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Denis Bernaert
Question N° 17304 au Ministère auprès de la ministre du travail


Question soumise le 23 avril 2024

M. Denis Bernaert appelle l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur le financement des établissements et services d'aide par le travail (ESAT). Dans la continuité du plan de transformation des ESAT, la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi apporte de réelles avancées pour le rapprochement des droits des travailleurs en situation de handicap avec ceux des salariés. Le remboursement des frais de transports publics, l'accès aux titres restaurants, aux chèques vacances et la prise en charge à 50 % de la couverture complémentaire collective vont améliorer considérablement la situation de ces travailleurs. L'augmentation de la rémunération directe à hauteur de 15 % du Smic qui est envisagée devrait également contribuer à l'amélioration de leur statut. Mais ces nouveaux droits représentent des coûts supplémentaires pour les ESAT et la situation financière de ces derniers peut s'avérer parfois difficile. Avec le financement de ces nouveaux droits, un grand nombre d'ESAT pourraient se retrouver en situation financière difficile alors que ce modèle est le seul qui permette l'emploi des personnes avec d'importants besoins d'accompagnement. Les ESAT dépendent indéniablement du soutien financier de l'État et s'inquiètent pour leur avenir. Aussi, il souhaiterait connaître les actions que le Gouvernement compte prendre pour compenser ces nouvelles dépenses.

Réponse émise le 21 mai 2024

Le plan de transformation des Etablissements et services d'accompagnement par le travail (ESAT) impulsé en 2021 par les pouvoirs publics en concertation avec les représentants du secteur vise à créer les conditions d'une dynamique de parcours au bénéfice des personnes en situation de handicap orientées et accueillies en ESAT et à renforcer les droits sociaux de ces travailleurs. La mise en œuvre du plan a donné lieu depuis 2022 à l'adoption de plusieurs dispositions législatives et réglementaires, à savoir : - la loi 3DS du 21 février 2022 et les décrets des 13 et 22 décembre 2022 modifiant le Code de l'action sociale et des familles (CASF) ainsi que le code du travail et consistant notamment à permettre aux travailleurs d'exercer simultanément une activité à temps partiel en milieu protégé et une activité salariée à temps partiel, à leur ouvrir de nouveaux droits individuels et collectifs et à faire bénéficier les travailleurs sortant d'ESAT d'un parcours renforcé en emploi ; - l'article 1er de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, qui ouvre la possibilité aux ESAT de faire bénéficier leurs travailleurs d'une prime de partage de la valeur avec une exonération associée ; - l'article 14 de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi dont l'objectif est de permettre aux 120 000 travailleurs handicapés accompagnés par environ 1 400 ESAT de bénéficier de l'essentiel des droits individuels et collectifs des salariés tout en restant usagers d'une structure médico-sociale et titulaires d'un contrat qui n'a pas la nature d'un contrat de travail et qui leur offre en réalité une protection renforcée puisque l'ESAT ne peut exercer de pouvoir disciplinaire à leur encontre ou les licencier. Le renvoi aux articles du code du travail permettra d'assurer une évolution parallèle des droits, sans qu'il soit besoin de repasser par un décret. Sur un strict plan juridique, ces dispositions s'inscrivent dans le cadre de l'application de la convention de l'Organisation des Nations unies sur les droits des personnes handicapées et contribuent également à la mise en œuvre du droit de l'Union européenne ainsi qu'à la prise en compte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne sur les personnes handicapées accueillies en ESAT. La Charte des droits fondamentaux du 18 décembre 2000, annexée depuis décembre 2009 au Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), comporte notamment plusieurs articles (27 à 35) constitutifs de droits sociaux fondamentaux pour l'ensemble des travailleurs de l'Union européenne, dont le droit à l'information et à la consultation ainsi que le droit de négociation et d'actions collectives ou bien encore le droit à congés pour concilier vie familiale et vie professionnelle et le droit d'accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux. Par ailleurs, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), dans une décision du 26 mars 2015 (arrêt Fenoll), a jugé que les personnes exerçant une activité professionnelle en ESAT étaient des travailleurs au sens du droit de l'Union européenne, catégorie juridique plus large que celle de salarié en droit national, couvrant également les stagiaires qui sont régis par un contrat de stage et non un contrat de travail. Les nouveaux droits reconnus aux travailleurs d'ESAT par l'article 14 précité de la loi du 18 décembre 2023 couvrent un large champ : - l'inscription de « droits collectifs fondamentaux » dans le CASF : le droit syndical et le droit de grève, le droit d'alerte et de retrait ainsi que le droit d'expression directe et collective ; - le renforcement de l'association aux travaux du comité social et économique de l'ESAT de représentants de l'instance mixte usagers-salariés spécifique aux ESAT ; - la prise en charge des frais de transports domicile-travail ; - l'extension du bénéfice des titres-restaurant et des chèques-vacances ; - le bénéfice d'une complémentaire santé. Ces nouveaux droits sont en vigueur depuis le 1er janvier 2024, à l'exception de la prise en charge des frais de transport domicile-travail, du bénéfice des titres-restaurant et des chèques vacances ainsi que de la complémentaire santé, dont l'entrée en vigueur est fixée au 1er juillet 2024. Par ailleurs, les modalités de mise en œuvre de certains des droits prévus par l'article 14 devront être précisées par décret, en particulier pour ce qui concerne la participation de représentants de l'instance spécifique aux réunions du comité social et économique de l'établissement ou du service et la complémentaire santé. L'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale des finances se sont vues confier une mission d'évaluation des impacts de ces nouveaux droits individuels et collectifs pour le secteur du travail protégé, et les effets d'une augmentation de la part de rémunération financée par l'ESAT. Les résultats de cette mission conduisent à ne pas retenir le passage de la rémunération obligatoire des ESAT de 5 à 15% du salaire minimum interprofessionnel de croissance au regard de la fragilisation économique qu'elle engendrerait pour les structures. Le Gouvernement porte une attention particulière à ce que ces nouveaux droits ne mettent pas en difficulté les ESAT et leurs missions d'accompagnement. Il est essentiel que les ESAT continuent de contribuer à l'autonomie et à l'inclusion sociale et professionnelle des travailleurs handicapés les plus éloignés de l'emploi, et de leur offrir des opportunités d'évolutions de parcours et de statut, via une employabilité et des compétences et qualifications accrues. Pour cela, ils doivent continuer à se transformer, dans la poursuite des travaux engagés depuis plusieurs années. La modernisation de leur outil de production, les partenariats avec le milieu ordinaire, le développement d'activités pérennes, vont dans le sens à la fois d'un meilleur accompagnement des travailleurs et d'une plus grande adaptation des ESAT à la vie économique.

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