M. Hadrien Clouet interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'absence de dispositif spécifiquement dédié à l'accueil des réfugiés russes hostiles à la guerre et en butte à la répression de leurs autorités. Depuis le 24 février 2022, toute critique du pouvoir russe est passible de lourdes amendes et de peines d'emprisonnement ferme. Une loi du 4 mars 2022 adoptée en procédure d'urgence introduit dans le code pénal des peines de 15 ans d'emprisonnement pour diffusion de « fausses informations » sur l'armée russe. Ces fausses informations regroupent toute mise en doute de la communication publique gouvernementale et depuis le 25 mars 2022 toute information à propos de n'importe quel organe de l'état russe à l'étranger. Sont également poursuivis les « actions publiques visant à discréditer les forces armées » et les « appels à l'introduction de mesures restrictives contre la Fédération de Russie ». Le bilan de cet arsenal coercitif est lourd : plus de 80 personnes sont actuellement en jugement et plus de 16 000 Russes ont été arrêtés au total depuis le début de la guerre. Nombre de rédactions de journalistes ont cessé leurs activités ou ont choisi l'exil vers un pays voisin, notamment la chaîne télévisée Dojd, la radio Echo de Moscou ou encore le journal Novaïa Gazeta. Nombre de centres artistiques ferment ou connaissent une censure de leurs activités culturelles jugées subversives. Le 12 septembre 2022, Vladimir Ossetchkine, directeur d'une ONG spécialisée dans la défense des prisonniers russes et réfugiés, a été victime d'une tentative d'assassinat à son domicile à Biarritz. Les opposantes et opposants à la guerre sont donc en grave danger. Face à cette répression, des mesures de soutien depuis l'extérieur sont urgentes, à l'instar de celles adoptées à juste titre en faveur des Ukrainiennes et des Ukrainiens. Ceux-ci bénéficient depuis le 3 mars 2022 du statut de « protection temporaire », qui leur ouvre l'autorisation provisoire de séjour, leur permettant d'exercer une activité professionnelle. Rien de tel encore à l'heure actuelle pour les milliers de citoyens russes contraints à l'exil afin d'échapper à la guerre et la répression, dans la solitude la plus complète. Une situation d'autant plus paradoxale que l'Ofpra est l'héritière de l'Office central des réfugiés russes. De nos jours, les réfugiés russes n'ont souvent d'autre choix que d'utiliser un visa Schengen court séjour pour quitter leur pays. Ils peuvent ensuite demander le statut de réfugié, procédure durant entre 3 et 6 mois en moyenne, durant laquelle ils sont interdits d'exercer une activité professionnelle. Ces obstacles rendent encore plus difficile la résistance civile à la guerre en Russie et, le cas échéant, le choix de l'émigration. M. le député se demande donc quels dispositifs d'accueil M. le ministre envisage de créer dans les prochaines semaines. L'accès au statut de protection temporaire, l'obtention de l'allocation de demandeur d'asile et l'octroi de titres de séjour longue durée seront-ils facilités et suivant quelles modalités ? Une communication publique spécifiquement destinée aux Russes s'opposant à la guerre va-t-elle être déployée ? Les subventions aux plateformes dédiées à l'accueil de réfugiés russes seront-elles multipliées ? Enfin, il lui demande si la constitution d'unités spécialisées pour élèves allophones arrivants est envisagée pour accueillir les jeunes Russes, notamment ceux menacés d'une mobilisation à l'aube de leur 18e anniversaire.
À la suite de l'agression de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022, le Conseil de l'Union européenne, par une décision d'exécution du 4 mars 2022, a activé le dispositif exceptionnel de protection temporaire prévu à l'article 5 de la directive 2001/55/CE du 20 juillet 2001. Ce dispositif permet d'octroyer aux personnes déplacées d'Ukraine, à compter du 24 février 2022, une protection immédiate à laquelle sont associés certains droits, en particulier le droit au séjour, l'accueil, l'hébergement, le droit de travailler et le versement de l'allocation pour demandeur d'asile. L'article 2 de la décision d'exécution du Conseil de l'Union européenne précise les personnes à qui s'applique la protection temporaire : les ressortissants ukrainiens résidant en Ukraine avant le 24 février 2022, les apatrides et les ressortissants de pays tiers autres que l'Ukraine qui ont bénéficié d'une protection internationale ou d'une protection nationale équivalente en Ukraine avant le 24 février 2022 ; les apatrides et les ressortissants de pays tiers qui résidaient régulièrement en Ukraine avant le 24 février 2022, sur la base d'un titre de séjour permanent en cours de validité et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays ou région d'origine dans des conditions sûres et durables ; ainsi que les membres de la famille des personnes entrant dans l'une de ces catégories. Dès lors, les ressortissants russes, qui n'entrent pas dans l'une de ces catégories, ne peuvent pas bénéficier de la protection temporaire. Toutefois, les ressortissants russes qui fuient la Russie en raison de leur opposition au conflit conservent, comme tout étranger, la possibilité de demander à la France sa protection. Ils doivent se rendre sur le territoire français afin d'y déposer une demande d'asile. Ils bénéficieront alors, dans les conditions du droit commun et pendant l'instruction de leur demande, des conditions matérielles d'accueil (CMA) délivrées aux demandeurs d'asile (hébergement et versement de l'allocation pour demandeur d'asile). Si, après instruction de leur demande, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), leur reconnaît le statut de réfugié ou leur octroie le bénéfice de la protection subsidiaire, ils seront admis au séjour en France et mis, selon les cas, en possession d'une carte de résident d'une durée de dix ans ou d'une carte de séjour pluriannuelle d'une durée de quatre ans. Par ailleurs, en application de la politique du Gouvernement de soutien à la société civile russe, tout en tenant compte du cadre arrêté par la Commission européenne dans des lignes directrices applicables à la délivrance de visas aux ressortissants russes dans le contexte de la suspension de l'accord de facilitation entre l'Union européenne et la Russie en matière de visas, le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer a arrêté, en lien avec le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, des instructions particulières destinées à faciliter l'accès et le séjour en France de ressortissants russes menacés dans leur pays en raison de leurs prises de position dans le cadre du conflit en Ukraine. Ce dernier prévoit qu'une attention particulière sera accordée aux demandeurs de visas disant vouloir échapper à une mobilisation. Sans aucunement aménager les conditions de fond de délivrance des visas, en particulier celles relatives à des considérations de sécurité, ce dispositif prévoit des mesures de facilitation du séjour en France pour les bénéficiaires de visas délivrés par des postes consulaires français en Russie et dans certains pays limitrophes, ce qui témoigne de la politique de soutien de la France à la société civile russe. Ainsi, le ressortissant russe détenteur d'un visa, qui n'envisage pas de retourner en Russie en raison du conflit et ne souhaite néanmoins pas introduire de demande d'asile, peut bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour d'une durée de 6 mois autorisant à travailler. Près d'un millier de personnes avaient bénéficié de ce dispositif au début du mois d'avril.
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