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Yannick Monnet
Question N° 15634 au Ministère du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire


Question soumise le 27 février 2024

M. Yannick Monnet interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la rémunération des heures de « pluridisciplinarité » dans l'enseignement agricole public. L'enseignement pluridisciplinaire est une spécificité de l'enseignement agricole, qui depuis sa mise en place il y a 40 ans a fait la preuve de son efficacité pédagogique. La nouvelle méthode de calcul, appliquée dans un certain nombre d'établissements au 1er septembre 2023 (et dont la généralisation est prévue à la rentrée prochaine) divise le volume horaire de pluridisciplinarité par le nombre de semaines à l'année (36 semaines hors vacances) et non plus par le nombre de semaines de présence des élèves dans l'établissement (28 semaines en général, hors périodes de stage). Cela aboutit, mathématiquement, à considérer qu'une heure de pluridisciplinarité ne « vaut » plus que 0,77 heures d'enseignement. En d'autres termes, les heures de pluridisciplinarité voient leur rémunération baisser de 23 %. La réduction théorique de ce temps de service impose aux enseignants de fournir des efforts supplémentaires pour maintenir un temps de service complet (certains étant même amenés à devoir prendre en charge une classe supplémentaire) ; et des enseignants jusqu'ici bénéficiaires d'heures supplémentaires se voient mécaniquement retirer le bénéfice de cette rémunération complémentaire. Cette nouvelle méthode, appliquée sans concertation, ne tient pas compte du travail (pourtant bien réel) effectué par les enseignants pendant les périodes de stage de leurs élèves. Elle aboutit à leur demander davantage de travail, juste pour maintenir le volume hebdomadaire inscrit dans leur fiche de service : une situation qui amène les syndicats de l'enseignement agricole public à parler de « hold-up » sur le temps de travail. Quelque 1 100 enseignants sont concernés cette année (avant la généralisation prévue l'an prochain), sur les 8 000 que compte l'enseignement agricole public. Selon une source syndicale, 200 d'entre eux perdent entre 50 et 100 euros de salaire mensuel, tandis que les 900 autres sont amenés à prendre en charge une classe de plus, ou une responsabilité supplémentaire. Cette nouvelle méthode de calcul, qu'ils ont découverte quelques semaines après la rentrée scolaire, suscite un vif émoi chez les professeurs de l'enseignement agricole. À l'heure où l'Insee lui-même évalue leur temps de travail à 42 heures en moyenne par semaine, cette évolution apparaît à contre-courant de la volonté, affichée par le Gouvernement, de mieux considérer et de mieux rémunérer la profession d'enseignant. En particulier, au moment où la moitié des chefs d'exploitation auront atteint l'âge de la retraite en 2030, l'enseignement agricole occupe aujourd'hui une place décisive pour faire face au défi majeur du renouvellement des générations en agriculture. L'attractivité de l'enseignement agricole en matière de recrutement d'enseignants est donc déterminante. Un tel signal envoyé au personnel de l'enseignement agricole, en plus d'être fondamentalement injuste, s'avère donc particulièrement contre-productif. Il lui demande s'il compte abandonner cette nouvelle méthode de calcul, afin de répondre à la contestation légitime des enseignants concernés.

