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Mme Murielle Lepvraud attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les côtes bretonnes qui ont été reconnues « empoisonnées » depuis 1970 avec l'apparition des premières algues vertes. La Bretagne est la seule région à être intégralement classée depuis 1994 en « zone vulnérable aux nitrates d'origine agricole » avec une teneur moyenne en nitrates de 50 mg/l. Après avoir vu passer 3 Plans algues vertes et 6 Programmes régionaux nitrates, la teneur moyenne ne chute plus depuis 2014, stabilisée autour de 33 mg/l. Pour respecter la directive-cadre de l'Union européenne sur l'eau et prétendre à un « bon état écologique » de la ressource d'ici à 2027, le taux moyen ne devrait pas dépasser 25 mg/l. Les rapports de mai 2021 du Sénat et de juillet 2021 de la Cour des comptes soulignent l'insuffisance des résultats obtenus au terme de vingt ans de politique de lutte contre les algues vertes, par rapport aux enjeux et aux objectifs fixés. Le phénomène des algues vertes, lié au développement de l'agriculture intensive en Bretagne, a été maintes fois dénoncé par les élus, les associations et les autorités sanitaires. Ainsi, le 18 juillet 2023, le tribunal administratif de Rennes donnait raison à deux recours, celui d'Eau et rivières de Bretagne et celui de l'association Sauvegarde du Trégor-Goëlo-Penthièvre. Suite au recours de cette dernière, le tribunal reconnaissait pour la première fois un préjudice écologique dû à la carence fautive de l'État à limiter le développement des algues vertes dans la Réserve naturelle de la baie de Saint Brieuc et avec injonction à réparer ce préjudice. La reconnaissance de cette dette écologique interroge les effets des modes de production et de consommation sur la qualité des eaux, des milieux naturels et côtiers. La Cour des comptes soulève, d'ailleurs, que « la diminution des apports en nitrates ne peut être l'affaire des seuls exploitants. Les agriculteurs engagés dans l'amélioration des pratiques doivent être soutenus par l'ensemble de la filière. Il n'y a pas de changement de modèle agricole possible sans l'implication des filières agro-alimentaires » (Cour des comptes, 2021, p. 64). Il y a conflit de logiques entre les modes de développement économique et les mécanismes régulateurs de la nature. Les activités économiques doivent être subordonnées au respect des normes de renouvellement de la biosphère. Le phénomène de l'eutrophisation illustre ce dépassement par les activités humaines de la capacité des milieux à maintenir un équilibre. La Bretagne produisant de la nourriture pour 22 millions de personnes sur un territoire qui en abrite 4,7, elle lui demande s'il entend mettre en place, comme le préconisent notamment les scientifiques du GIEC, une déspécialisation des régions impliquant naturellement la déconcentration des cheptels, afin de répondre aux atteintes à l'environnement, au bien-être animal, la biodiversité et la santé des consommateurs.
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