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Alexandre Portier
Question N° 16622 au Ministère du ministère de l’intérieur et des outre-mer


Question soumise le 26 mars 2024

M. Alexandre Portier interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la remise en question préoccupante du modèle français de secours, fondé sur l'engagement citoyen altruiste et volontaire. À ce jour, les sapeurs-pompiers volontaires (SPV) représentent, au sein de leur fédération nationale, une large majorité (79 %) et assument 67 % du temps d'intervention. Ils sont donc essentiels à la sécurité civile. Or le 14 février dernier, a été publiée une décision du comité européen des droits sociaux, organe du Conseil de l'Europe, estimant que la situation juridique des sapeurs-pompiers volontaires méconnaissait la Charte sociale européenne. En effet, cette décision assimile les SPV à des « travailleurs » et les déclare donc victimes d'un traitement discriminatoire. Pourtant, la loi française du 20 juillet 2011 dispose clairement que « l'activité de SPV, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n'est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres » (art. L. 723-5 du code de la sécurité intérieure-CSI) et que « ni le code du travail ni le statut de la fonction publique ne lui sont applicables » (art. L. 723-8 du CSI). L'occultation du caractère non exécutoire et non contraignant de cette décision ainsi que la fuite dans la presse du rapport des inspections générales de l'administration (IGA) et de la sécurité civile (IGSC) sur l'activité des SPV sont perçues par la profession comme une volonté manifeste de faire pression sur les pouvoirs publics et de déstabiliser le modèle spécifiquement français et reconnu de sécurité civile. De fait, plusieurs entités semblent vouloir précipiter les choses en faisant par exemple fi de l'organisation préalable, pourtant essentielle, de groupes de concertation sur le sujet. Des directives ont ainsi d'ores et déjà été envoyées par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) aux gouvernances locales des services d'incendie et de secours, les enjoignant à élaborer au plus vite des plans de réduction de la vulnérabilité du volontariat et ce sans avoir attendu un quelconque arbitrage politique du ministère de l'intérieur. Cette situation suscite une incompréhension d'autant plus grande qu'elle arrive dans une période d'attente persistante par la profession d'une déclinaison réglementaire de bonification retraite en reconnaissance de l'engagement altruiste des sapeurs-pompiers volontaires adoptée dans la réforme des retraites d'avril 2023. Il lui demande ainsi ce qu'il entend faire pour, d'une part, rétablir et rééquilibrer la situation en rassurant les sapeur-pompiers et, d'autre part, pour développer, réarmer et revaloriser efficacement l'engagement citoyen de sécurité civile sur le territoire.

Réponse émise le 28 mai 2024

Par leur engagement au service de nos concitoyens, les sapeurs-pompiers volontaires occupent une place centrale dans notre modèle de sécurité civile. Aussi, depuis de nombreuses années, le Gouvernement comme le Parlement ont veillé à mettre en place des mesures destinées à conforter la spécificité des sapeurs-pompiers volontaires, en insistant sur le fait que cet engagement ne pouvait être assimilé à celui d'un travailleur. C'est dans cet esprit qu'une mission a été confiée à l'Inspection générale de l'administration, afin de dresser un diagnostic et de proposer des recommandations qui permettent d'assurer la pérennité du modèle de sécurité civile français et de consolider les modalités d'engagement des sapeurs-pompiers volontaires.  D'une grande qualité, ce rapport ouvre des perspectives sur le management des sapeurs-pompiers volontaires et leurs attentes ainsi qu'une analyse objectivée de leur activité. Il met par ailleurs en évidence la situation de vulnérabilité de certains services d'incendie et de secours au regard de leurs pratiques. Le document conclut que le volontariat n'est pas, en tant que tel, soumis aux règles européennes régissant le temps de travail. Par ailleurs, le comité européen des droits sociaux, organe de suivi de la charte sociale européenne, chargé de se prononcer sur la conformité de la situation dans les États parties avec cette convention, a rendu le 14 février dernier une décision qui traite de la situation des sapeurs-pompiers volontaires. Ce document, dont le contenu ne lie pas les autorités françaises, a été communiqué au comité des ministres de l'Union afin qu'il exprime, le cas échéant, des recommandations au Gouvernement français, ce qui n'a pas été fait à ce jour. En tout état de cause, plusieurs recommandations émises par l'IGA et l'IGSC dans leur rapport relatif à l'activité des sapeurs-pompiers volontaires sont de nature à répondre en partie aux sujets soulevés par la décision du CEDS. Ces recommandations appellent des travaux qui feront l'objet d'une concertation approfondie avec l'ensemble des acteurs représentant les sapeurs-pompiers. Dans le cadre de ces derniers, des propositions prenant en compte à la fois des impératifs juridiques, organisationnels et financiers, ainsi qu'une durée de mise en œuvre adaptée aux réalités locales, devront être exprimées et prises en compte. Ces travaux devront poursuivre un objectif prioritaire : traiter les fragilités actuelles auxquelles exposent certaines pratiques, pour permettre à la France de continuer à bénéficier de l'apport indispensable de l'engagement citoyen des sapeurs-pompiers volontaires. Le volontariat sapeur-pompier est le socle de notre modèle de sécurité civile, et il doit le rester. En ce sens, le « Beauvau de la sécurité civile », lancé par le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, permettant à chacun d'être associé à la réflexion sur l'avenir de la sécurité civile en France, est l'occasion de consolider ces travaux visant à conforter notre modèle de volontariat en intégrant ces dimensions, y compris la dimension européenne.

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