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M. Aurélien Taché attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur la problématique de l'accès aux soins qui s'accroit et la situation particulière des praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) qui constituent à la fois une des solutions au premier problème et une illustration précise de l'échec des politiques publiques en la matière. M. le député ne doute pas que Mme la ministre, bien qu'arrivée récemment à la tête d'un ministère resté sans ministre de plein exercice pendant près d'un mois, soit pleinement au fait de l'enjeu de la désertification médicale, notion qui renvoie aux zones au sein desquelles le nombre de consultations possibles, par an et par habitant, est inférieur à 2,5, prenant ainsi en compte à la fois l'accès aux médecins, mais également les délais d'attente pour y accéder, spécialistes et généralistes confondus, atteignant parfois plus de 100 jours pour certaines spécialités. Au 1er janvier 2022, l'Atlas de démographie médicale dénombrait 121 médecins généralistes en moyenne pour 100 000 habitants. Ainsi, loin d'être un concept aussi simple qu'il n'y paraîtrait, la désertification médicale est une réalité pour plus de 30 % de la population française. Les disparités entre les territoires sont importantes et n'opposent plus les territoires ruraux aux villes, avec des écarts de densité en médecine générale entre les départements les plus défavorisés et les départements les mieux dotés de l'ordre de 1 à 2. Avec la suppression de plus de 40 000 lits au cours des 10 dernières années, près d'un quart des services d'urgence en situation de difficulté et une cinquantaine de services d'urgence en cours de fermeture partielle, la médecine hospitalière n'échappe pas à la dynamique de désertification médicale dont les analyses et débats se reportent généralement davantage sur la question de la médecine dite de ville ou libérale. Alors que l'augmentation et le vieillissement de la population accroissent les besoins en santé, que les maladies chroniques s'installent, que les troubles psychosociaux au cours des dernières années ce sont près de 20 % de généralistes et 25 % de spécialistes qui sont partis à la retraite. Le Conseil national de l'Ordre des médecins estime qu'en 2025 les médecins généralistes en exercice ne seront plus que 82 000. En résultent des cas de burn-out chez près de la moitié des généralistes, le renoncement au soin de près de 1,6 millions de français, chiffre probablement sous-évalué quand on considère que 11 % des français de plus de 17 ans n'ont pas de médecin traitant. Si le manque de médecins est un problème d'ordre national, il n'épargne pas l'Île-de-France et risque de s'y accroitre encore avec plus de la moitié de médecins y approchant la retraite ou pour un quart pouvant déjà y prétendre. Aussi, en région francilienne, la désertification médicale touchait en 2022, d'après l'union régionale des professionnels de santé, 7,5 millions d'habitants, soit près des deux tiers des franciliens, là où, phénomène s'aggravant avec le temps, en 2015, seuls 7 % de la région étaient classés comme désert médical. Ma circonscription est aussi particulièrement concernée par l'enjeu, avec la perte de plus de 350 médecins libéraux, spécialistes et généralistes, en l'espace de 10 ans. À titre d'exemple, le bassin de vie de Cergy-Pontoise, avec près de 215 000 habitants répartis sur treize communes, compte aujourd'hui moins de 90 médecins généralistes, soit près de 4 médecins pour 10 000 habitants, alors que la moyenne en France est de 6,5 médecins. Pour pallier ces manques, ce territoire ne manque pas d'imagination et de pro-activité, se situant parfois à l'avant-garde des solutions imaginées par le Gouvernement, l'agence régionale de santé et les collectivités territoriales qui tentent tant bien que mal de prendre le relais sur ces problématiques d'offre et d'accès aux soins : ouvertures de maisons de santé et pôles de santé pluridisciplinaires qui peinent toutefois à recruter des médecins souhaitant s'y installer, en dépit des aides à l'installation et des bourses dédiées à des futurs médecins s'engageant à exercer à l'issue de leur formation et même déploiement de la télémédecine et télécabines installées aussi bien dans des zones rurales qu'urbaines. Ici non plus, la médecine hospitalière n'échappe pas non plus à ce constat terrible, qui semble partout être devenu la règle, en témoignent notamment le projet de réorganisation des urgences de l'hôpital de Pontoise ou la fermeture de l'unité psychiatrique de ce dernier il y a un an. En dépit des nombreuses politiques mises en place depuis 2012 par les Gouvernements successifs et de la stratégie nationale de santé qui pointent précisément les enjeux et les mesures à déployer pour lutter contre la désertification médicale, faute est de constater que la quasi-totalité des départements français voient leurs effectifs de médecins baisser, la quasi-totalité des installations de médecins se faisant en dehors des zones identifiées comme déficitaires. Il faut désormais impulser des politiques publiques de santé efficaces pour réduire autant que faire se peut la fracture territoriale médicale autant que pour permettre l'accès aux soins de tous les français, de même que pour permettre le déploiement d'une médecine véritablement coordonnée entre médecine dite de ville et médecine hospitalière. Ainsi, à ce titre, M. le député souhaitait attirer l'attention toute particulière de Mme la ministre sur ce qui pourrait constituer une solution au manque de professionnels de santé dans les territoires autant qu'une illustration de la difficulté que sembler poser cet enjeu d'une politique publique ambitieuse et cohérente en matière de lutte contre la désertification médicale : les praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE). Au-delà d'ailleurs de la solution à la crise du système de santé que ces derniers peuvent contribuer à atténuer, il s'agit de prendre en compte la question des migrations