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M. Hadrien Clouet attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le projet d'un centre de tri interdépartemental de déchets secs à Masseube (Gers), qui suscite une large inquiétude parmi la population et les associations de défense de l'environnement. Provoquant la fermeture des centres existants d'Auch, Lannemezan et Saint-Gaudens, ce centre est supposé accueillir 35 000 tonnes de déchets annuels (film plastique, pots, barquettes...), collectés auprès des usagers, transportés vers lui, traités en son sein puis réexpédiés. Le tonnage conséquent concerne un bassin de 600 000 habitants, soit 10 % de la région Occitanie, ou encore 1% de la population française. Ceux-ci sont répartis entre quatre départements, la Haute-Garonne, le Gers, les Hautes-Pyrénées et l'Ariège, et 1 200 communes. Et le lieu retenu interroge, au sein d'un département enclavé, sur une zone agricole inondable par la rivière Gers, près d'une route départementale qualifiée d'inadaptée par la DDT, sans aucune intermodalité. Le projet augmentera donc le volume de camions jetés sur les routes (estimé à plus de 300 par jour), les distances parcourues et l'empreinte carbone des déchets. Le regroupement sur un seul site diminuera simultanément le volume d'emplois par tonne de déchets, dans un contexte où la production et le traitement du plastique connaît de lourdes incertitudes. De surcroît, ce projet n'a bénéficié d'aucune concertation auprès des autorités compétentes, à savoir les intercommunalités, comme le prévoit théoriquement la loi « NOTRe » depuis 2015 et sa réforme de 2020. Il a été conçu dans l'entre-soi d'un système de délégation-substitution de service public qui a pour effet de restreindre l'accès aux informations et à la prise de décisions. De telles magouilles expliquent le succès de la pétition civique contre ce centre interdépartemental, avec 1 100 signatures en ligne uniquement. D'autant que le coût est exorbitant, avec un financement prévisionnel de 31 millions d'euros largement aveugle à l'inflation sur les matériaux. Lequel subit le désengagement de l'État et ne bénéficie que d'une maigre subvention totale équivalente à 9 % par la région Occitanie, l'ADEME et Citeo. Les 91 % de frais restants, soit plus de 28 millions d'euros, vont être a priori couverts par le biais d'un emprunt, dans un contexte d'augmentation des taux orchestré par la Banque centrale européenne. Samedi 4 mai 2024, la ministre des collectivités rurales et de la ruralité, Dominique Faure, était présente pour encadrer la signature de la moitié du prêt nécessaire, consenti à hauteur de 15 millions d'euros par la Banque des territoires, impliquant directement l'État dans le projet. Logiquement, cet emprunt sera mécaniquement répercuté sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) collectée par les intercommunalités utilisatrices, qui n'ont pas eu leur mot à dire depuis le début du projet en 2016. In fine, le contribuable paiera pour cet échafaudage institutionnel local opaque. Aussi M. le député interroge-t-il M. le ministre sur les dangers environnementaux, démocratiques et économiques d'un tel projet. Concernant le risque environnemental, il sollicite la communication par M. le ministre de plusieurs informations d'intérêt public, alors que le Gers est déjà en retard sur la loi biodéchets du 1er janvier 2024, sur le plan départemental que la région Occitanie devrait intégrer, et sur la fermeture du site d'enfouissement du Houga. Ainsi, quelle est l'empreinte carbone estimée du projet de centre de tri interdépartemental et comment a-t-elle été calculée ? A-t-il été tenu compte des espèces rares menacées par le projet, comme le héron cendré ou le guêpier d'Europe ? Quel sera son impact sur le réseau routier gersois et quel avis a remis la DDT à propos de la route départementale retenue pour accéder au site ainsi que les routes alternatives ? Quelles sont les évaluations environnementales d'un report modal de la route vers le rail, escamoté de l'étude en dépit de la recommandation de l'ADEME en ce sens ? Quelles sont les anticipations de pérennité alors que la production et la gestion du plastique font l'objet de spéculations contradictoires ? En outre, comment le risque d'inondation et les autres incertitudes climatiques (l'inondation de 2014 avait recouvert l'ensemble du terrain retenu) ont-ils été intégrés à l'étude préalable, ainsi symétriquement que le risque de contamination des eaux par le centre (soit la ripisylve de la rivière Gers, la zone humide ou le ruisseau avoisinants) ? Concernant le bouclage financier du projet, 14 millions d'euros manquent encore après les annonces surprise de la ministre Faure. Comment des travaux pourraient-ils alors débuter sans que le bouclage financier total ne soit garanti ? Quand les intercommunalités, légalement responsables de la TEOM, seront-elles consultées pour garantir le plan de recouvrement total ? D'où proviendra ce recouvrement ? Quelle part sera acquittée par une aide de l'État ? Quelle part sera facturée aux intercommunalités et donc aux usagers via la TEOM ? En cas de refus de la part de l'intercommunalité de rehausser la TEOM, quelles pistes de financement alternatif ont été étudiées ? Le Gouvernement entend-il se défausser sur les services publics locaux de sa passivité en matière de réduction de toute la chaîne des emballages, objets et déchets ? Concernant le droit des populations à construire leur territoire, comment M. le ministre fera-t-il respecter la loi ? Ainsi, chaque président d'EPCI compétent en matière de déchets a l'obligation légale de réaliser avant le 30 septembre un rapport annuel portant sur le prix et la qualité du service public des déchets, de l'eau et de l'assainissement, présenté en conseil communautaire et porté à la connaissance du public (article D. 2224-1 du code général des collectivités territoriales). Cette obligation n'est pas rendue en l'espèce. Finalement, à la croisée des trois préoccupations précédentes, quelle est la destination des « balles » (papiers, cartons, plastiques...) conditionnées pour revente aux industriels du recyclage ? Quelles sont les conséquences de ces réexpéditions, en matière d'émissions carbone, de kilométrage et de bilan financier ? Plus généralement, dans une perspective de planification écologique revendiquée par le Gouvernement en dépit de tous les éléments ci-dessus, combien de centres de tri interdépartementaux sont en préparation sur le territoire français et quelle gestion nationale des flux est envisagée ? Il souhaiterait avoir des réponses à ces questions.
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