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Arnaud Le Gall
Question N° 16026 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 12 mars 2024

M. Arnaud Le Gall interroge et alerte Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, sur les conséquences de la mise en place de la réforme « choc des savoirs » annoncée par Gabriel Attal, alors ministre de l'éducation nationale, le 5 décembre 2023. Cette réforme décidée sans concertation instaure des groupes de niveaux en français et mathématiques pour les élèves de 6e et 5e dès la rentrée 2024. Elle est massivement rejetée par l'ensemble des personnels éducatifs et des parents d'élèves. Les motions contre cette réforme et les votes s'opposant aux tableaux de répartition des moyens se multiplient dans les conseils d'administration des établissements du Val-d'Oise et partout en France. Si tous les acteurs de l'éducation s'accordent sur la nécessité d'élever le niveau de l'école, la réponse apportée par le Gouvernement est à l'opposé des attentes et des besoins des personnels de terrain. En juillet et novembre 2023, M. le député alertait déjà, comme de nombreux parlementaires, via deux questions écrites, restées sans réponse : la survie de l'école publique suppose avant tout de revaloriser le métier d'enseignant pour lutter contre la pénurie de recrutements, de permettre à chaque élève d'avoir face à lui un enseignant formé et de réduire les effectifs par classe pour permettre un meilleur accompagnement des élèves (il faut rappeler que, d'après les statistiques du ministère de l'éducation nationale, la France a les classes les plus chargées d'Europe). Or la réforme « choc des savoirs » annoncée par Gabriel Attal ne répond à aucun de ces besoins. Pire, elle viendra accentuer les inégalités sociales, stigmatisera des enfants dès la 6e en abaissant leur estime de soi et désorganisera le fonctionnement des établissements. Les groupes de niveaux en français et mathématiques n'auront pour effet que de rompre la dynamique d'entraide en groupe-classe. Outre qu'elle permet d'augmenter collectivement le niveau, l'entraide en classe permet aussi aux élèves de développer des valeurs républicaines telles que la fraternité, l'acceptation des différences, la tolérance et la bienveillance. C'est la fin du collège unique et une nouvelle rupture d'égalité qu'annonce la mise en place de cette réforme. De plus, toutes les études scientifiques sur le sujet s'accordent sur le fait que les regroupements permanents, tels que les groupes de niveau, sont inefficaces et ne permettent pas une progression réelle. À l'inverse, les groupes flexibles et transitoires, les ateliers, les groupes de besoin au sein de la classe, l'apprentissage en petits groupes, la co-animation ou encore le tutorat donnent des résultats encourageants. Cette approche souple doit s'inscrire dans une réflexion menée par les équipes pédagogiques et être adaptée aux besoins de chaque établissement, variables d'un établissement à un autre, y compris au sein d'une même commune. Au contraire, la mise en place des groupes de niveau contraindra les enseignants à une pratique pédagogique figée et indifférenciée. Les moyens humains et financiers déployés ne sont même pas suffisants pour mettre en place cette réforme : quand certains établissements réussissent à obtenir des moyens supplémentaires, encore insuffisants, d'autres voient leurs dotations horaires globales (DHG) baisser drastiquement comme le collège Stendhal de Fosses, dans la circonscription de M. le député, dont la DHG 2024 diminue de 48 heures, passant de 911 heures en 2023 à 873 heures en 2024. Cette réforme « choc des savoirs » se fait donc au détriment de projets et aménagements mis en place par les établissements, qui se voient contraints de supprimer de nombreux dispositifs d'accompagnement, notamment pour aider les élèves en difficulté. Par exemple, le collège Stendhal de Fosses fermera sa classe relais à la rentrée 2024. Enfin, la mise en place de cette réforme entraînera une nette dégradation des conditions de travail pour l'ensemble des personnels : fin de l'interdisciplinarité du français et des mathématiques avec d'autres disciplines, fin de la liberté pédagogique, impossibilité pour les enseignants de français et de mathématiques d'être professeurs principaux en 6e et en 5e, emplois du temps contraints. M. le député demande donc à Mme la ministre si elle va tenir compte des remontées des personnels éducatifs et de direction, des parents d'élèves et des syndicats, qui s'opposent unanimement à la mise en place des groupes de niveau. Envisage-t-elle d'ajourner la mise en œuvre de cette réforme pour lancer une véritable concertation avec les acteurs de l'éducation, afin de construire une école qui répondrait aux besoins exprimés de longue date et permettrait une véritable élévation du niveau des élèves : revalorisation des salaires, réduction des effectifs par classe, attractivité du métier, reconnaissance du statut des AESH et amélioration de l'accompagnement des élèves en situation de handicap ? Par ailleurs, s'il persiste dans la mise en place de cette réforme, il lui demande comment le ministère compte répondre aux besoins supplémentaires induits en enseignants en français et en mathématiques, alors même que la profession subit une grave crise des recrutements, que tous les postes mis aux concours ne sont pas pourvus et que le manque de remplaçants en cas d'absence est massif.

