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Catherine Couturier
Question N° 16442 au Ministère des ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires


Question soumise le 26 mars 2024

Mme Catherine Couturier alerte M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur les risques du projet BioTJet dans les Pyrénées-Atlantiques. Alors que la France s'est engagée à « prendre des mesures pour conserver et, le cas échéant, renforcer les puits et réservoirs de gaz à effet de serre [...] notamment les forêts » lors de l'Accord de Paris en 2015, le puit de carbone français des forêts a été divisé par 2 en l'espace de 10 ans. La baisse du puit carbone risque de s'accélérer dans les années à venir au regard des prévisions du cabinet Carbone 4 qui table sur 12 millions de tonnes de capacité de stockage carbone à l'horizon 2050, contrairement à la vision plus qu'optimiste du Gouvernement dans sa stratégie nationale bas-carbone (SNBC) avec 35 millions de tonnes captées. Mme la députée souhaite rappeler que les sols constituent au niveau mondial le premier stock de carbone biologique selon les données fournies par le ministère de l'agriculture (si l'on exclut les océans et les roches sédimentaires). En captant du CO2 de l'air via la photosynthèse, une plante absorbe du carbone. Si cette plante se décompose dans le sol, elle lui restitue son carbone sous forme de matière organique. Le sol s'enrichit alors de carbone et devient plus fertile, plus résilient. Si l'on augmentait ainsi la matière organique des sols agricoles chaque année de 4 grammes pour mille grammes de CO2, on serait capable de compenser l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre produits par la planète en un an. Dans le même temps, l'exploitation forestière liée à la biomasse a augmenté de 10 % en 10 ans. Au regard de ces éléments, Mme la députée souhaite alerter M. le ministre sur les risques que constituent les projets industriels d'exploitation de la forêt pour la biomasse. Dans le département de la Creuse, le projet d'usine à pellets, Biosyl, risque notamment d'augmenter la pression exercée sur la forêt limousine. Le projet BioTjet dans le bassin de Lacq (64) nécessitera 300 000 tonnes de bois par an qui viendront s'additionner aux 200 000 tonnes déjà prélevées dans les Pyrénées-Atlantiques. Cela représente 4,2 % du volume total du bois des forêts du département, alors même que les forêts ne croissent que de 2,8 % par an. Ainsi, en quelques décennies, soit la forêt du département sera totalement rasée, soit l'entreprise devra recourir massivement à des importations climaticides de bois pour continuer à fonctionner. Qui plus est, le projet BioTJet vise à construire une unité commerciale de biocarburant à destination du secteur aéronautique et est largement financé par la puissance publique dans le cadre de France 2030. Ce projet de biocarburant n'est en aucun cas un projet durable au regard de son impact sur la forêt des Pyrénées-Atlantiques. Il s'agit d'un projet « techno solutionniste » qui ne vise qu'à préserver le modèle néolibéral, sans prendre en compte les objectifs de sobriété. Alors que M. le ministre doit présenter dans les prochaines semaines son nouveau « Plan national d'adaptation au changement climatique », Mme la députée lui demande de se fonder sur les dernières prévisions en matière de captation carbone des forêts. Elle lui demande également de revoir les subventions et les autorisations accordées aux projets écocides dans le cadre du « Fond Vert » et de France 2030 à l'image des fonds adressés au projet BioTJet.

