M. Jérôme Buisson attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités, sur les difficultés rencontrées par les employeurs pour obtenir un rendez-vous pour leurs salariés auprès de la médecine du travail. En effet, malgré les dispositions introduites par la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail qui consolide l'obligation faite aux employeurs de prévenir les risques professionnels et d'accompagner les salariés dans cette démarche, le nombre de professionnels de santé en médecine du travail demeure insuffisant pour pallier la demande de rendez-vous. En conséquence, la pénurie patente de rendez-vous disponibles contraint les employeurs à réserver un créneau dans un centre de santé géographiquement très éloigné du lieu de travail, voire à se placer en infraction des dispositions règlementaires faute de disponibilités. Aussi, il lui demande quelles mesures elle compte mettre en œuvre pour mettre fin à la pénurie de professionnels de santé du travail afin que la médecine du travail puisse continuer à jouer son rôle de médecine préventive auprès des salariés et que les employeurs puissent répondre aux obligations légales.
La santé au travail est effectivement confrontée à une dégradation structurelle des effectifs de médecins du travail, liée notamment à une population vieillissante et à un manque d'attractivité de la profession. Le nombre de médecins a en effet diminué de 15% en 10 ans, passant de 5 108 médecins en 2012 à 4 265 en 2023. Les projections de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques prévoient une dégradation de la situation à moyen-terme, avec un creux prévu en 2030 (3 565 médecins en poste à cette date selon les projections). Plusieurs leviers ont été actionnés suite à l'adoption de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail. Celle-ci a notamment ouvert les possibilités de délégations de visites vers les infirmiers de santé au travail dans le but de libérer du temps médical et ainsi permettre aux médecins du travail de se consacrer aux visites médicales les plus complexes et à la prévention en entreprise. En application du décret n° 2022-679 du 26 avril 2022, l'ensemble des visites du suivi médical des travailleurs peuvent être déléguées aux infirmiers, à l'exception des visites d'embauche et de renouvellement des salariés en suivi individuel renforcé ainsi que la visite post-exposition mentionnée à l‘article R. 4624-2-1 du code du travail. La loi crée par ailleurs un cadre très clair pour permettre aux Services de prévention et de santé au travail (SPST) de recourir aux outils de télésanté au travail, déjà largement mobilisés dans le cadre de la crise sanitaire. Les consultations à distance donnent de la souplesse aux services dans leur organisation, tout en respectant le consentement des salariés et en préservant la qualité du suivi. La télésanté représente en outre une solution pour répondre aux besoins des entreprises et salariés situés dans des territoires sous dotés en termes de ressources médicales. Enfin, le recours possible à des médecins de ville - dits « médecins praticiens correspondants » - pour les visites les plus simples, dans le cadre de protocoles de collaboration conclus avec les SPST, est un autre outil pour répondre à la problématique de la pénurie de médecins du travail. Cette mesure, dont les modalités d'application ont été précisées par le décret n° 2023-1302 du 27 décembre 2023, ouvre à terme de nouvelles possibilités de recrutement dans les territoires concernés par la pénurie de médecins du travail. Il est important que ces dispositions, qui offrent de véritables leviers, fassent l'objet d'une large appropriation par les SPST. Au-delà des outils créés par la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, des réflexions sont en cours pour construire un plan d'action intégrant des mesures concrètes visant à pallier le déficit structurel de médecins du travail. Une première piste consiste à favoriser le recrutement de nouveaux médecins, notamment en facilitant et simplifiant les dispositifs de reconversion vers la médecine du travail (via par exemple la formation de collaborateur-médecin) ou par une augmentation du nombre de médecins diplômés hors Union européenne autorisés à intégrer la Procédure d'autorisation d'exercice (PAE), qui vise à la reconnaissance de leur diplôme obtenu à l'étranger. En 2023, le nombre de postes ouverts aux médecins étrangers diplômés hors Union européenne autorisés à intégrer la PAE a ainsi été relevé à 65 postes en 2023, alors que seulement 3 postes étaient ouverts en 2021 et 2022. Une deuxième piste porte sur le renforcement de l'attractivité de la spécialité médecine du travail auprès des étudiants. Elle vise notamment à renforcer la place de la santé au travail au sein des études de médecine ou à organiser des actions de communication auprès des étudiants de la filière médecine, dans le but d'augmenter le nombre de places pourvu en médecine du travail à l'issue du second cycle des études de médecine. Enfin, une des pistes envisagées consiste à revoir le périmètre et les modalités d'intervention du médecin du travail, afin d'optimiser l'utilisation des ressources médicales. Il s'agirait d'étendre le champ de la coopération entre les médecins et les infirmiers (par exemple dans le cadre du renouvellement des visites d'aptitude) et à engager une réflexion sur le périmètre des risques donnant lieu à un suivi individuel renforcé du travailleur, pour lequel le suivi médical est de la compétence du médecin. Ces évolutions nécessitent toutefois un travail important d'analyse et requièrent une concertation approfondie avec les partenaires sociaux. Certains leviers en matière de recrutement et d'attractivité doivent faire l'objet d'une collaboration renforcée entre administrations. Le concours d'autres ministères, en premier lieu le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, devra également être sollicité pour la mise en œuvre de certaines mesures, notamment celles relatives à l'enseignement de la médecine du travail et à l'attractivité de la profession.
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