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M. Léo Walter alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le cas de Mme Sophie Abida, situation individuelle malheureusement représentative de la problématique des « parents protecteurs » dans le cadre d'affaires de violences intrafamiliales et de violences sexuelles faites aux enfants. M. le député informe M. le ministre de ce qu'il a reçu Mme Abida accompagnée de son avocate, celles-ci ayant fait appel à lui en tant que membre de la délégation aux droits des enfants de l'Assemblée nationale. Mme Abida est l'un de ces parents protecteurs, essentiellement des femmes, qui pour avoir porté plainte contre le père de leurs enfants pour violences intrafamiliales ou pour des faits d'inceste, se retrouvent dans la situation paradoxale d'être poursuivies par la justice pour « non-représentation d'enfant » ou « dénonciation calomnieuse », subissant de ce fait des sanctions pouvant aller jusqu'au placement en garde à vue voire la détention provisoire ; mais surtout la perte de la garde des enfants, confiés au parent agresseur présumé. M. le député alerte M. le ministre sur les suspicions encore courantes qui pèsent sur la parole de ces mères protectrices, accusées d'« hystérie » ou de « syndrome d'aliénation parentale » (concepts dénués de toute base scientifique) ; et sur le cercle vicieux dans lequel elles se retrouvent alors enfermées, toute démarche engagée par elles pour dénoncer les actes des agresseurs présumés ou pour récupérer la garde de leurs enfants renforçant dès lors ces suspicions. De nombreux témoignages interrogent également sur le rôle des experts désignés par la justice dans ce type d'affaires : « expertises » menées à charge contre les plaignantes, absence d'auditions de celles-ci (c'est le cas de Mme Abida), allégations là-encore d'hystérie ou de syndrome d'aliénation parentale. M. le député souligne qu'une réflexion sur le statut de ces experts, sur leur formation à ces problématiques complexes, mais aussi sur le poids des expertises dans les décisions judiciaires semble absolument nécessaire à mener. M. le député rappelle que les rapporteuses spéciales de l'ONU ont interpellé la France en juillet 2023 sur la situation de Mme Sophie Abida, mais également de Mmes Priscilla Majani et Hanna Dam-Stokholm, qui se heurtent elles-aussi à un « traitement apparemment discriminatoire » et à des « violences infligées » par les décisions de justice prises à leur encontre. Ces expertes exhortaient alors la France à protéger les enfants contre l'inceste et toute forme d'abus sexuels ; et soulignaient que les conditions d'enquête au stade des allégations des enfants ne permettent pas de répondre à cette obligation. M. le député rappelle également que la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) s'est emparée de cette question des « mères protectrices » et a fait à ce propos trois recommandations : « prévoir la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse contre son enfant ; suspendre les poursuites pénales pour non-représentation d'enfants contre un parent lorsqu'une enquête est en cours contre l'autre parent pour violences sexuelles incestueuses ; prévoir, dans la loi, le retrait systématique de l'autorité parentale en cas de condamnation d'un parent pour violences sexuelles incestueuses contre son enfant ». Si la loi n° 2024-233 « visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales », promulguée le 18 mars 2024, constitue une avancée et répond à la troisième préconisation de la CIIVISE, elle n'apporte par contre aucune solution à la situation de Mme Abida et des autres mères protectrices concernées par des affaires en cours. C'est pourquoi M. le député interroge M. le garde des sceaux sur les mesures pouvant être mises en place pour répondre à la situation particulière de Mme Sophie Abida et pour protéger ses enfants des atteintes potentielles de leur agresseur présumé qui vient d'être condamné par le tribunal correctionnel de Chartres, ce lundi 6 mai 2024, à trois mois d'emprisonnement avec sursis simple pour « violences sur enfants de moins de 15 ans par personne ayant autorité ». Au-delà de ce cas particulier, M. le député s'enquiert des suites que M. le ministre compte donner aux deux premières préconisations de la CIIVISE concernant les mères protectrices. Il lui demande enfin de mener une réflexion approfondie sur l'habilitation, la formation et la prise en compte des avis des experts dans les affaires de violences intrafamiliales et plus largement dans les affaires de violences sexuelles.
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