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Mme Caroline Fiat attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur la recommandation émise par la Cour des comptes le 30 mai 2024 visant à réduire les dépenses de la sécurité sociale en cessant de rembourser les arrêts maladie de moins de 8 jours. Cette proposition qui tendrait à « enrayer l'insoutenable creusement du déficit de la sécurité sociale » est à la fois économiquement absurde et socialement dangereuse. L'augmentation des dépenses d'indemnités journalières, de 8,2 milliards d'euros en 2017 à 12,6 milliards en 2022, découle de facteurs structurels tels que l'augmentation des salaires, la croissance de la population active, l'intégration de nouveaux régimes et les répercussions de la pandémie de covid-19. Aucun de ces facteurs n'est imputable à des abus ou à la fraude, qui demeure marginale. Il est inadmissible que ceux-ci soient systématiquement brandis comme prétextes pour justifier des mesures restrictives. Selon le Gouvernement, il faudrait « responsabiliser » les citoyens dans leur consommation de soins de santé, insinuant qu'il y aurait un abus généralisé et que le système ne serait pas soutenable, alors même que 37 % des Français déclarent avoir travaillé plusieurs fois par semaine, alors qu'ils étaient malades, contre 28 % des Européens. En somme, les salariés français ne prennent pas d'arrêts de complaisance, ils se forcent au contraire à un présentéisme accru malgré leur état de santé. Cette assertion est donc à combattre, car elle est à la fois infantilisante et malhonnête. En refusant d'indemniser les arrêts maladie de moins de 8 jours, le Gouvernement incite au présentéisme, obligeant les travailleurs malades à continuer de travailler pour ne pas subir une perte de salaire. Or, selon le blog de l'IPP, ce phénomène du présentéisme favorise la propagation des maladies, augmentant ainsi les coûts pour les entreprises et le système de santé en matière de baisse de productivité, d'absentéisme prolongé et de frais de santé supplémentaires. En effet, la hausse du délai de carence ou le non-remboursement des arrêts courts diminuent le recours aux arrêts courts et augmente le nombre d'arrêts de longue durée. En moyenne, le délai de carence de 3 jours conduit à accroître d'autant la durée totale des arrêts des salariés, donc ne permet pas d'économies substantielles. De plus, la prise en charge du délai de carence réduit la durée des arrêts : les salariés couverts durant le délai de carence n'ont pas de probabilité plus élevée d'avoir un arrêt dans l'année, mais ont des durées totales d'arrêt maladie significativement plus courtes. Aussi, on constate qu'il existe bel et bien un lien direct entre générosité de la couverture des arrêts maladie et propagation des épidémies : la littérature confirme que les jours de carence induisent du présentéisme qui facilite la propagation des épidémies, soit directement au travail, soit dans les transports pour s'y rendre (Adda, 2016). Dans ce sens, une étude Pichler et Ziebarthaux USA de 2017 démontre également que lorsque des salariés obtiennent des taux de remboursement plus élevés de leurs arrêts maladie, le taux d'incidence de la grippe au sein de la population décroît significativement. Sur le plan économique, les prétendues économies réalisées par cette mesure sont négligeables en comparaison des coûts indirects qu'elle génère. En effet, la lutte contre la fraude ne permettrait d'économiser qu'environ 50 millions d'euros par an, soit environ 0,4 % des 12,6 milliards d'euros de dépenses totales. Fraude et abus sont-ils les véritables responsables du déficit ? En réalité, le véritable besoin de financement de la sécurité sociale provient de choix politiques délibérés qui visent à favoriser le secteur privé, notamment les complémentaires santé. Ces décisions servent un capitalisme toujours plus vorace, au détriment de la santé publique. Il est ainsi consternant de voir la sécurité sociale constamment présentée comme un système en déficit nécessitant des réformes drastiques. Cette vision biaisée sert des choix politiques visant à privatiser davantage et à réduire les prestations solidaires. La devise initiale de la sécurité sociale, « chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins », a été pervertie en une logique de couverture de risques. Étant donné que chacun est appelé à vieillir et à rencontrer des problèmes de santé, l'objectif n'est pas de couvrir un risque hypothétique mais de répondre effectivement aux besoins de santé de la population. En continuant d'accroître les besoins de santé, il est évident que les recettes ne vont pas augmenter soudainement. Des mesures structurées et pérennes sont dès lors nécessaires pour assurer le financement de la sécurité sociale et répondre aux besoins croissants de la population. Indubitablement, le besoin de financement ne découle pas d'une mauvaise gestion mais bien de décisions purement politiques renforçant le capitalisme au détriment de la santé publique, un domaine où l'humanité et la solidarité devraient primer. En conclusion, il est impératif de reconsidérer cette politique afin de protéger les travailleurs et la population tout en assurant un financement équitable et efficace de la sécurité sociale. Il est temps de mettre un terme à cette logique absurde et de revenir aux principes fondateurs de la sécurité sociale. Elle lui demande quelles mesures le Gouvernement envisage pour protéger les travailleurs affectés par cette proposition et quand on peut espérer une décision officielle de sa part sur ce sujet.
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