Réponse émise le 19 mars 2024

L'enseignement agricole est aujourd'hui reconnu pour la qualité pédagogique de ses formations, élaborées dans l'intérêt des élèves. L'acquisition des compétences par les jeunes est facilitée par la mobilisation de toutes les disciplines, générales et professionnelles, au sein desquelles sont intégrées des situations concrètes de nature à permettre une mise en pratique des savoirs acquis. Cela passe également par la construction d'un emploi du temps cohérent entre les temps de présence des élèves en établissement et les temps de stage en milieu professionnel. Il s'agit d'un enjeu essentiel afin d'offrir aux futurs acteurs du monde agricole les outils nécessaires pour faire face aux défis écologique, climatique et économique. La rénovation des baccalauréats professionnels s'inscrit dans l'objectif de renforcer ce processus d'acquisition des connaissances. En particulier, les temps de préparation et de débriefing consécutifs aux périodes de stage en milieu professionnel ont été renforcés via des semaines dites de « stages collectifs ». Désormais, les enseignants, en binôme, seront en mesure d'approfondir avec les élèves, durant 2 semaines, des aspects spécifiques : une semaine sera construite sous l'angle de l'éducation à la santé et au développement durable, la seconde mettra en valeur le vécu en milieu professionnel à travers le prisme de la santé et de la sécurité au travail. Ce sont, au total, 56 heures pour les élèves et 112 heures pour les enseignants. Les temps d'enseignements en pluridisciplinarité (c'est-à-dire l'intervention conjointe de 2 enseignants de 2 disciplines différentes) sont consolidés. Il s'agit notamment d'encourager les enseignants à pratiquer des cours en pluridisciplinarité, non seulement issus des matières professionnelles comme c'est déjà le cas, mais aussi ceux des matières générales. Le volume horaire de ces temps d'enseignement représente 110 heures pour les élèves sur un total de 1 700 heures, soit 6 %, mais ne font pas l'objet d'évaluations prises en considération lors des examens. Enfin, il a été convenu d'inclure 1 semaine « blanche » supplémentaire. Ces 4 semaines blanches sont essentielles afin de permettre aux élèves de bénéficier de temps dédiés aux évaluations ou aux révisions. Elles peuvent également être l'occasion, pour les enseignants qui ne seraient pas face aux élèves, de préparer des séquences pédagogiques particulières, comme la pluriactivité ou des projets particuliers. Dans ce contexte, le nombre d'heures financées pour les enseignants, sur l'ensemble des 2 années que compte le baccalauréat professionnel (première et terminale), est similaire après rénovation, et en réalité très légèrement supérieur. Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ne fait aucune économie d'heures à l'issue de cette rénovation. Les moyens mis en œuvre reconnaissent par ailleurs systématiquement l'investissement de chaque enseignant lorsque les séances pédagogiques sont effectuées à plusieurs, lors des séquences de pluridisciplinarité et des semaines de stages collectifs notamment. Toutefois, s'agissant de l'enseignement en pluridisciplinarité, le système de comptabilisation des heures a évolué. Concrètement, ces heures sont effectuées durant les 28 semaines de l'année lors desquelles les élèves suivent des cours dans l'établissement. Précédemment, pour 1 heure en pluridisciplinarité par semaine pendant que les élèves étaient en cours dans l'établissement, un service équivalent de l'enseignant était comptabilisé pendant les 6 semaines de l'année durant lesquelles les élèves étaient en stage. Un tel service n'est plus attendu et ne sera, de fait, plus comptabilisé. Le système de comptabilisation des heures en pluridisciplinarité diffère dorénavant de celui des heures de cours classiques. Cette différence de traitement s'explique car les enseignants qui assurent les cours « classiques » sont chargés d'assurer le suivi des élèves pendant qu'ils sont en stage. Pour ces cours, qui représentent 90 % des heures totales, chaque heure est comptée comme étant réalisée toute l'année, soit durant 36 semaines. À l'inverse, les temps pluridisciplinaires correspondent à un bloc pédagogique particulier qui ne se répète pas régulièrement chaque semaine, mais qui mobilise certains enseignants à certains moments de l'année. Pour autant, le service attendu ayant évolué, les enseignants peuvent tout à fait intervenir lors des semaines de stages collectifs. Ce sont également, d'une certaine manière, des projets pluridisciplinaires concentrés dans l'année. Lors de la rentrée scolaire 2023, l'accompagnement nécessaire à la mise en œuvre de ces nouvelles modalités pédagogiques a été insuffisant pour que les enseignants et les équipes de direction se les approprient. En conséquence, les services du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ont constaté une grande disparité dans l'élaboration des modalités relatives aux fiches retraçant les services des enseignants. Ainsi, bien que la rénovation des baccalauréats professionnels ait été élaborée à moyens constants, les différences dans l'élaboration des modalités susmentionnées ont pu conduire à des diminutions de rémunération. En effet, certaines équipes de direction ont appliqué ces nouvelles instructions sans qu'une concertation impliquant les enseignants ait été organisée. Cette mesure aurait permis à chacun de retrouver un temps de service équivalent à celui de l'année précédente. Dans ce contexte, une méthode a été mise en place afin de compenser, durant l'année 2023-2024, l'écart dû à ce changement, notamment dans les établissements au sein desquels ces nouvelles modalités ont été appliquées. Cela concerne légèrement moins de 200 enseignants répartis sur 5 spécialités de baccalauréat. La compensation accordée pour un enseignant intervenant 10 heures en pluridisciplinarité au cours de l'année est de 10 euros (€) par mois. Le ministre chargé de l'agriculture tient à signaler que cette restructuration des baccalauréats professionnels n'a pas été mise au point aux dépens des rémunérations des enseignants. L'ensemble des mesures intégrées au projet de loi de finances pour 2024 sont de nature à conforter et rehausser la rémunération de tous ceux qui, grâce à leur travail auprès des plus jeunes, sont garants de la qualité de l'enseignement agricole français : les enseignants, les personnels, les assistants d'éducation ainsi que les accompagnants des élèves en situation de handicap. Le Président de la République a par ailleurs annoncé, le 20 avril 2023, la création d'un pacte enseignant qui vise à revaloriser la rémunération de l'ensemble des professeurs et conseillers principaux d'éducation de l'enseignement technique agricole. Ce pacte se traduit concrètement par une augmentation inconditionnelle de leur salaire, entre 100 et 230 € nets de plus par mois, majorés de 240 € nets supplémentaires par mois, en moyenne, pour les enseignants volontaires afin d'assurer des missions complémentaires. L'enseignement agricole est un enjeu prioritaire afin que l'agriculture soit en mesure de relever le défi du renouvellement des générations, dans un contexte marqué par les difficultés économiques et face au changement climatique. Le lancement, le 15 décembre 2023, du pacte et du projet de loi d'orientation en faveur du renouvellement des générations en agriculture, qui contient de nombreuses mesures en faveur de l'enseignement agricole, en témoigne.

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