d'ouvrir des débouchés pour nos entreprises dans des secteurs comme les textiles, les cosmétiques, les équipements de transports et les marchés publics. Sur le volet agricole, cet accord prévoit la protection de 75 indications géographiques françaises ainsi que la suppression de droits de douanes mexicains sur les produits laitiers, la viande de volaille, les produits à base de porc ou encore les pommes. S'agissant de nos intérêts défensifs, le contingent accordé au Mexique en matière de viande bovine reste limité à 0,3% de la production européenne et est soumis à un droit intra-contingentaire de 7,5%. Il est par ailleurs segmenté entre 10 000 tonnes de viande et 10 000 tonnes d'abats, limitant la concurrence directe avec nos produits. Par ailleurs, sur le plan du développement durable, le projet d'accord inclut des clauses environnementales ambitieuses, tel que l'engagement de mise en œuvre effective de l'Accord de Paris et la mention explicite du principe de précaution. Le projet d'accord comprend également des engagements bilatéraux sur la gestion durable de la pêche et des forêts, la conservation de la biodiversité et la lutte contre le commerce illégal des espèces en voie de disparition. Il permettra également de renforcer la coopération et le dialogue avec le Mexique sur les droits du travail, la lutte contre la corruption, et les droits de l'Homme, en établissant un cadre de travail bilatéral consacré à ces enjeux. Il engagera à la mise en oeuvre des principes fondamentaux de l'Organisation internationale du travail et encouragera la ratification de ses conventions fondamentales. S'agissant de la protection des investissements, le projet d'accord ne renvoie pas aux mécanismes classiques d'arbitrage entre Etats et investisseurs. Il reflète l'approche défendue par l'Union européenne, puisqu'il prévoit la mise en place, dans l'attente d'un tribunal multilatéral, d'un mécanisme juridictionnel bilatéral doté d'un mécanisme d'appel, où siègeront des juges permanents désignés et rémunérés par les parties à l'accord et qui devront se plier à des règles déontologiques strictes. Les standards de protection des investissements seront par ailleurs mieux définis et le droit à réguler des Etats, notamment dans le domaine de la lutte contre le changement climatique, sera renforcé. Enfin, les détails sur la forme juridique que prendra ce projet d'accord sont en cours d'analyse avec la Commission européenne. Le Gouvernement étudiera les propositions qui seront faites, en veillant au respect de la répartition des compétences entre les Etats membres et l'Union européenne.
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