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M. Ugo Bernalicis alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'usage des sanctions disciplinaires dans le milieu carcéral. En janvier 2024, l'Observatoire international des prisons publiait un rapport d'enquête sur la discipline en prison intitulé « Au cœur de la prison : la machine disciplinaire ». Dans ce rapport, il est mentionné que près de la moitié des personnes incarcérées ont fait l'objet de comptes rendus d'incident (CRI) en 2022, conduisant dans 32,6 % des cas à la tenue d'une commission de discipline et au prononcé de 69 174 sanctions disciplinaires, dont plus de 100 000 jours de quartier disciplinaire (QD). M. le député est alarmé par cette dynamique, constatant l'indignité des conditions de détention au QD relevées par le rapport (promiscuité, insalubrité, violences), alors que celles-ci contribuent à la récurrence des tentatives de suicide - le risque de suicide y est d'ailleurs quinze fois plus élevé qu'en détention ordinaire. Cette situation est en outre aggravée par la surpopulation carcérale que de multiples observateurs dénoncent depuis plusieurs années et pour laquelle la France a été condamnée à plusieurs reprises. Le rapport mentionne que la durée d'enfermement peut s'élever jusqu'à 30 jours, en contradiction avec les règles pénitentiaires européennes selon lesquelles « la mise à l'isolement ne peut être imposée à titre de sanction que dans des cas exceptionnels et pour une période définie et aussi courte que possible ». Par ailleurs, M. le député s'inquiète des critiques du rapport sur les CRI et les rapports d'enquête, rédigés la plupart du temps de façon sommaire, caractérisant insuffisamment la faute et négligeant le recueil de preuves et de témoignages. En dépit d'avancées ayant permis de reconnaître au juge un contrôle plus approfondi des décisions de l'administration pénitentiaire, M. le député constate que le droit au recours et à la contradiction demeure peu effectif, alors même qu'il est garanti par l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Au sein des commissions de discipline, le respect des droits de la défense peut ainsi être très variable d'un établissement à l'autre (difficultés à être assisté d'un avocat, temps de préparation de la défense contraint, accès limité aux enregistrements vidéos). En outre, seulement 2 % des sanctions prononcées font l'objet d'un recours administratif préalable obligatoire (Rapo) devant le directeur interrégional des services pénitentiaires (Disp), notamment en raison de délais de dépôt contraints (14 jours). En termes de contentieux administratif, un recours pour excès de pouvoir peut mettre jusqu'à plusieurs années pour aboutir et le périmètre du référé-liberté apparaît particulièrement restreint s'agissant de la contestation des sanctions disciplinaires. À cet égard, aucune de ces procédures ne permet de garantir un recours réel et effectif. Ainsi, M. le député souhaiterait que lui soit communiqué le taux d'annulation des sanctions disciplinaires devant les tribunaux administratifs. Il aimerait également connaître les intentions de M. le garde des sceaux sur des mesures visant à : améliorer les conditions d'enfermement au quartier disciplinaire ; exclure des sanctions disciplinaires les comportements par lesquels les détenus exercent leurs droits fondamentaux ; mettre en place des comptes rendus d'incident et des rapports d'enquête plus exhaustifs ; garantir l'exercice des droits de la défense, en particulier devant le tribunal administratif en mettant en place une procédure de recours effectif comme le préconise le Comité européen pour la prévention de la torture. Il souhaiterait enfin savoir s'il envisage de publier un rapport annuel retraçant l'ensemble de l'activité disciplinaire en prison.
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