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Élise Leboucher
Question N° 1859 au Ministère de l’europe


Question soumise le 4 octobre 2022

Mme Élise Leboucher appelle l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les négociations relatives d'un traité de protection de la haute mer au sein de l'Organisation des Nations unies. On voit tous les jours les conséquences profondes et multiformes du dérèglement climatique, que ce soit les graves incendies et la sécheresse en France lors de l'été 2022, ou les inondations destructrices au Pakistan. Les mers et les océans, aux écosystèmes fragiles et précieux, sont aussi particulièrement impactés par le réchauffement de la température globale, la montée des eaux, la surpêche et la pollution, pour ne citer que quelques phénomènes. Face à ces développements, les protections au niveau international restent insuffisantes. Certes, la convention de l'ONU sur le droit de la mer (CNUDM) de 1982 ainsi que ses deux accords d'application ont jeté les bases d'une gouvernance mondiale des océans. Néanmoins, la haute mer, qui représente à elle seule 64 % des océans, n'est pas couverte pas ces instruments. Cet espace, qui représente le patrimoine mondial commun, est régi par un cadre légal et institutionnel dépassé, fragmenté et mal appliqué. Ainsi, selon les associations de défense de l'environnement, la haute mer, objet de toutes les convoitises, est devenue une zone de non-droit au lieu de recevoir la protection qu'elle mérite. Pour réagir à cet état de fait, les États membres de l'ONU ont engagé depuis plus de quinze ans des discussions informelles puis officielles sur un traité sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, dans le cadre du processus dit « BBNJ ». Le projet de traité permettrait ainsi notamment de transformer 30 % des océans en aires marines protégées d'ici à 2030, de partager les avantages issus des ressources génétiques marines et de renforcer l'évaluation d'impact des activités humaines sur l'océan. Ainsi, quelle déception pour les milliards de personnes dont les moyens de subsistance, la sécurité alimentaire et l'habitat dépendent de l'océan, quand, fin août 2022, les États ne sont pas parvenus à un accord sur un texte final. Alors qu'un consensus semblait plus proche que jamais, il est regrettable de noter une dissonance entre les déclarations et les actions de nombreux pays développés. D'un côté, nombre d'entre eux, dont la France, sont membres de la Coalition de haute ambition et professent leur engagement à conclure un traité ambitieux et universel d'ici à la fin de l'année 2022. De l'autre, ceux-ci ont également refusé de se mobiliser pour un compromis concernant le partage des avantages issus des ressources génétiques marines jusqu'au dernier moment, précipitant ainsi les négociations vers leur échec. S'ils veulent tenir leur promesse de conclure un traité en 2022, à l'occasion du 40e anniversaire de la CNUDM, les pays membres de la Coalition de haute ambition doivent tout mettre en œuvre afin de relancer et finaliser les négociations lors d'une session extraordinaire avant la fin de l'année. Ainsi, alors que la 77e session de l'Assemblée générale des Nations unies s'est ouverte le 13 septembre 2022 et que l'horloge tourne, elle lui demande les actions que compte entreprendre la France, y compris au sein de la Coalition de haute ambition, afin de relancer et de finaliser les négociations du traité sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale dans le cadre du processus « BBNJ ».

Réponse émise le 20 décembre 2022

La 5e session de négociations relative au traité sur la protection de l'océan au-delà des juridictions, organisée dans le cadre du mandat de l'AGNU (IGC5) s'est tenue du 15 au 26 août 2022 à New York, sur la base d'un projet de texte révisé par la Présidente de la Conférence suite à la 4e conférence intergouvernementale. En dépit des nets progrès effectués, elle n'a finalement pas été conclusive. Malgré la volonté de compromis affichée par la plus grande partie des délégations, des divergences demeurent sur certains points clés du futur accord. Certains États ont adopté une position bloquante sur le partage des avantages monétaires, sur les règles de décision concernant l'établissement d'AMP et sur la conduite d'études d'impacts, empêchant ainsi une finalisation de l'accord au dernier jour des négociations. La 5e session a donc été officiellement suspendue par la Présidente de la Conférence, dans l'objectif de pouvoir la reconduire au plus tôt pour conclure les négociations. Sous réserve de confirmation par l'Assemblée générale des Nations unies, la reprise de 5e session de négociation devrait se dérouler du 20 février au 3 mars 2023, à New York. La France est pleinement mobilisée dans le cadre de ces négociations et joue un rôle moteur au sein de l'Union européenne (UE), qui négocie pour le compte des États membres ; c'est d'ailleurs conjointement avec l'UE qu'elle a lancée l'initiative de la Coalition de Haute ambition pour l'accord sur la biodiversité en haute mer (HAC BBNJ), à l'occasion du One Ocean Summit, en février 2022. Cette coalition, qui a pour objectif de mobiliser les États au plus haut niveau politique, a été rejointe par 51 membres (l'UE et 50 États) à ce jour. Aussi, tant au sein de la délégation européenne que dans le cadre de la HAC BBNJ, la France restera pleinement investie pour que soit conclu, dans les meilleurs délais, un traité ambitieux et universel qui renforce la gouvernance de la haute mer et établisse les outils nécessaires à une protection effective de l'océan et à une utilisation durable de ses ressources. Au sein de la HAC BBNJ, et à l'échelon multilatéral, la France a déjà démontré son engagement à conclure un traité BBNJ au plus tôt, y compris à travers la présence, en marge des négociations, des autorités. En amont de la prochaine session, il convient de souligner qu'une majorité d'Etats souhaite un traité international ambitieux. Si des points demeurent difficiles à surmonter, notamment le souhait des pays en développement d'une reconnaissance des ressources génétiques marines comme patrimoine commun de l'humanité, ainsi que la définition d'un mécanisme de partage des avantages issus de ces ressources, y compris monétaires, la France et l'UE continueront de proposer des solutions de compromis ambitieuses, à la hauteur du caractère universel que revêt ce traité.

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