M. Alexandre Vincendet appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la prolifération des pylônes de télécommunication déployés par les opérateurs. Il souhaite soulever le problème de l'installation de nouveaux pylônes pour soutenir les antennes-relais dans les territoires alors que des équipements similaires sont souvent déjà présents à proximité. Alors qu'il est forcément moins coûteux pour un opérateur de monter sur un pylône existant que d'en construire un nouveau, l'arrivée du modèle Towercos a inversé ce bon sens. Les élus locaux et en première ligne les maires, se retrouvent parfois démunis face à des acteurs peu enclins à les écoûter. Malgré les refus de certaines communes et des recours gracieux demandés par les maires, les opérateurs persistent évidemment dans leurs démarches d'implantation, même après des jugements d'irrecevabilité de leurs requêtes par les tribunaux administratifs. Ces projets vont clairement à l'encontre de l'esprit de la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France qui se voulait incitative mais malheureusement non contraignante en matière de mutualisation. Enfin, M. le député souhaite rappeler que l'article D. 98-6-1-II du code des postes et des communications électroniques insiste sur le fait que les opérateurs doivent favoriser, dans la mesure du possible, le partage des sites radioélectriques avec d'autres utilisateurs. Il souhaite ainsi savoir quelles mesures claires et efficaces, donc contraignantes, l'État envisage de mettre en place pour garantir le respect de cet article par les opérateurs de téléphonie mobile et les towercos qui - il faut le rappeler - ne sont plus régulées depuis que les opérateurs (eux, régulés par l'ARCEP) ont sorti leurs pylônes de leurs actifs.
Plusieurs mesures inscrites dans le cadre légal et réglementaire, et dans les autorisations d'utilisation de fréquences octroyées aux opérateurs de services mobiles, permettent aujourd'hui d'inciter ou de contraindre ces opérateurs à partager les infrastructures utilisées pour installer des sites de télécommunications mobiles. À titre principal, l'état du droit existant vise à encourager le partage d'infrastructures dites « passives », à savoir notamment les points hauts, tels que les pylônes, les toits-terrasses, les câbles ou les locaux d'hébergement des équipements actifs. Chaque opérateur doit ainsi « [faire] en sorte, dans la mesure du possible, de partager les sites radioélectriques avec les autres utilisateurs de ces sites », en application de l'article D. 98-6-1 du code des postes et des communications électroniques. Ce même article prévoit que, lorsque l'opérateur envisage d'établir un nouveau site ou pylône, il doit : « privilégier toute solution de partage avec un site ou un pylône existant ; veiller à ce que les conditions d'établissement de chacun des sites ou pylônes rendent possible, sur ces mêmes sites et sous réserve de compatibilité technique, l'accueil ultérieur d'infrastructures d'autres opérateurs ; répondre aux demandes raisonnables de partage de ses sites ou pylônes émanant d'autres opérateurs. » Cette disposition est renforcée dans les zones de montagne, les opérateurs de réseaux mobiles étant, au titre de l'article L. 34-8-6 du même code, tenus de répondre aux demandes raisonnables d'accès non seulement aux infrastructures d'accueil d'une installation radioélectrique, mais aussi « à son alimentation en énergie et au lien de transmission utilisé pour raccorder cette installation », avec des conditions d'accès « équitables et raisonnables ». Le texte prévoit aussi que « [t] out refus d'accès [doit être] motivé ». L'obligation des opérateurs à justifier l'absence de partage de pylônes ou de sites mobiles a été étendue, par la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France qui a modifié l'article L. 34-9-1 du code précité, aux déploiements en « zones rurales et à faible densité d'habitation et de population », lorsque les maires des communes situées dans ces zones en font la demande. Au-delà des opérateurs, les gestionnaires d'infrastructures d'accueil des installations mobiles, que sont notamment les tower companies (ou towercos), sont également régis par le code des postes et des communications électroniques, à travers l'article L. 34-8-2-1, qui dispose qu'ils doivent « [faire] droit aux demandes raisonnables d'accès à leurs infrastructures émanant d'un exploitant de réseau ouvert au public à très haut débit ». De plus, le même article prévoit que cet accès aux infrastructures doit être « fourni selon des modalités et dans des conditions, y compris tarifaires, équitables et raisonnables », et que « [l] a demande d'accès ne peut être refusée que si le refus est fondé sur des critères objectifs, transparents et proportionnés » détaillés par le texte. À ce titre, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) est compétente pour statuer sur tout différend relatif à un refus d'accès ou à l'absence d'accord sur les modalités d'accès à une infrastructure d'accueil d'une installation mobile qui pourrait impliquer une towerco. L'entrée en vigueur prochaine du projet de règlement européen intitulé « Gigabit Infrastructure Act » permettra de renforcer l'encadrement légal des gestionnaires d'infrastructures d'accueil des installations de télécommunications, dont les towercos font partie. En outre, les opérateurs sont soumis à des obligations de partage de leurs infrastructures de télécommunications passives et d'installations actives – comprenant tous les équipements radioélectriques – inscrites dans leurs autorisations d'utilisation de fréquences, donc celles qui leur ont été octroyées après la conclusion en 2018, avec le Gouvernement et l'Arcep, de l'accord dit du « New Deal mobile ». Cependant, la possibilité pour l'Arcep d'imposer des obligations de partage d'infrastructures passives et d'installations actives est strictement encadrée par le code européen des communications électroniques (paragraphe 4 de l'article 61 de la directive 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018), transposé à l'article L. 34-8-1-2 du code des postes et des communications électroniques. Il existe enfin des accords commerciaux de partage d'infrastructures passives ou d'installations actives qui lient les opérateurs. Au regard des effets que ces accords peuvent avoir sur le marché, en matière de concurrence et d'incitation à l'investissement, ces contrats sont, au titre de l'article article L. 34-8-1-1 du code, soumis à l'analyse de l'Arcep, qui peut en demander, sous certaines conditions, la modification, et qui est compétente pour traiter des différends relatifs à la conclusion ou à l'exécution de ces contrats. Grâce à l'ensemble de ces dispositifs, le partage d'infrastructures passives ou d'installations actives est aujourd'hui répandu sur l'ensemble du territoire. À fin 2022, selon les données publiées par l'Arcep, 46,8 % des supports d'équipements sont mutualisés entre plusieurs opérateurs sur l'ensemble du territoire métropolitain, un taux qui s'élève à 59,1 % en zones rurales. L'Arcep fait également état d'une progression annuelle de la mutualisation : « en 2022, toutes zones confondues, 1 772 supports supplémentaires font l'objet d'une colocalisation par rapport à l'année 2021, portant ainsi le nombre de supports colocalisés à 25 377 en France métropolitaine (contre 23 545 supports colocalisés en 2021 et 22 176 en 2020) ». Par ailleurs, plus de 90 % des sites déployés par les opérateurs dans le cadre du dispositif de couverture ciblée mis en place par le New Deal sont mutualisés par les quatre opérateurs. Au vu de ces différentes obligations auxquelles sont déjà soumis les opérateurs et les towercos et au vu de l'amélioration de la mutualisation constatée par l'Arcep, la prochaine modification du cadre juridique sur ce sujet devrait être celle qui est prévue dans le cadre du règlement européen « Gigabit Infrastructure Act ».
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