Mme Marie-Pierre Rixain appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les objectifs de la France en matière d'agriculture biologique. Au cours de la dernière décennie, l'agriculture biologique a connu, en France, un changement d'échelle : entre 2010 et 2021, sous l'impulsion des politiques publiques et en conformité avec l'aspiration des concitoyens à manger et produire mieux, la part du bio dans la surface agricole totale est passée de 3 à 10 %. Alors que les bénéfices de l'agriculture biologique ne sont plus à prouver, tant en matière de santé que d'environnement, et que son développement reste le meilleur moyen de réussir la transition agro-environnementale, dans son rapport de juin 2022, la Cour des comptes alerte sur l'insuffisance de la politique française de soutien à l'agriculture biologique : depuis 2010, les programmes d'action successifs n'ont pas permis d'atteindre les objectifs de 15 % des terres agricoles en bio et de 20 % de bio dans les cantines publiques en 2022. La Cour des comptes identifie trois problématiques principales. D'abord, des moyens financiers insuffisants, malgré une réévaluation des aides favorisant les conversions, qui peinent à répondre à l'afflux d'agriculteurs candidats, puisque plus d'un quart des agriculteurs bio n'en reçoivent pas. Ensuite, le défaut d'information du consommateur face à la multiplication de labels qui ne se valent pas et qui sont parfois trompeurs. Enfin, le manque de données sur l'évolution des prix afin de comprendre les changements du marché. Aussi, elle l'interroge sur les mesures qu'entend prendre son ministère afin que la France puisse atteindre ses objectifs en matière d'agriculture biologique et de transition agro-écologique.
Le secteur biologique a connu, entre 2015 et 2020, un développement historique qui a permis d'atteindre, selon les chiffres de l'Agence Bio, près de 2,8 millions d'hectares cultivés selon le mode de production biologique, soit 10,34 % de la surface agricole utile (SAU) française, plaçant la France à la première place européenne en matière de surface agricole bio. La consommation des produits issus de l'agriculture biologique a également doublé en cinq ans, atteignant aujourd'hui un marché de plus de 13 milliards d'euros. Cette dynamique a été soutenue par l'État, depuis plus de quinze ans par une succession de programmes d'action nationaux, élaborés avec l'ensemble des acteurs du secteur. Ils fixent des objectifs ambitieux pour le développement du secteur et coordonnent l'action de l'ensemble des parties prenantes. Le programme Ambition bio 2022, actuellement en vigueur, détaille ainsi les actions à mener pour développer la production et la consommation biologiques, former les acteurs, promouvoir la recherche et améliorer la réglementation en France métropolitaine comme dans les outre-mer. Ce programme bénéficie de trois outils financiers majeurs : l'aide à la conversion à l'agriculture biologique de la politique agricole commune (PAC), le fonds « Avenir Bio » géré par l'Agence Bio, et le crédit d'impôt bio qui ont tous été renforcés ces dernières années, pour accompagner au mieux le secteur dans son développement. Néanmoins, le secteur biologique français arrive structurellement, dans une nouvelle étape de son développement après la période de croissance très soutenue de ces dernières années. La production biologique a changé d'échelle et atteint un palier qui doit mener vers de nouveaux relais de croissance. Une attention particulière doit donc être portée à la consolidation et la pérennisation des filières biologiques et à la création de nouveaux débouchés, afin de poursuivre un développement harmonieux de l'offre et de la demande. De manière conjoncturelle, la pandémie du covid-19 et la guerre en Ukraine ont modifié la consommation alimentaire nationale (- 2,21 % de consommation en 2021 et - 1,7 % au premier trimestre 2022, selon l'institut national de la statistique et des études économiques) avec des impacts directs sur la consommation des produits biologiques. Malgré ce contexte perturbé, le Gouvernement continue d'encourager le développement durable du secteur biologique pour les années à venir, dans la mesure où il répond aux enjeux sociétaux actuels tels que la souveraineté alimentaire, la préservation de l'environnement et de la santé humaine et la juste répartition de la valeur. Ainsi, le plan stratégique national (PSN) de la PAC fixe l'objectif de 18 % de SAU bio à horizon 2027. 340 millions d'euros (M€) par an en moyenne seront consacrés à l'aide à la conversion à l'agriculture biologique, représentant ainsi une augmentation de 36 % de l'effort financier public dédié à l'agriculture biologique sur le second pilier de la PAC. Ces aides sont ouvertes à tous les exploitants biologiques et aucune sélection n'est appliquée au moment de l'attribution de ces aides. Le crédit d'impôt bio a également été prolongé jusqu'en 2025, et porté de 3 500 euros (€) à 4 500 € par an à compter du 1er janvier 2023. Enfin, le fonds de structuration des filières biologiques (fonds Avenir bio), géré par l'Agence Bio, a été porté à 13 M€ par an dans le cadre du plan de relance pour 2021 et 2022. De plus, il existe plusieurs leviers et outils favorables à la reprise de la consommation de produits biologiques. La loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable et accessible à tous dite « EGALIM » du 30 octobre 2018 et la loi dite « Climat et Résilience » du 22 août 2021 ont fixé des objectifs ambitieux en matière d'introduction de produits biologiques en restauration collective publique (20 % en 2022) et privée (20 % en 2024). Dans ce contexte, le plan de relance a dédié 50 M€ au soutien des cantines scolaires des petites communes pour financer les investissements et les formations nécessaires à l'atteinte de ces objectifs. Par ailleurs, une enveloppe de 80 M€ du plan de relance a permis de soutenir 176 projets alimentaires territoriaux émergents et plus de 650 actions opérationnelles. Concernant la consommation des ménages, l'État a contribué à hauteur de 500 000 € à une campagne exceptionnelle de promotion du bio, lancée en mai 2022 par l'Agence Bio, dans le cadre du Printemps Bio 2022. Cette campagne, élaborée avec et reprise par huit interprofessions, vise à stimuler le « bioréflexe » chez les consommateurs en rappelant les garanties associées au mode de production biologique. En matière de production de données, l'appareil statistique public sur l'agriculture améliore régulièrement la couverture de l'agriculture biologique et des progrès importants ont été faits ces dernières années. Ainsi, le suivi de prix de produits biologiques par FranceAgriMer s'est étendu et l'observatoire des prix et des marges dispose, depuis 2019, d'un comité sur les filières biologiques qui vise à décliner la méthode appliquée aux filières conventionnelles. L'Agence Bio a procédé à la refonte du système d'information de la bio, dans l'objectif de faciliter les flux de données entre administrations. Ces travaux récents seront poursuivis, malgré les difficultés évidentes du recueil des données auprès des acteurs professionnels des filières biologiques. Afin de mobiliser le secteur dans une projection à moyen terme, l'élaboration du prochain programme Ambition bio 2023-2027 fera l'objet d'une concertation avec les acteurs du secteur bio afin de déterminer les actions prioritaires, les moyens associés et les structures mobilisées notamment pour atteindre l'objectif inscrit dans le PSN français, de 18 % de SAU bio à horizon 2027, mais aussi plus largement s'inscrire dans le cadre fixé par le plan d'action européen en faveur du secteur biologique de 2021. L'élaboration du programme Ambition bio 2027 a également vocation à prendre en compte de certaines observations formulées par la Cour des comptes pour dépasser la période actuelle de déséquilibre et renouer avec la croissance observée ces dernières années.
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