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M. François Ruffin appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le recours aux holdings par les contribuables les plus fortunés du pays. Depuis 1985, le taux normal d'impôt sur les sociétés a été divisé par deux en France, passant de 50 % à 25 %. Cette baisse a encouragé les hauts patrimoines à détenir leurs actifs via des sociétés holdings, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, le taux d'imposition applicable aux gains générés au sein d'une personne morale est bien plus faible que celui appliqué aux personnes physiques (25 % pour les premières, contre 34 % pour les secondes), sans compter l'existence de taux réduits d'IS applicables à certains investissements (15 %, 3 % voire 0 %). En outre, le détenteur d'une holding a la capacité de transmettre ses titres dans des conditions fiscales très favorables grâce au pacte Dutreil, dont les gouvernements ont assoupli les critères. Les contribuables qui y ont recours sont de plus en plus nombreux : 1 992 pactes signés en 2020, contre 1 032 en 2016. Enfin, les actionnaires profitent massivement du dispositif de « l'apport-cession » : ils apportent leurs titres à une holding avant leur cession, afin d'éviter le paiement immédiat de l'impôt de plus-value. D'après le dernier rapport du Comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital, la masse totale de plus-values concernées par « l'apport-cession » a été multipliée par trois entre 2015 et 2021, passant de 5,44 milliards à 16,35 milliards d'euros, créant un manque à gagner conséquent pour les finances publiques. À travers ces mécanismes, les holdings permettent donc cette anomalie : la dégressivité du taux d'imposition effectif au-delà d'un certain seuil de revenus. En France, d'après une note de l'Institut des politiques publiques de juin 2023, ce taux est plus de deux fois plus faible chez les milliardaires que dans le reste de la population. Cela constitue une rupture de l'égalité devant les charges publiques. Et une perte pour les finances publiques de l'ordre de 16 milliards, si l'on fait la différence entre ce que les milliardaires auraient dû payer et ce qu'ils ont vraiment acquitté grâce à des stratégies d'optimisation comme le recours aux holdings. Plusieurs pays ont instauré des dispositifs fiscaux visant à décourager le recours abusif aux holdings. Le Luxembourg prélève un impôt sur la fortune assis sur la valeur des actifs des holdings (hors participations économiques). Les États-Unis appliquent une surtaxe d'impôt sur les sociétés de 20 % dès lors que la société tire majoritairement ses revenus de placements non économiques. Une imposition « en transparence » entre les mains de l'actionnaire-personne physique au titre des revenus de capitaux mobiliers (RCM) pourrait également être envisagée, comme c'est déjà le cas dans le cadre de certains dispositifs anti-abus en France. Il lui demande quand il va prendre des mesures fiscales analogues afin de lutter contre le recours abusif aux holdings.
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