Réponse émise le 23 avril 2024

Les efforts menés depuis 2017 sur le premier degré ont permis d'améliorer le niveau des élèves à l'entrée en 6e. Cependant, les évaluations nationales montrent que 30 % des élèves ont des difficultés en français et plus de 25 % en mathématiques à ce moment de leur parcours scolaire. Le même constat se retrouve à la sortie du collège, révélé aussi bien par les résultats aux épreuves nationales du diplôme national du brevet que par l'enquête PISA 2022. Ces constats confirment la nécessité de mieux faire réussir les collégiens, selon leur niveau, des plus fragiles aux plus avancés, en leur offrant des modalités d'enseignement plus adaptées à leurs besoins. Ainsi, à compter de la rentrée prochaine, pour les classes de 6e et de 5e, les enseignements de français et de mathématiques sont organisés en groupes de besoins, sur la totalité de l'horaire hebdomadaire. Pour les autres disciplines, c'est-à-dire pour deux tiers des heures de cours, la classe demeure l'organisation de référence. Pour l'ensemble des groupes, les programmes et les attendus de fin d'année sont identiques. L'objectif est de prendre en charge des groupes d'élèves plus homogènes pour permettre d'adapter les pratiques pédagogiques et de mieux soutenir ceux qui en ont le plus besoin. C'est pourquoi les groupes qui comportent un nombre important d'élèves en difficulté bénéficieront d'effectifs réduits, par exemple d'une quinzaine d'élèves. L'organisation retenue par les établissements doit permettre de constituer des groupes flexibles et évolutifs en fonction des besoins et compétences des élèves. Si les établissements le souhaitent et afin d'éviter l'inscription dans un même groupe sur toute l'année voire durant plusieurs années consécutives d'un élève dans un même groupe de besoins, il est possible de regrouper les élèves conformément à leur classe de référence, pour une ou plusieurs périodes jusqu'à 10 semaines. Ce brassage permettra de garantir à la fois la cohérence des progressions pédagogiques des différents groupes et la recomposition des groupes pour les périodes suivantes. Cette organisation permet en outre aux professeurs de français et de mathématiques d'investir sans difficulté le rôle de professeur principal. Les moyens déployés dans le cadre de la rentrée scolaire 2024 tiennent compte des spécificités des collèges et doivent permettre la mise en œuvre des groupes de besoins en français et en mathématiques, tout en maintenant les autres dispositifs (groupes en sciences, enseignements facultatifs notamment) dans le cadre de la stratégie de leur académie. Enfin, la décision de mettre en œuvre des groupes de besoins s'appuie sur de nombreuses recherches. Les études empiriques montrent que l'organisation flexible de groupes homogènes constitués en fonction du niveau de maîtrise des compétences produit des effets positifs, particulièrement sur les élèves les moins avancés (Dupriez et alii, 2003 ; IDEE, 2023). De plus, les pays tels que la Suisse, la Suède ou le Danemark qui ont adopté une organisation en groupes flexibles répartis selon les besoins des élèves, pour tout ou partie des enseignements, obtiennent des performances scolaires supérieures à celles des élèves français dans les classements internationaux en fin de collège, tout en réduisant l'impact des inégalités sociales à l'école.

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