Réponse émise le 28 mai 2024

Les biocarburants jouent un rôle essentiel dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans la mesure où le dioxyde de carbone (CO2) dégagé lors de leur combustion est compensé par le CO2 absorbé durant la croissance des végétaux. Ils permettent également de ne pas recourir à des ressources fossiles. Pour assurer la durabilité des biocarburants en Europe, ces derniers ne doivent pas être produits à partir de biomasse agricole issue de terres riches en biodiversité et de terres présentant un important stock de carbone ou de tourbières. Les critères s'appliquant à la biomasse forestière doivent se renforcer avec la mise en place en application de la directive énergies renouvelables récemment révisée (directive « RED 3 »).  La réglementation distingue plusieurs catégories de biocarburants selon la nature de la matière première : les biocarburants issus de matière première en concurrence avec l'alimentaire (dits biocarburants première génération dont l'incitation à l'usage est plafonnée) et les biocarburants avancés élaborés à partir des ressources considérées comme les plus vertueuses et dont la liste est établie à la partie A de l'annexe IX de la directive 2018/2001 relative à la promotion des énergies renouvelables. Le projet BioTJet permettra ainsi la production de biokérosène à partir de biomasse lignocellulosique (résidus agricoles ou forestiers). Cette ressource, qui n'entre pas en concurrence avec les usages alimentaires, sera transformée par un processus de torréfaction et gazéification pour produire des biocarburants avancés. Si l'électrification du parc automobile aura un rôle prépondérant et reste la priorité du gouvernement pour atteindre l'objectif de 14,5% de réduction de l'intensité carbone de l'énergie des transports à horizon 2030 fixé par la révision de cette directive adoptée en octobre 2023, les biocarburants devront également contribuer à l'atteinte de cet objectif, notamment pour les secteurs difficiles à décarboner comme les usages non routiers, l'aérien ou le maritime. Les biocarburants de première génération représentent en France, depuis 2016, 7% de la consommation des filières gazoles et essences, soit le maximum autorisé pour contribuer aux objectifs de la réglementation européenne. En 2022, la consommation des biocarburants avancés en France représentait 0,38% de la consommation totale des gazoles et 1,3% de la consommation totale des essences. L'accélération de la décarbonation du secteur des transports passe nécessairement par un usage accru de biocarburants avancés, permettant de diversifier les ressources en matières premières vers des ressources encore plus vertueuses. Le développement des biocarburants avancés est donc nécessaire et prioritaire, et passe par le soutien de projets pilotes portant sur la valorisation de la part non alimentaire de la plante, sur l'utilisation de la biomasse résiduelle à faible valorisation (résidus agricoles, cultures intermédiaires, résidus de l'exploitation forestière, etc.) et sur la valorisation de déchets. La filière de biocarburants avancés s'inscrit également dans un contexte plus général d'efforts soutenus de l'Etat pour, précisément, renforcer la gouvernance de la biomasse aussi bien au niveau national que régional, en veillant à mieux articuler les deux niveaux. En effet, les travaux conduits dans le cadre de la planification écologique ont très clairement, et publiquement, confirmé ce que l'on savait déjà depuis la scénarisation de la Stratégie Nationale Bas-Carbone parue en 2020, à savoir que la décarbonation de notre mix énergétique allait conduire à s'appuyer davantage sur les énergies produites à partir de biomasse et que cela soulevait une question stratégique d'adéquation entre l'offre et la demande. Plusieurs chantiers ont été conduits récemment, notamment les travaux entourant la préparation des nouveaux scénarios énergie-climat nationaux ou encore la directive RED 3 qui pose des jalons très importants pour la suite. Les travaux en cours, en ce moment même, iront plus loin en renforçant les cellules biomasse dans leurs prérogatives, et en consolidant les outils à leur disposition pour se prononcer, à mieux organiser et systématiser le recueil des données sur la biomasse. Le projet BioTJet dont il est question ici devrait, a priori, être candidat à l'appel à projet piloté par l'ADEME « Développement d'une filière de production française de carburants aéronautiques durables ». Dans ce cadre, et comme c'est déjà le cas depuis quinze ans pour de nombreux appels à projet, l'installation devra présenter un plan d'approvisionnement détaillé qui sera soumis à l'expertise des « cellules biomasse » régionales, rassemblant les services de l'Etat en région (DREAL, DRAAF, DREETS) et de l'ADEME. Cette expertise, issue d'une gouvernance multipartite, vise notamment à contrôler le plan d'approvisionnement du projet BioTJet au regard de la disponibilité effective en biomasse, pouvant conduire à le réviser si sa crédibilité à moyen/long-terme devait être questionnée. Cette étape permet ainsi de s'assurer que l'exploitation de l'installation n'aura pas d'effets néfastes sur les écosystèmes.

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