dites médicales qui se posera davantage dans les années à venir et pour laquelle nous devons poser un cadre qui réponde à la fois aux attentes et aux aspirations des professionnels de santé, autant qu'à l'impératif de sécurisation de ces parcours. En effet, dans la circonscription de M. le député, son attention a été à plusieurs reprises attirées sur plusieurs cas et situations particulières afférentes, qu'il s'agisse de PADHUE victimes d'obligations de quitter le territoire français (OQTF), victimes de leur situation ambigüe avec des conséquences sur leur rémunération, ou bien dans une incapacité d'exercer au titre de leur diplôme obtenu hors Union européenne, en dépit de certifications obtenues par ailleurs sur le territoire français, en raison d'une nationalité française acquise au cours de leur intégration, ou de responsabilités confiées de facto dans les services qui les accueillent qui ne correspondent pas aux contrats conclus. Aussi, ces situations rencontrées par ailleurs interrogent M. le député, particulièrement en écho aux propos et aux ambitions fixées à la fois par le Président de la République, rappelées le 16 janvier 2024, et par son Premier ministre lors de son discours de politique générale, qui ont tous deux promis que la France devait procéder à la régularisation de médecins étrangers, qui contribuent pleinement à la survie du système de santé appelant même à « aller chercher à l'étranger des médecins qui voudraient venir exercer en France ». Pour rappel sur ce sujet, depuis plus de vingt ans, de nombreux établissements de santé ont recruté des médecins en dehors de l'Union européenne. Entre 4 000 et 5 000 PADHUE travaillent aujourd'hui en France, près de 5 % des médecins de moins de 70 ans en activité exercent avec un diplôme obtenu à l'étranger et plus de deux tiers d'entre eux ont la nationalité française. S'ils offrent ainsi des qualifications équivalentes aux praticiens français et assurent ainsi la continuité de nombreux services de santé, permettant de faire face au flux de patients, malgré leur importance capitale, à force d'absence d'ambition ou de cadre précis, ils étaient prêts de 2 000 dans un flou durant la période hivernale, à ne pas pouvoir exercer, contrats suspendus au premier janvier, refus de prolonger par les ARS. Au-delà de cette simple conjoncture, les PADHUE sont mal rémunérés, en contrats courts renouvelables et ne peuvent espérer une « autorisation de plein exercice » qu'après une procédure complexe durant généralement plusieurs années. À ce titre et dans une certaine mesure, M. le député tient à saluer les précisions auxquelles Mme la ministre a pu procéder lors de ses déclarations à la fin du mois de janvier 2024 visant à clarifier la situation des PADHUE et à apporter quelques indications sur les prochaines mesures qui seront mises en place à cet effet et l'instruction du 12 février 2024 de la direction générale de l'offre de soins prolongeant les autorisations temporaires de travail des médecins étrangers s'engageant à passer les épreuves de vérification des connaissances (EVC) lors de la session 2024. Néanmoins, il ne s'agit pas d'accorder une attention conjoncturelle, dérogatoire et temporaire à ce sujet seulement en écho à des périodes de tensions ponctuelles : crise sanitaire, jeux olympiques, mobilisation des personnels... Un risque se pose en effet : faute de mesures ambitieuses et claires et à la hauteur de l'enjeu, le sujet reviendra d'année en année. À force de tatonnement et de mesures provisoires et dérogatoires autant que de réglementation complexe et illisible, les PADHUE, sont confrontées à toujours davantage de pression, de précarité, d'irrespect du droit du travail, d'injustice, de refus de titre de séjour, d'OQTF, de licenciements et de problèmes personnels et psycho-sociaux conséquents. En effet, il semblerait que le parcours « épreuves de vérification des connaissances » (EVC), à l'instar de la session 2023, soit de plus en plus sélectif, avec un nombre de postes ouverts réduit, 2 700 places pour près de 10 000 candidats, semblant redonner corps à un numrus clausus pourtant supprimé par ailleurs dans les universités pour répondre justement au manque criant de médecins et donnant ainsi lieu à l'échec de candidats ayant pourtant obtenu des résultats supérieurs à 15 de moyenne. De même, si certaines spécialités sont bien dotées, d'autres sont complément oubliées, excluant même certains praticiens dès l'inscription, ce qui ne permet pas d'en faire l'outil attendu et appelé des vœux mêmes du Président de la République et de son Premier ministre pour contribuer à résoudre la crise du système de soins. Pire encore, il arrive que des places ouvertes soient supprimées de la dite liste à la veille des épreuves, comme la suppression de 297 places en médecine générale l'an dernier. Un bilan de capacités et d'aptitudes qui soit adapté aux situations individuelles remplacerait un mode de sélection scolaire, opaque, aux règles instables et inégalitaires, ne donnant en outre, aucune garantie aux lauréats de la liste complémentaire. Concernant la problématique des titres de séjour aussi bien que des OQTF prononcées à l'encontre de certains PADHUE, la formulation de procédures dédiées dans les Préfectures auraient un sens certain, connaissant par ailleurs la lenteur de traitement de ces dossiers pour l'ensemble des habitants des territoires. À cet effet également, la désignation d'une mission interministérielle, chargée de faire le lien entre les ministères de la santé, de l'intérieur et de l'enseignement supérieur, permettrait peut-être la formulation de solutions globales et cohérentes face au défi qui s'impose et en réponse aux ambitions que votre Gouvernement porte par ailleurs. Puisse la réunion qui se tiendra le 7 mars 2024 être l'occasion d'entamer un dialogue conduisant à l'établissement d'un véritable cadre d'accueil des praticiens à diplôme hors Union européenne. Il souhaite connaître sa position sur le sujet.
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